Niger : Divergences entre alliés
Crise au Niger et divergences entre alliés
Depuis la prise du pouvoir au Niger par des militaires, l’Afrique l’Ouest vit dans une oppressante incertitude.
Des divergences notables se sont faites jour entre les pays de CEDEAO qui laissent même présager une guerre entre eux. Deux puissances extérieures ont aussi montré des nuances pour ne pas dire plus sur la manière de trouver des solutions à cette crise. Il s’agit des États-Unis d’Amérique et de la France, lesquels possèdent des bases sur le territoire nigérien.
L’erreur de la France de de Gaulle et de ses suivants fut de vouloir « continuer la colonisation par d’autres moyens » et sous d’autres aspects.
Le monde a changé et c’est une réalité qui s’impose à tous.
À propos des États Unis, il y’a deux constantes dans leur politique extérieure et même intérieure :
– America first et
– Un anticommuniste fondamental.
Un autre élément, peut-être secondaire, par rapport aux deux précités, est, et cela va surprendre, un anti-colonialisme historique venant certainement de leur guerre d’indépendance.
La guerre antiterroriste que les USA mènent contre certains groupes depuis les événements du 11 septembre 2001 a pris le relais de celles qui, naguère, visaient les entités communistes au Vietnam, en Afghanistan et en Amérique du Sud ; d’autres, moins visibles, ont eu pour théâtre le Congo, l’Angola et le Mozambique notamment.
La France a eu des attitudes déroutantes lors de son intervention au Mali : comment peut-on comprendre que l’occasion d’anéantir les colonnes de rebelles défaits n’a pas été saisie ? Au lieu d’engager ses forces dans ce sens, elle a arrêté son offensive et a invité le gouvernement malien à … négocier avec les rebelles ! Apparaissait alors en filigrane une partition du Mali avec un nord indépendant, une perspective inacceptable pour tout gouvernement malien doté d’un mimum de sentiment nationaliste.
Les arguments ou plutôt les arguties à propos de particularismes ethinico-culturels pour justifier cette partition du pays de Soundiata viennent conforter l’hypothèse de la richesse de son sous-sol dont voudraient s’accaparer des puissances étrangères par le truchement d’un proto-État manipulable à souhait.
Le juridisme brandi à propos de l’illégalité de la prise du pouvoir au Niger par des militaires doit être mis en parallèle avec le niveau « d’impopularité » du régime du président sortant que semble montrer le fort soutien populaire aux putschistes.
Le Niger est un pays enclavé qui importe une bonne partie de ses besoins en produits essentiels ; dès lors, il apparaît clairement que l’équipe actuellement au pouvoir résistera difficilement à un strict embargo appliqué par les pays côtiers de la CEDEAO.
Les États n’ont pas d’amis mais des intérêts. Ces propos du général de Gaulle sont d’une permanente pertinence. À ce sujet, il faut savoir que l’entrée en guerre des USA lors des deux derniers conflits mondiaux à été motivée certes par un idéalisme mis en avant par l’hagiographie le système hollywoodien, mais fondamentalement pour la préservation de leurs intérêts.
Cependant, la réalité est bien plus prosaïque : en effet, les États-Unis sont véritablement entrés dans la Grande guerre lorsque l’Allemagne a approché le Mexique pour le soutenir dans une guerre pour la récupération de ses territoires perdus que sont le Texas, le Nouveau Mexique et l’Arizona.
À propos de la seconde guerre, les USA ont déclaré la guerre aux puissances de l’Axe suite à l’attaque de leur base navale de Pearl Harbor en décembre 1941.
Cet engagement militaire a été précédé par leur soutien considérable à la Grande-Bretagne en matériels militaires et en nourriture avec les liberty ships.
À ce sujet, il y’a lieu de rappeler les attaques des Uboats allemands qui cherchaient à interrompre ce trafic vital pour les Anglais.
La France quant à elle défend ses intérêts que j’hésite à qualifier de « légitimes » tellement ses relations avec ses anciennes colonies relèvent des échanges inégaux avec un relent de néocolonialisme.
Il est clair que les divergences d’approches quant à la solution à l’actuelle crise nigérienne entre les États-Unis et la France est loin d’être fortuite : chaque pays défend ses intérêts, quitte à se brouiller temporairement avec son allié « indéfectible ».
Aux Nigériens d’abord et aux États de la CEDEAO ensuite d’éviter d’être les instruments de qui que ce soit d’une part et de défendre leurs véritables intérêts d’autre part ; la paix et la stabilité en étant les premières.
Ababacar Sadikhe DIAGNE,
Ingénieur de l’aéronautique civile, ancien élève des classes préparatoires aux Grandes Écoles.
Diplômé de l’ENAC Toulouse France et du MIT Cambridge USA