Ukraine : La France face à la menace russe
Crise ukrainienne
« La Russie est devenue une menace pour la France et pour l’Europe »
De notre correspondant en France
Vendredi 28 février 2025, sous les yeux ébahis de la planète, le président américain Donald Trump a infligé une humiliation diplomatique sans précédent à l’Ukraine, un pays allié : « Je ne pense pas que vous seriez un dur à cuire sans les Etats-Unis et votre peuple est très courageux, mais soit vous concluez un accord, soit nous vous laissons tomber. Et si nous nous retirons, vous allez en découdre. Je ne pense pas que ce sera joli, mais vous vous battrez, vous n’avez pas les cartes en main ».
En bon capitaliste prédateur, Trump a voulu faire main basse sur les centaines de milliards de dollars, de terres rares ukrainiennes sans donner de contrepartie militaire solide. Le refus de l’Ukraine a provoqué son courroux. Il poursuivit en ses termes : « Vous n’êtes pas en très bonne position. Vous vous êtes permis d’être en très mauvaise posture… Vous n’avez pas les cartes en main avec nous. Vous commencez à avoir des choses tout de suite ». Pour punir l’indiscipline de Zelenski, il a indiqué que les Etats-Unis cessent leurs opérations cyber contre la Russie, puis le partage de leurs renseignements avec l’Ukraine, enfin annoncé la pause de leur aide financière, humanitaire et matérielle. Ainsi, Trump a forcé les partenaires de l’Ukraine à reconstruire leur doctrine stratégique.
Le lundi 3 mars, les députés et le gouvernement français ont partagé des réflexions, questions et propositions sur la place de la France et l’Europe dans le monde à l’aune de cette nouvelle donne. « Ce débat est organisé selon les termes de l’article 50-1 de la Constitution et son but est que le gouvernement partage avec la représentation nationale non pas seulement des informations mais une vision d’une situation historique qui est à nos yeux la plus grave, la plus déstabilisée, la plus dangereuse de toutes celles que notre pays et notre continent ont connues depuis la fin de Seconde Guerre mondiale. », François Bayrou ; au soir du mercredi 5 mars, Emmanuel Macron a adressé une allocution aux Français pour expliquer sa nouvelle doctrine stratégique. Macron comme Bayrou annonce que nous rentrons dans une nouvelle ère. Il s’adonne à un jeu dangereux en disant : « C’est notre sécurité qui est menacée. En effet, si un pays peut envahir impunément son voisin en Europe, alors personne ne peut plus être sûr de rien et c’est la loi du plus fort qui s’applique et la paix ne peut plus être garantie sur notre continent même. La Russie est devenue, au moment où je vous parle, pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe ».
Son Premier ministre : « C’est la fin de la loi du plus juste, c’est le règne de la loi du plus fort ». Nous serions dans un monde post-ordre onusien assis sur une poudrière prête à exploser. L’Europe serait menacée de partout et la solution macronienne c’est l’armement. Il appelle à un changement de méthode : « Face à un monde danger, rester spectateur serait une folie. Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d’hier ». En ces termes, Macron installe un double standard.
« L’Europe ne peut pas défendre l’intégrité de l’Ukraine et abandonner la Palestine. Le droit international doit prévaloir partout et protéger chaque peuple », Cyrielle Chatelain, présidente du groupe “Ecologiste et Social”. Macron joue vraiment avec la crédibilité de la France par la duplicité de sa diplomatie. « Comment voulez-vous être crédible quand vous refusez d’exécuter le mandat d’arrêt émis par le CPI à l’encontre de Netanyahou, mais que vous le ferez sans hésiter à l’égard de Poutine ? », Jean-Paul Lecoq, député gauche démocrate et républicaine de Seine-Maritime.
Cette justice à deux vitesses vient du fait que l’Ukraine soit un pays européen et chrétien. Face à la menace grandissante et la traîtrise américaine, Macron a annoncé d’ouvrir une discussion sur l’extension du parapluie nucléaire français à d’autres intérêts stratégiques vitaux que ceux de la France : « Répondant à l’appel historique du futur chancelier allemand, j’ai décidé d’ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen ». Cette extension du parapluie a été vivement critiquée par l’extrême droite : « Partager la dissuasion, c’est l’abolir. Le feu nucléaire, degré suprême de la souveraineté, est un absolu. Un absolu ne se relativise pas, sauf à ne plus exister », Marine Le Pen. Macron a ouvert la porte à intégrer sous la protection nucléaire française d’autres pays européens comme le font les Etats-Unis. Concrètement ces pays passeraient sous protection française et non plus seulement américaine. L’extrême-droite a menacé l’Europe des pires catastrophes si c’en était le cas. « On ne dissuade un agresseur potentiel qu’en le laissant dans l’incertitude. », Marine Le Pen.
Les pays nouvellement protégés par la dissuasion française seront fortement incités à acheter français plutôt qu’américain. En abusant de sa position prépondérante, Trump n’a eu qu’un effet : souder l’Union Européenne qui l’exècre, lui qui estime qu’elle n’a été construite que pour emmerder les Etats-Unis. Il traite ses alliés européens comme des ennemis en oubliant que plus de 80% de la dépense militaire des autres pays de l’OTAN va directement dans la poche des entreprises américaines. Macron a annoncé une augmentation de l’investissement militaire sans que les impôts ne soient augmentés, sans que cet accroissement des dépenses militaires ne soit pris en compte dans de le déficit des pays membres. Des financements communs massifs seront décidés pour acheter et produire sur le sol européen. L’investissement serait mixte selon Macron : investissement privé et choix budgétaire.
Les économies de guerre se font généralement sur le social. Il faudra donc s’attendre à plus de dettes, des réformes sociales, un coup d’Etat social pour renforcer le militaire. Pour masquer ce coup d’Etat social, Macron transforme les Français en petits actionnaires de la paix : « Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix. Il ne tient qu’à nous que nos enfants récoltent demain les dividendes de nos engagements. Alors nous ferons face ensemble ». La reconfiguration présidentielle fera succomber aux inévitables réformes sociales nécessaires à financer une industrie mortifère et montre l’extrême droitisation de ses positions, parfois indistinguables de celles d’Eric Ciotti lui-même : « Soit elle se réarme en soutenant massivement sa base industrielle et technologique de défense en faisant primer le régalien sur le social ». Afin de masquer sa verticalité présidentielle, Macron fait appel aux propositions : « J’invite toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à leur côté à faire des propositions à l’aune de ce nouveau contexte… Quoi qu’il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président de la République, chef des Armées ».
Pour lui, le pouvoir est un jeu où l’image compte plus que l’action et l’extrême-droite reste une interlocutrice privilégiée à la gauche. La surprise dans cette affaire est que l’extrême-droite adore Poutine et révère Trump, sachant que la menace vient d’eux deux. « J’ai proposé il y a quelques mois la déclaration des droits des peuples et des nations pour offrir un outil supplémentaire dans le droit international », Marine Le Pen. Sa proposition est un couteau sans lame car non contraignante ; elle est loin de s’éloigner de Trump en reprenant les éléments de langages de la Maison-Blanche : « Chacun aura compris le calcul consistant à éviter la consolidation d’un axe Russie-Chine, une des conséquences de l’intransigeance occidentale vis-à-vis de la Russie ces dernières années ». Affaiblir la Chine est l’un des projets de Trump et sauver Poutine n’implique pas une brisure du duo russo-chinois. Marine Le Pen est une alliée objective de la Russie poutinisée : « En un mot, il est incontestable que nous devons soutenir pour qu’elle reste souveraine et libre.
Mais nous devons le faire avec réalisme et en gardant à l’esprit nos propres intérêts nationaux plus qu’avec des coups de menton dépourvus des faits ». Cela voudrait simplement dire qu’il faut à tout prix protéger l’intérêt national comme le font Trump et bon nombre de nations. Elle est dans la logique « Tout le monde fait pareil ». Et donc la solution pour la France, c’est de faire pareil.
Séga Fall MBODJI,
Paris