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Ousmane Sonko-Barthélémy Dias : une amitié infidèle. Un duo peut-il cacher un duel ? Par Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW

Avec des points en communs, Ousmane Sonko et Barthélémy Dias font équipe. Très bien appréciée par une jeunesse en fougue et pleine d’espoirs, la coalition Sonko-Dias s’est formée dans le but de détrôner Macky Sall au pouvoir. Pour toujours à l’unité ? Ou sous peu à la division ?

Amis de circonstance, Barthélemy Dias et Ousmane Sonko nous présentent-ils le teaser d’un prochain épisode politique : éliminons l’ennemi, après on verra ? On verra bien si toutefois il y’a une suite à cette passionnante collaboration juste après les élections locales du 23 janvier prochain.

Sonko et Dias, deux fervents politiciens qui confirment la formule d’une alliance de guerre : « L’ennemi de mon ennemi est mon ami». Une amitié tissée d’une révolte que le commentaire politique du journaliste Mame Gor Ngom juge “logique” : « Ils sont tous les deux dans le viseur de la justice avec des dossiers respectifs. L’un accusé de viols et est sous contrôle judiciaire. L’autre est condamné pour meurtre d’un nervi. Les séquences temporelles entre les deux affaires ne sont pas les mêmes certes, mais aujourd’hui c’est le régime actuel qui est appelé à gérer les deux cas. Donc il est très logique si les deux hommes s’entendent et montrent une certaine complicité ».

Alliance de raison

Une complicité embuée de perfidie pour certains Sénégalais auxquels cette coalition n’inspirent pas confiance. Pour beaucoup, Barthélémy Dias ne se rangera jamais derrière Ousmane Sonko. C’est un rusé qui cherche une base dans le manoir “patriotique” du leader de Pastef. Mais à qui profite donc cette alliance, Mame Gor Ngom ?

« C’est une alliance de raison entretenue par de l’opportunisme. Si Sonko dit que Barthélémy est un allié toujours prêt pour le combat, il fait certainement allusion aux événements de février-mars 2021, avec un engagement sans faille de Barthélémy à côté de lui qui était dans une mauvaise passe liée aux accusations de viol. Récemment, Barthélémy Dias a été accompagné de Sonko sur la route qui les menait au tribunal. Ils ont été chargés et arrêtés ensemble. Mêmes fortunes. Ousmane Sonko, de son propre aveu, a dit qu’il a pesé de tout son poids pour que Barthélémy soit candidat de Yewwi Askan Wi à la mairie de Dakar. Chacun y gagne donc ».

Barthélémy Dias, doté d’une intelligence pratique comme le décrit son père Jean-Paul Diaz, n’a aucun complexe devant Ousmane sonko. D’une voix puissante, il s’exprime avec une confiance, un courage et une liberté sans réserve, contrairement aux autres adeptes par obligation qui se rangent et patientent…derrière. Son cran n’est pourtant pas inconnu aux yeux de Ousmane Sonko qui d’ailleurs, dans son discours lors du meeting d’investiture de Barthélémy Dias, l’a frôlé sur un ton humoristique : « Je ne vais pas le flatter. Le connaissant, il risque sinon de se trouver des ailes». N’est-il pas, Ousmane Sonko, inconsciemment en train de le flatter ? Certes, il reste le chef incontesté de l’opposition, déterminant, seul, la politique capable de changer le Sénégal selon ses militants. Et Jusqu’ici, Ousmane Sonko compte sans aucune confusion sur les Sénégalais qui répondent présent et investissent pleinement les salles.

Comme le dit Barthélémy Dias, “lou Ousmane Sonko wax la wax. Loumou Wax la Sénégalais yi wax”.

Dans la gueule du loup ?

Donc, le présenter devant les Sénégalais comme un homme qui ne trahit jamais son coéquipier en pleine guerre ne mène-t-il pas Sonko dans la gueule du loup ? Sachant que les Sénégalais, à travers leurs commentaires, accordent toute leur confiance au maire de Mermoz Sacré-Cœur, candidat de la coalition Yewwi Askan Wi pour la mairie de Dakar.

Et si justement Barthélémy se sentait flatté, se trouvait des ailes en se présentant à l’élection présidentielle de 2024 sous concertation avec son leader Khalifa Sall ?

«Barthelémy candidat en 2024 ? C’est possible, même si c’est peu probable. Mais ça ne devrait pas gêner Sonko qui a son propre parti différent de celui de Barthelémy Dias », pense Mame Gor Ngom.

Sur le chemin qu’il enjambe, Ousmane Sonko, avec un discours qui érafle ses adversaires, semble être bien préparé à esquiver tout brusque coup de volant, qu’importe la provenance. Il est donc probable qu’il a déjà mesuré les ennuis que peut occasionner sa collaboration avec Barthélémy Dias pour les élections de 2024.

« Pour la présidentielle, il est clair que même dans Yewwi, il y aura plusieurs candidatures. C’est une démarche classique. L’essentiel va se jouer au second tour», affirme Mame Gor Ngom qui trouve difficile, en 2021, de spéculer sur des candidatures de 2024. Pour lui, il y a d’abord les locales et les législatives à l’horizon. Faudrait-il cependant oublier qu’en politique, les coups sont à l’avance déjà préparés ?