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Partis politiques : Déficit, querelles et excès

Sénégal-Partis politiques 

Déficit de démocratie, querelles de leadership

ou excès de centralisme

Mamadou Dia
Djibo Ka

L’expérience a montré que les formations politiques qui sont souvent traversées par des crises internes ont souffert pour un déficit d’ouverture, de démocratie ou d’un excès de centralisme. On peut analyser ce phénomène en partant de l’expérience de nos différents présidents, et le rapport qu’ils entretiennent avec leurs camarades de parti. C’est ainsi que des conflits ont été constatés entre Senghor et Mamadou Dia, Abdou Diouf et Djibo Kâ, Abdou Diouf et Moustapha Niasse, Abdoulaye Wade et Idrissa Seck ou Abdoulaye Wade et MackySall.

Moustapha Niass

Ces bisbilles entre camarades de parti ont été déterminantes dans la défaite du Parti socialiste en 2000, comme celle du Parti démocratique sénégalais en 2012.
Au-delà de ces déconvenues électorales, on peut s’intéresser aux mécanismes qui sous-tendent les formes d’organisation de ces partis politiques, à l’exemple des questions de leadership qui prennent des proportions démesurées lorsqu’elles concernent des personnalités d’envergure dans le parti.

Bathily

Même les partis de la Gauche n’ont pas échappé à ces tiraillements et scissions. Comme cela a été le cas au sein de la Ligue démocratique/Mouvement pour le parti du travail (LD/MPT) au moment du remplacement de Babacar Sané par Abdoulaye Bathily, le départ de Samba Diouldé Thiam du Parti de l’Indépendance et du Travail (PIT), le clash entre Landing Savané et Mamadou Diop de Decroix, les querelles entre Idrissa Seck et Abdoulaye Wade, les dissensions au sein du Parti socialiste (PS) avec les défections de hauts cadres, ou les mésententes entre Khalifa Sall et Tanor Dieng qui ont fait implosé ce qui restait de ce parti.

Il nous semble alors important de revoir le modèle de gestion de ces structures politiques et des organisations sociales en général à l’aune des questions de démocratie, d’ouverture, d’esprit de tolérance ou de leadership. Il nous faut également, dans ce pays, des formations politiques qui osent le changement à l’interne, qui innovent, réfléchissent en permanence et où les rôles et les missions sont clairement définis. Et ce sera certainement à travers une forme d’organisation qui laisse certes une place importante à celui qui incarne le Parti au plus niveau, mais aussi des militants ouverts, critiques et qui respectent dans les limites de la raison la discipline de parti. Car il est impossible de construire quelque chose d’efficace et de durable en dehors d’un minimun de discipline requise.

Quand on entend par exemple un leader d’une formation politique dire : « J’ai exclu un tel de nos rangs », on se demande à quoi servent les instances du parti. Les déclarations intempestives ou maladroites de certains leaders donnent aussi l’impression que ces derniers parlent en leur nom propre et non suite aux délibérés ou directives émanant des instances du parti.
L’implication des militants dans la vie du parti ne doit plus être symbolique, car elle permet à ces formations d’éviter l’autocratisme et d’être plus attractifs et plus compétitifs. C’est comme ça et seulement que ces partis politiques pourront arriver à mettre en place une force politique dynamique et viable. On peut citer Abdoulaye Wade qui a réussi à construire un grand parti, le PDS, qui a résisté à beaucoup de soubresauts et tentatives de déstabilisation tant à l’intérieur du parti qu’à l’externe, et dans un contexte politique assez difficile. Il est vrai que le mode d’organisation du PDS est assez spécial parce qu’étant très lié à la personne de Abdoulaye Wade, qui en est le fondateur et le propriétaire.

Le premier président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, avait quant à lui fait du Parti socialiste un appareil politique assez performant. Il est vrai que son successeur à la tête du parti et de l’État, Abdou Diouf, n’a pas trop réussi à solidifier le legs senghorien. Il est aussi vrai que la débâcle du Parti socialiste en 2000 peut aussi être justifiée, en dehors des contradictions internes, par l’usure du pouvoir. Tanor Dieng (ci-contre) a par la suite essayé bon an mal an de tenir la barque socialiste jusqu’à sa disparition en 2019.

Pour les partis de gauche d’obédience marxiste, ils ont été victimes d’un excès de centralisme qui a montré ses limites, d’un leadership incarné par quelques militants, d’un manque de renouvellement de l’élite dirigeante sur pratiquement plusieurs décennies, et d’un déficit de massification qui a fini par convaincre les Sénégalais que ces partis sont tout juste bons pour l’opposition et les alliances politiques pour faire tomber un pouvoir. Les dissensions internes dans ces formations politiques interviennent à la veille des élections, après ou à la veille d’un congrès.

Ces désaccords ou incompréhensions sont légion dans toutes les formations politiques et sont rarement d’ordre idéologique ou programmatique. Il faut dire que les repères idéologiques ont sauté depuis fort longtemps dans la plupart des formations politiques, qui ont aujourd’hui beaucoup plus besoin d’émulation saine, de pluralité de points de vue et d’offres politiques diversifiées, au lieu d’un centralisme ou d’un dirigisme qui est passé d’époque.

Babacar Papis SAMBA,
Auteur et Adepte de la pensée complexe.