Ngom Demba, Farba sa Fouta
Mouhamadou Ngom Demba
Riche Farba du Fouta
L’affaire Farba Ngom est révélatrice de dérives communautaires quand le second corps ethnique du Sénégal est agressé et réagit. Les Législatives ont faussé toute neutralité dans les poursuites entamées contre l’homme des Agnam.
On lui reproche d’être riche. On le juge selon les canons du colonisé d’Albert Memmi : Farba Ngom n’aurait d’autre qualification que d’être le griot de Macky Sall et non le sien propre, sui generis. Mouhamadou Ngom est Farba ontologiquement, culturellement, sociologiquement, dans le sens d’élément d’intégration et de cohérence sociales. Pas seulement au Fouta mais partout ailleurs où on ne se renie pas.
On n’avait pas fait l’injure à Ndiouga Kébé ou à Djily Mbaye : analphabète n’est pas bête ; on refuse de sortir de certains schèmes de réflexion qui voudraient que Farba Ngom soit un bon entrepreneur. Qui réussit grâce à son ascendance tiédo qui inhibe l’esprit cartésien qui maintient nos cadres dans la dépendance mentale.
L’analyse de la sphère Farba Ngom donne un monde social organisé, structuré sur l’ensemble du territoire et en dehors, au-delà de considérations communautaires. La très forte mobilisation des 22 et 23 janvier derniers est digne des forts moments de braise de l’affaire de mœurs qui a secoué le Sénégal entre 2021 et 2024 : dans les deux situations, les relents communautaires étaient manifestes avec les appels à la mobilisation et à la résistance devant l’oppression ; la sphère Farba Senghor est bien structurée et le malaise né de menaces multiples d’hommes du pouvoir semble fausser une procédure qui aurait pu prendre d’autres allures que des défaites cuisantes au Fouta, à Matam et à Podor notamment.
Le Canadien Vincent Lemieux (Volume 12, numéro 3, 1971) au début des années 70 avait déjà installé l’intérêt de l’étude d’un éparpillement du vote et des populations entre parenté et scrutin ; ce souci est allé se renforçant avec les ouvertures et renforcements démocratiques vécus au Sénégal dans cette même période et les années subséquentes avec les nouvelles segmentations et solidarités sociales. L’évolution associative du vote notée depuis le début des années 90 a renforcé le questionnement sur une société se faisant de plus en plus durkheimienne, i.e appelant de plus en plus à la solidarité sociale, sous l’apparent paradoxe d’une liberté invitant de plus en plus à se recroqueviller sur soi à cause de difficultés non partagées : à la guerre des classes se substitue la guerre des clans, voire des ethnies et des gangs ; les régions du littoral ont démontré depuis 2012 le penchant communautaire du scrutin : le local se substitue au global et rejoint finalement le communautarisme que l’on prétend combattre : le vote est celui du Fouta, du Cayor, de la Casamance et rejoint des potentats locaux.
Les trois entreprises de Farba Ngom – la SCI Haba, la SEP Sucre et la SEP Tidiania – sont actuellement sous le coup d’investigations fiscales. On reproche à l’homme les griefs suivants : « Association de malfaiteurs, blanchiment de capitaux, escroquerie portant sur les deniers publics, corruption, trafics c d’influence, fraude et abus de biens sociaux », pas moins. Et puisqu’on ne prête qu’on riche, on lui impute 125 milliards, préférant cette ombre à une proie de 1.000 milliards. Allez savoir quels sont ses associés et si, en l’espèce, le complice écope plus que l’auteur à titre principal, si l‘incriminé aurait pu se présenter spontanément devant le procureur même étant député, ce qui aurait pu aider à éviter tout le cirque de ces derniers jours, si avec des si on enferme toujours Paris dans une bouteille, …
La faute à ce niveau ressortit plus du code des investissements et de la direction des Impôts et Domaines, comme l’a montré la crise dans le secteur de la presse avec ces comptes bloqués, que de la levée de l’immunité parlementaire : l’actualité enseigne en effet que dans de pareilles situations les amendes jouent plus que le vote d’une session parlementaire.
Pathé MBODJE
Ndlr: Les Halpulaarens (littéralement « ceux qui parlent peul ») constituent le second groupe ethnique du Sénégal après les Wolof, composé des Peuls et des Toucouleurs, ensemble homogène, selon wikipedia.
Ce groupe est aussi assez significatif, scientifiquement parlant, pour susciter de nombreuses études dont “Eléments dravidiens en peul”, [article], L. Homburger, Journal des Africanistes, Année 1948.