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Poème-Démocratie : Douce et plurielle

Démocratie

De notre correspondant en France

Douce
Et plurielle
Je caresse ta peau de velours
Toi muselée au contour
D’un détour d’édifices
Près des bâtisses
Glauques
Obliques
Et sera forte ma voix pour crier
Dans les coins des salons
Semblables aux bas-fonds
Où se déploie la pègre
Des hommes basanés
Aux élans meurtriers
Aux cœurs obscurs
Aux idées sombres
Peuplant l’Afrique
Bâillonnant la République
A coups de matraques
A coups de bulldozers
A coups de gaz lacrymogène
Sous la pluie des sanglots
Sous la rosée des larmes
Sous l’onde des pleurs
Et au palais régna longtemps
Le méchant fermant
Les yeux aux étoiles crépusculaires
Lui couvert du titre minuscule
Pour embastiller
Les leaders liés
Pour consoler le dépité élu
Refusant le bras du serviteur
Le dément mentit sur sa chefferie
Lardée jusqu’aux récifs
Râpés de flancs vifs
Aux côtés des fautifs
Sur la route de -Soumbédioune-

Démocratie !
Que ta souffrance est errance
La grande transhumance
A l’heure des transfuges
Ventripotents dévoreurs
De vomis et de puanteur
A l’heure des silences coupables
Entretenus de peur durable
Au bout des inquiétudes
D’un peuple pressuré
Au pays des déloyaux isolés
Qui mettent le pays au chaos
Où la couleur est cacao
Et les étudiants mendient
A la place des Talibés
Eberlués leurs mets chapardés
Devant les élèves perdus
Dormant sous leurs abris vermoulus
De fortune pour trimardeurs
Essoufflés pauvres chiadeurs
Crêpeurs de chignon pour du pain moisi
Dans les fabriques désuètes
Sous les ciels flués
Dans la chaleur de midi
Et les femmes geignent anéanties
Et les jeunes gémissent fourbus
Les hommes huent
Un pouvoir qui ricane
Quand les avocats sont chassés
Des salles d’audience dévastées
Où les magistrats dénouent leurs cols
Dehors les chauffeurs sont dépouillés
Par des policiers officiers outillés
Et les gendarmes ferment les mirettes
Sous la peur bleue des amulettes
Des brassards rouges drapés
Des cailloux sur les lieux
Sous l’indolence
Sous la surveillance
Et les chenapans masqués prennent
A l’improviste les riverains
Sur la place des pouvoirs publics
Sur le chemin de l’Obélisque
Pour détruire à coups de briques
La désolation causée par le fric
Tout en criant Haro
Sur les forces du désordre
Tout en détruisant
Avec du mordant
Des fumigènes délaissés
Voilà que mon peuple
Vêtu de blessures
Semble n’avoir ni père ni mère
Ce peuple meurtri
Abandonné
Brutalisé
Assassiné
Devant des marabouts tremblotants
Entre la foi et la fortune
Leurs chapelets tombant
De leurs mains moites
Et les églises restent muettes
Calfeutrées d’effroi
Dans leur lourd émoi
De sommeil
D’incertitude
Et de lamentations
Et la République fléchit
Et le député déguerpit
Et le peuple patient endurcit
Pour clamer son innocence
Pour retrouver sa liberté
La liberté
De voir le chauvin
Se lever droit
Pour brandir le poing
Debout !

 

Tidiane SÈNE,
Toulouse