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Notes de Lecture-Sophie Coignard – Benalla, la vraie histoire, Un intrus au cœur du pouvoir

Benalla, La Chute D’Icare !

La justice française a  trois semaines, à partir de ce lundi 13, pour vider la vieille affaire d’il y a trois ans quand l’ex-chargé de mission et son complice Vincent Crase répondront des violences commises sur des jeunes gens le 1er mai 2018 ; des policiers sont également dans le box pour complicité. Benalla devra aussi répondre de l’utilisation de passeports diplomatiques auxquels il n’aurait plus droit.

Sophie Coignard raconte dans un ouvrage ce qui peut être assimilé à la chute d’Icare ! Il faudrait cependant remonter beaucoup plus loin pour comprendre l’affaire Benalla.

Alexandre Benalla est allé trop vite et a ravivé l’éternelle querelle entre policiers et gendarmes dans le domaine sensible de la sécurité et du renseignement ; tel Icare, il s’est trop approché du soleil.

D’avoir lu, comme  leitmotiv des gens de presse d’une célèbre maison française, le mot “impertinence ” a  d’autant plus bouleversé Nicolas Sarkozy (1) qu’il était en plein blues devant l’absence  d’autorité. Bouleversé par le terrorisme et la contestation générale de l’autorité, surtout avec l’agitation des banlieues, il privilégie la force dans sa manifestation la plus immédiate,  la police. Ministre de l’Intérieur, il est tombé en extase devant l’efficacité du Raid ; il l’avait déjà testée lors de ses participations aux gouvernements Balladur et Fillon avec les prises d’otages en Algérie et les douloureux actes terroristes vécus l’Hexagone même. Son enthousiasme dans le domaine sensible du renseignement et de la sécurité avait cependant été freiné par Jacques Chirac. Aussi s’est-il empressé d’appliquer ses vues dès son arrivée à l’Élysée (2).

« Indéniablement, la réforme est marquée par l’influence de certains  acteurs clés des enquêtes déclenchées lors de la vague d’attentats des  années 1995-1996 : ils occupent des fonctions éminentes entre 2002  et 2012, à l’instar de Claude Guéant, ancien directeur général de la police  nationale de 1994 à 1998, devenu directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy  place Beauvau puis secrétaire général de l’Élysée ou encore de Bernard Squarcini » (Sophie Coignard, page 11).

La réforme sera difficilement appliquée : Sarkozy pris dans le train-train de l’État en oubliera son bébé et les responsables peineront à le voir directement ; en plus la mise en avant de la police au détriment des gendarmes fera grincer des dents. François Hollande essayera bien de rétablir l’équilibre entre 2012 et 2017 mais Alexandre Benalla est revenu à la charge et a inquiété la hiérarchie policière, sous l’administration Macron.

L’affaire Benalla ?

Le Premier Mai 2018, une manifestation à la Contrescarpe est réprimée ; les caméras montrent un individu floqué « Police » violentant un manifestant. L’émotion suscitée amènera les autorités de l’Élysée à suspendre le coupable pour 15 jours. Il s’agissait d’Alexandre Benalla, un météore dans le Landerneau politique chargé de la sécurité du président Emmanuel Macron qui a rapidement pris du galon dans l’entourage du chef de l’État français et qui a voulu lui aussi sa réforme de la sécurité présidentielle.

En juillet, un article du journal « Le Monde » relance l’affaire et lui donne une dimension nationale à une affaire somme toute ordinaire sous le ciel des intempéries parisiennes nées de contestation d’un pouvoir dès son installation.

C’est ce que raconte Sophie Coignard dans son ouvrage « Benalla la vraie histoire, Un intrus au cœur du pouvoir » paru aux éditions de l’Observatoire/Humensis en  2019.

« L’Élysée a échafaudé une théorie qui n’est pas exempte de paranoïa. Des hauts gradés de la police, excédés par l’arrogance d’Alexandre Benalla, effrayés par le projet de réforme de la sécurité du président qu’il était en passe d’achever, ont attendu leur heure. Toujours selon ce raisonnement, certains responsables de l’IGPN sont informés par la préfecture de police de l’identité de l’auteur des exactions commises place de la Contrescarpe après avoir reçu la vidéo sur la plate-forme de signalement, et avoir demandé des comptes à la DOPC. (Page 123).

Le raisonnement n’est cependant pas dénué de tout fondement : les principales victimes de l’affaire Benalla sont en effet de hauts cadres de la police soucieux du « code barre », en référence aux épaules, même d’éminentes personnalités de la République ont également souffert de cette parenthèse, et pas que peu.  « Voilà un personnage qui, outre des violences présumées le 1er mai, a entraîné la suspension de trois hauts fonctionnaires de police, a provoqué la plongée du président de la République dans les tréfonds des sondages, a mis en difficulté le Premier ministre, a contraint certains conseillers de l’Élysée à se contredire sous serment, a fragilisé la préfecture de police de Paris, juste avant que ne survienne la crise des Gilets jaunes, mais qui se montre très sourcilleux quant au comportement citoyen des autres ! ». Page 171.

Ce qui aurait pu paraître un vaudeville souffre cependant de l’action d’acteurs derrière les rideaux et l’omniprésence de la police pourrait donner raison à ceux qui avancent la théorie du complot, sans toutefois tenir comptes des excès du principal incriminé : « Alexandre Benalla est remis en liberté et la farce continue. Il rend bien  ses armes le 30 juillet, donc, mais il n’est plus question de leur contenant.

Toutefois, ce même jour, un avocat écrit à la juge. Me Yassine Bouzrou défend les intérêts du syndicat de police Vigi, qui s’est porté partie civile  dans le dossier pour que les lampistes ne paient pas à la place des  « responsables hiérarchiques au plus haut niveau de l’État ». L’image des  policiers a été selon lui ternie par les erreurs de procédure, notamment la perquisition ratée du vendredi 20 juillet ». 137-138

D’autres infractions seront en effet retenues contre celui qui était chargé de mission, coordinateur de différents services lors des déplacements officiels et privés du président de la République, Emmanuel Macron : l’affaire de passeports et de celle de relations avec des oligarques russes soupçonnés de liens avec le crime organisé, ce qui en faisait beaucoup.

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Sophie Coignard – Benalla la vraie histoire, Un intrus au cœur du pouvoir, Editions de l’Observatoire/Humensis, 2019, numérique.

Orientations bibliographiques

1-Nicolas Sarkozy : Passions, Éditions de l’Observatoire/Humensis, 2019, numérique

2-Floran Vadillo, Alexandre Papaemmanuel : Les espions de l’Élysée, le président et les services de renseignement, Tallandier, 2019, numérique.

Avec la collaboration de Koccbarmafall/skyblog, 07/02/2020