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Migrations : Irréversibles

Les migrations, 

phénomène ancien

et irréversible dans le monde

Par Daouda DIOUSSE,

spécialiste des questions migratoires

La migration irrégulière ou clandestine est devenue un important sujet d’actualité politique et un phénomène des temps modernes, de telle sorte qu’elle inspire tous les acteurs de la société internationale. Ce sont essentiellement les journalistes, les cinéastes, les dramaturges, les écrivains, les étudiants et autres chercheurs qui sont au premier plan de ce débat.
C’est parce que l’enjeu qu’elle constitue est préoccupant : elle reste l’une des questions pressantes qui agite le monde du 21ème siècle
Au demeurant, il faut comprendre que la migration dans toutes ses formes, régulière ou irrégulière, légale ou illégale est aussi vieille que le monde. Les peuples, quel que soit leur terroir, ont connu des mouvements migratoires. Mais le phénomène de la migration irrégulière ou clandestine, on peut le dire, est tout autre, il est récent et occupe une dimension mondiale dans ce début du troisième millénaire.
Elle se caractérise par son développement exponentiel et ses conséquences dramatiques (des milliers de morts) dans le grand bleu et sur les routes des déserts.
Devant l’ampleur du phénomène, le Sénégal et les pays du sud d’ailleurs n’ont pas trouvé les mesures idoines pour freiner ce fléau dû en partie à une détérioration persistante des conditions de vie des populations et des ménages malgré l’application des politiques de jeunesse, d’ajustement et de redressement économique.
Force est de reconnaître que le Sénégal a souffert et continue de souffrir face à cette situation en perdant un énorme capital humain de sa population active et une désertion de certaines zones de peuplement.
– Quels sont les facteurs déterminants qui poussent les candidats à la migration irrégulière ou clandestine et à vouloir se rendre aussi massivement en Europe ?
– Quels sont les éléments qui fondent leur idée de projet ?
Les causes de la migration irrégulière ou clandestine sont multiples et complexes : elles sont d’ordre économique, social et culturel. Ces causes se croisent et se renforcent.
Cependant, on peut en convenir, le soubassement de la migration clandestine est fondamentalement économique ; il résulte de la conséquence de l’impérialisme de l’économie libérale qui avait fini d’installer un système économique tout à fait nouveau aux mesures draconiennes dans les pays de l’Est et du Sud.
Des mesures de privatisation de nos sociétés publiques les plus rentables en faveur des fonds occidentaux ont eu pour effets des licenciements massifs, des tensions de trésorerie dans les budgets sociaux ; s’ajoutent à cela la mal gouvernance et une absence notoire de démocratie.
Aux difficultés économiques multiformes se croisent la crise de la pêche et de l’agriculture avec son dépôt de chômeurs et d’entreprises en faillite.
Ainsi des milliers de citoyens dépourvus de pouvoir d’achat, déshérités, pour survivre, n’ont d’autre solution que de tenter l’aventure ou de s’adonner au travail informel.
Ces populations laissées à elles-mêmes voient s’ouvrir sur leur chemin le lot quotidien d’une vie de « débrouille », d’autant plus que le secteur formel n’a pu absorber les déflatés.
Même si la pauvreté reste la condition première de la migration irrégulière, il est révélé dans certaines zones d’Amérique latine, d’Asie et d’Afrique des causes essentiellement politiques.
Tout compte fait, la population migrante est en détresse et cherche les meilleures dispositions quant à son accueil et à sa destination.
Incontestablement, le désir des jeunes Sénégalais de migrer vers l’Europe découle de la situation critique du pays (taux de chômage explosif des jeunes, faillite des sociétés de pêche et Industrie chimique du Sénégal (ICS), cherté du coût de la vie etc.) et les opportunités que semblent offrir les pays d’accueil (fort besoin en main d’œuvre pour accompagner la croissance économique et le vieillissement de la population européenne).
A travers ces mutations rapides et complexes sous le couvert de la mondialisation et sur une pression démographique sans précédent, nous pouvons nous permettre d’expliquer la nécessité de développer une coopération accrue entre les Etats pour gérer au mieux la migration par la concertation, le dialogue dans la fraternité et la solidarité.
D’autant plus que le monde est devenu ouvert, toutes ses composantes sont interdépendantes à telle enseigne qu’on parle de « globalisation », de mondialisation, de village planétaire.

Daouda DIOUSSE,

consultant, spécialiste des questions migratoires, de jeunesse et d’éducation populaire
Auteur du sujet de recherche intitulé : Le phénomène de la migration clandestine au Sénégal et ses effets sur les relations internationales
Email : daoudadioussepop@yahoo.fr