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« Une ligne éditoriale très soixante huitarde, une approche iconoclaste sur fond de culture humaniste ».

Sénégal-Mauritanie : Ça sent le gaz

Sénégal-Mauritanie : Ça sent le gaz

Faut-il encore invoquer les morts pour asseoir une paix durable ?

Des rafles de Sénégalais sans carte de séjour en Mauritanie suscitent l’indignation pendant que Dakar et Nouakchott discutaient d’un accord de libre circulation et le séjour des ressortissants.
Une proposition émise il y a trois ans de la mise sur pied d’une commission de concertation aux fins de gérer tout problème post-pétrole et gaz n’a pas trouvé preneur et les observations émises depuis Dakar pourraient irriter le voisin du nord. Faudrait-il invoquer tous les sacrifices consentis pour exorciser les vieux démons ?

«  Prévenir c’est guérir » et je continue à soutenir la thèse selon laquelle la création d’une Agence de Coopération Mauritanie- Sénégal aiderait beaucoup les deux pays à «  déminer le terrain » chaque fois que de besoin…».

Autorité largement reconnue dans le secteur des hydrocarbures, Jean-Michel Seck  veut faire comprendre parfaitement cette problématique. 

« N’oublions pas que l’Agence de Coopération Guinée Bissau-Sénégal–AGC– a été créée à la suite de l’arbitrage réalisé par le Tribunal de la Haye suite au différend issu de la délimitation du tracé de la frontière maritime entre la Guinée Bissau et le Sénégal ».

« J’avais proposé il y a trois ou quatre ans la création d’une structure de coopération organisée sur le modèle de l’Agence de Coopération Guinée Bissau- Sénégal ( AGC)
L’AGC est un bel outil qui permet d’anticiper sur les différents problèmes et surtout de désamorcer les conflits latents ».
La Mauritanie a une expérience de la gestion de l’exploitation d’un champ de pétrole offshore (le champ de Chinguitti), contrairement au Sénégal, et cette expérience devrait lui servir dans la gestion du site de gaz de GTA qui concerne les deux pays.

Si une telle décision tardait à être prise, rien ne s’opposerait à ce que les diplomates en poste dans les deux pays soient pour une fois (?) des ingénieurs pétroliers capables de mesurer les enjeux, de les comprendre et de toujours aider à aplanir les difficultés ou les incompréhensions qui ne tarderaient pas à naître…
Il est  facile de comprendre parfaitement cette problématique et cette  qu’évoque Jean-Michel Seck qu’il développe assez souvent dans ses contributions dans cette spécialité.

Tout le monde ne sait pas en effet que la Mauritanie Sud était partie intégrante avec le Mali Ouest de la « zone de desserte » (marché des produits pétroliers) de la société africaine de  raffinage — SAR– (raffinerie de Mbao) qui a été mise en service en 1964.
La Mauritanie était approvisionnée en produits pétroliers par caboteurs chargés dans le port de Dakar. Ce flux a été interrompu en 1989 suite aux événements qui ont éclaté entre les deux pays. La Mauritanie a décidé alors à organiser son approvisionnement en produits pétroliers à partir du marché international (importations de produits pétroliers) ; la Mauritanie avait également décidé de créer sa propre raffinerie de pétrole à Nouadhibou (aujourd’hui transformée en dépôt de produits pétroliers) pour retrouver son indépendance énergétique par rapport au Sénégal. GTA remet aujourd’hui le fléau de la balance en équilibre par une collaboration forcée dans la découverte et la gestion de ressources à la frontière entre les deux pays mais pas cette volonté atavique d’indépendance par rapport au Sénégal.

Deux îles au centre du conflit entre le Sénégal et la Mauritanie, Todd, en 1974 —lettre du président Moktar ould Daddah à Senghor du 17 mai 1974–, et Dounde Horé, à Diawara, de triste et funeste mémoire, le 9 avril 1989.
Le passif historique autour de la frontière n’a jamais été apuré, même après l’internationalisation du fleuve dans la cadre de l’Organisation pour la Mise en valeur du fleuve Sénégal.
Les échanges entre Moktar ould Daddah et Léopold Sédar Senghor-23 septembre 1974– n’avaient pas permis de s’accorder sur la frontière, malgré ou à cause justement de la loi de 1905 ou du décret de 1933 : Nouakchott lui dénie toute légalité en ce sens que 1933 n’abroge pas 1905 de jure conséquemment toujours en vigueur. Mieux : le premier président mauritanien s’en tenait simplement à cette voie de pénétration coloniale entre la Mauritanie et le Sénégal et considération comme minime le différend frontalier autour de l’île de Todd.

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Décret du 8 décembre 1933 Détermination de la limite entre le Sénégal et la Mauritanie

« Article premier : Les limites entre la Colonie du Sénégal et la Colonie de la Mauritanie sont et demeurent déterminées de la façon
suivante :

Par une borne à construire sur la côte de l’Océan Atlantique près de l’immeuble en ruine dit «Maison Gardette», à 1 km environ au sud de la tuyauterie de pompage de l’usine Salsal. De cette borne jusqu’au confluent du marigot S-E du village Thiong et du marigot de Temedas, par la ligne la plus courte laissant l’île de Salsal au Sénégal. De ce confluent, par une ligne rejoignant la source du marigot de Mambatio et suivant la ligne droite de ce marigot jusqu’au fleuve Sénégal (feuille Saint-Louis au 100.000è). Par la rive droite du bras principal de ce fleuve jusqu’à 1 point situé au Nord de l’embouchure de la rivière Falémé, l’Ile aux Bois appartenant à la Colonie de la Mauritanie (feuille Saint-Louis au 1.000.000è et Bakel au 500.000).

Fait à Paris, le 8 Décembre 1933

Albert Lebrun

Par le Président de la République

Le Ministre des Colonies

Albert Damier

• Source: Journal Officiel de l’Afrique Occidentale Française du 27 Janvier 1934, N. 1540, pages 69 et 70.

“LE DEVOIR” N° 65, 1re au 15 juin 1989, page 2.

NDLR : Le décret du 25 février 1905 (cf. Bulletin officiel AOF- page 260) dispose en son article 1er : « Les limites entre la colonie du Sénégal et le territoire civil de la Mauritanie sont déterminées au sud de ce territoire par la banlieue de Saint-Louis telle qu’elle est fixée par le décret du 13 février 1904 et par le fleuve Sénégal à partir du Marigot de Kassak jusqu’au Marigot de Karakoro ». Facebook/

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La sortie de la Mauritanie de l’ancêtre de l’Omvs était déjà le signe de la violence que Nouakchott exerce contre ses voisins négro-africains au sud du Sahara.

Le journal “Le Monde” annonçait déjà le 11 janvier 1972 : ” Au cours des dernières années, les relations entre les deux pays n’ont pas toujours été sans nuages. Depuis leur accession à l’indépendance, les échanges ont sensiblement diminué, et la Mauritanie s’est retirée, il y a deux ans, du pool des recettes douanières qu’elle avait accepté de constituer avec le Sénégal”.

Depuis, la même problématique est de vigueur avec les événements tragiques de Doundé Khoré, la crise de juin 2000 avec les vallées fossiles, le tracé de l’électricité de Manantali pour la zone nord du Sénégal et les tracasseries contre les Sénégalais de Mauritanie dans leurs déplacements ou transits entre les deux pays. 

La période du pétrole et du gaz semble être un moment fort de bander les muscles de part et d’autre, malgré la présence d’arbitres dans le processus de joint-venture qui lie les deux pays avec des partenaires bilatéraux ou multilatéraux. Faudrait-il réveiller les morts de cette douloureuse cohabitation pour calmer les instincts de part et d’autre ? Surtout que certains projets gelés en 2000 resurgissent sous d’autres normes et formes.

Le Sénégal est entré en différend avec la Guinée-Bissau dans les mêmes conditions il y a une quarantaine d’années. Pour finir par comprendre la nécessité culturelle du vivre ensemble.

 

P. MBODJE

avec Vovo Bombyx