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Sénégal : Scandale de dettes cachées ?

« Endettement non dévoilé »

Prudentielle

« Certaines garanties de l’État ou engagements financiers auraient échappé à la comptabilité publique officielle ».
« Un endettement non dévoilé » entre 2019 et 2024 a favorisé des taux d’emprunt favorables et le Sénégal pourrait être sommé de rendre « ce qui est décaissé sur la base de fausses données ».
Voici exactement les propos de Edward Gemayel du Fonds monétaire international. On ne peut être plus prudent dans le jeu subtil mené contre les nouvelles autorités qui entraînent avec elles ces gros cachés d’un rapport :

1-Quelle est l’origine des fonds empruntés et quelles en sont les preuves ?
2-Le terme « dettes cachées » sied-il en la circonstance ?
3-Dettes d’État ou dettes privées avalisées par l’État ?

Les réponses de spécialistes permettent de déplorer la personnalisation d’un débat pourtant technique reposant sur des comptes de transfert, d’étalement dans le temps, d’imputabilité ou du simple cut off.
Qu’est-ce qui est garanti caché ? L’éthique économique et les journaux spécialisés évitent ce langage politique. Les pratiques soulignées remontent peut-être sur plus de cinq ans et les termes utilisés suggèrent des dessins cachés visant une impossible haute trahison. C’est ce que le Fonds monétaire international veut sans doute faire comprendre en invitant à regarder droit devant.

Le Devoir

Vers un scandale de dettes cachées ?

Par Babacar Sané BA

Entre 2019 et 2024, le Sénégal aurait bénéficié de conditions d’emprunt avantageuses sur la base de données budgétaires et financières incomplètes, selon les propos de Gemayel, représentant du Fonds monétaire international (FMI). Le pays pourrait être appelé à justifier, voire rembourser des fonds décaissés sur la base d’informations faussées. En filigrane, une accusation grave : celle de l’existence de dettes non déclarées, voire dissimulées.

L’origine des fonds : entre marchés internationaux et partenariats stratégiques

Au cours des cinq dernières années, le Sénégal a intensifié son recours à l’endettement pour financer de grands projets d’infrastructure, d’énergie et de transport. Les principales sources de financement identifiées sont :
* Les marchés financiers internationaux, via des euro-obligations (Eurobonds) émises notamment en 2018, 2021 et 2023.
* Les institutions financières multilatérales telles que la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD) et le FMI lui-même.
* Les partenariats bilatéraux, notamment avec la Chine, la France, la Turquie ou encore les pays du Golfe, souvent dans le cadre de projets stratégiques comme le Train express régional (TER), le Port de Ndayane ou les investissements liés au gaz naturel liquéfié (GNL).
Ces emprunts sont généralement documentés dans les lois de finances, les rapports d’exécution budgétaire et les publications des bailleurs. Mais selon le FMI, certaines garanties de l’État ou engagements financiers parallèles auraient échappé à la comptabilité publique officielle.

Des « dettes cachées » sous surveillance ?

Le terme « dettes cachées » évoque des précédents douloureux en Afrique, notamment celui du Mozambique en 2016, où des emprunts non déclarés avaient été contractés par des sociétés parapubliques avec la garantie implicite de l’État.
Dans le cas sénégalais, la suspicion porte sur des engagements hors bilan, notamment des dettes contractées par des entreprises publiques ou des partenariats public-privé, avec un appui ou une garantie de l’État, non recensés officiellement. Si cela est avéré, ces dettes contingentes pourraient rejaillir sur les finances publiques en cas de défaillance des entités concernées.

Dette d’État ou dette privée avalisée ?

L’équation est complexe. Le Sénégal a multiplié les projets structurants confiés à des entités publiques telles que Petrosen, APIX, FONSIS, ou encore la Senelec, parfois en partenariat avec des acteurs privés. Dans plusieurs cas, l’État aurait octroyé des garanties financières ou contractuelles. Si ces garanties n’ont pas été intégrées aux statistiques officielles de la dette publique, elles relèveraient alors de ce qu’on appelle une dette contingente. Or, en cas de défaut de remboursement de ces structures, l’État en deviendrait légalement ou moralement redevable.

Vers un audit et des clarifications ?

Le FMI semble appeler de ses vœux une clarification de l’état réel des engagements financiers du Sénégal ; une telle démarche pourrait prendre la forme d’un audit indépendant ou d’une enquête parlementaire. Le but : rétablir la transparence, sécuriser la trajectoire de soutenabilité de la dette, et rassurer les investisseurs comme les partenaires techniques et financiers.
À l’heure où le pays s’apprête à entrer dans l’ère du pétrole et du gaz, la gestion rigoureuse de la dette publique devient un impératif national. Car l’enjeu est double : préserver la crédibilité financière de l’État et éviter qu’un nouveau scandale ne vienne ternir le récit prometteur de l’émergence sénégalaise.

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Le premier point à éclaircir avec le FMI

Pour mieux comprendre le problème de l’écart de 7 milliards, il faudrait qu’on puisse extraire de la dette globale, les engagements par signature de l’État au cours de la période analysée. Il s’agit des engagements tels que les garanties données aux entreprises parapubliques, aux sociétés privées dans le cadre de partenariats public-privé, aux banques…

Il semble que ces engagements ont été comptabilisés dans la dette publique alors que, de manière générale et c’est la pratique partout, ces engagements par signature ne sont pas comptabilisés dans la dette publique. Il s’agit d’engagements « hors bilan » pris en compte dans les documents budgétaires mais comptabilisés dans la dette publique que lorsqu’ils sont appelés (la dette garantie devient exigible par défaut de remboursement du débiteur principal).
C’est le premier point à éclaircir avec le FMI.

Ibrahima Macodou FALL-IMF