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Serigne Moustapha Sy Djamil : La Fass cachée de Louga a Fass cachée deLouga

Serigne Moustapha Sy Djamil

Boroom Fass, digne fils de Louga

Serigne Moustapha Sy Djamil, érudit, gnostique de son temps, symbole de la droiture (istikhama) et de la discrétion.
Je voudrais, à quelques jours de la 63ème édition du Gamou de Louga dont le père inaugural  reste incontestablement Serigne Babacar Sy, rendre hommage à un digne fils de Louga, dont le parcours exceptionnel est riche en enseignements spirituels et en valeurs morales positives :  Serigne Moustapha Sy Djamil, Boroom Fass.
En effet, son nom à lui seul évoque la crainte révérentielle en Dieu, la sagesse, la droiture, la générosité, l’endurance, la résilience, l’intelligence sociale, le charisme, le sens élevé de l’organisation et de la méthode, la prospective, la discipline, le respect de la hiérarchie, le charisme et la discrétion légendaire.
Serigne Moustapha est né en 1916 à Louga. Il est le fils aîné de khalifa Babacar Sy et le premier petit-fils de Elhadji Malick Sy. Sa mère Sokhna Oumou khairy Sall, femme vertueuse, pieuse  et qui avait une grande maîtrise du Coran, est la fille de Mame Malick Sall, ce patriarche de l’islam et de la tarikha Tidjane, qui a vécu 144 ans,  et de Sokhna Riyana Marone, enterrée au cimetière Tolou Pérou de Louga.
Dès le bas âge, Serigne Moustapha Sy Djamil a été initié à l’apprentissage du Coran et des sciences connexes sous la férule de son père. Par la suite, il a fréquenté le daara de Mame Khalil Kamara à Rufisque, ville où résidait sa mère ; d’ailleurs, c’est dans cette cité où celle-ci a rendu l’âme le 25 novembre 1940 et est enterrée au cimetière de Thiawlène.
Il est raconté que la mer se rapprochait de sa tombe, après plusieurs années d’enterrement, et son fils Seydi Djamil avait demandé qu’on la déplace plus haut. Lorsqu’elle a été déterrée, le linceul et son corps , sont restés intacts, comme tels. Serigne Moustapha a été ensuite confié à son oncle paternel, Elhadji Mansour Sy Balkhawmi, imbu d’une force mystique sublime, qui s’est occupé pendant plusieurs années de son éducation spirituelle. Ce n’est donc pas un hasard si son fils aîné porte le nom de ce dernier.

Il est le produit de plusieurs lumières. C’est pourquoi, sa dimension mystique et spirituelle ne saurait surprendre. En effet, dès sa naissance, il a commencé à faire des miracles. On nous raconte que le jour de son baptême, il a pris par son doigt le chapelet de son grand-père Elhadji Malick pendant une durée, jusqu’à ce que Mame Malick sall le pria de lui donner ce qu’il demande, c’est à dire le wird tidiane et les secrets mystiques y affairant. Ce qui fut fait. C’est grâce à sa beauté physique, morale, intellectuelle et spirituelle que Mame Abdou Aziz Dabakh l’appelait Djamil, alors qu’il n’avait que huit ans. En fait Djamil signifie le beau, l’attirant, l’élégant.
En 1945, il est parti définitivement s’installer à Dakar, sur ordre de son père. D’abord, il a vécu à la Médina, avant de fonder son propre quartier du nom de Fass, par référence à la ville de Fez du Maroc. Il a fait de Fass un espace spirituel et culturel, en y implantant une mosquée, un grand daara pour former les disciples.
Serigne Moustapha vivait en ascète et se démarquait des délices de ce monde d’ici-bas. Il a vécu l’expérience de l’intimité, de la proximité avec Dieu. C’est pourquoi, il était toujours en retraite spirituelle. Il était à cheval sur les principes de l’Islam et en même temps un gardien scrupuleux de l’héritage spirituel de son père, de son grand-père, de Cheikh Ahmeth Tidiane Chérif et du Prophète, Psl. Il fut un homme de Dieu aux facettes multidimensionnelles, un saint achevé, dépositaire d’un savoir ésotérique incommensurable.
Malgré son détachement de ce monde, Serigne Moustapha, avait une vaste ouverture sur les réalités de son temps. La preuve :  la plupart de ses fils ont fréquenté l’école française et sont devenus de grands cadres, officiant dans le public et le privé. De plus, la manière dont il avait organisé sa hadara, avec une structuration de ses dahiras et l’érection d’un service de sécurité, en ont séduit plus d’un.
Il est décédé le 08 décembre 1993 à Fass où il est enterré dans son mausolée. C’est Mame Abdou Aziz Sy, qui a présidé la prière mortuaire en présence de Serigne Mansour Sy Borom daara yi, de Serigne Abdoul Aziz Al amine, de l’actuel Khalif général des Tidiane, qui a grandi sous l’aile protectrice de Serigne Moustapha.
Ainsi, il a vécu 77 ans  dédiés exclusivement à Dieu, à la risaala du Prophète et aux enseignements de Maodo. Le chiffre 77 est mystiquement chargé car sa valeur numérique renvoie à houwa laahou.
Je ne saurais terminer cet article sans saluer la mémoire de ses vaillants Moukhadames résidant à Louga, au rang desquels nous pouvons citer : Elhadji Racine Mbaye, Serigne Macoumba Dia, Serigne Medou Diarra Lèye, imam Oumar Cissé et tant d’autres, sans oublier Serigne Maodo Dia, ce soldat infatigable de Seydi Djamil. Toutes nos prières à Serigne Allé Guèye qui assure la continuité et appuyé par Khalifa Mbaye, Khadam Cissé, Moustapha Dia, Daouda Kâ et tous ceux qui s’investissent dans l’union des Dahiras tidianes de Louga pour un succès éclatant du gamou, qui constitue un événement phare dans l’agenda Malikite.
Après son décès, son fils aîné, Serigne Mansour Sy Djamil, en synergie avec ses frères et sœurs, est en train de perpétuer le legs spirituel de son père. Intellectuel fécond et engagé, ayant longtemps servi à la banque islamique, il est aussi chef d’un parti politique, ancien parlementaire et membre de plusieurs organisations internationales. Il peut être ainsi perçu comme celui qui a su opérer une alliance dialectique entre le politique et le religieux.

Khalifa DIA,

Sociologue, philosophe, Louga