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La Ligne du Devoir

Média-Pan sur la jeune génération

Médias-Effet arrestation PAN

 

La jeune génération 

pessimiste sur l’avenir

du métier

 

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

L’arrestation de Pape Alé Niang fait tomber les masques : chacun se prononce et dévoile sa posture. Les confrères de PAN ne lâchent pas prise. De communiqué en communiqué, ils montrent leur désaccord face au sort de l’un des leurs. Les statuts sur WhatsApp et les photos de profil sur Facebook marquent leur engagement à lutter pour la liberté de leur confrère. Des jeunes journalistes interpellés ont manifesté leur désespoir de s’accrocher à un métier à risque, malgré l’article 8 de la constitution du 22 janvier 2001 qui garantit et protège la liberté de presse .

Il paraît illogique qu’en 2022 un journaliste soit emprisonné dans l’exercice de ses fonctions. Les associations de presse regroupées au sein de la Coordination des Associations de Presse (Cap) condamnent avec la dernière énergie la tournure de la situation de Pape Alé. Le soutien à l’endroit de ce dernier est infaillible. Des posts avec l’effigie du journaliste avec la note ” Libérez Pape Alé Niang, Non à l’intimidation ” circulent depuis une semaine sur les réseaux sociaux. Le sort du journaliste d’investigation inquiète et laisse apeurés les confrères, surtout la petite graine qui portait l’ambition d’embrasser le journalisme d’investigation dans quelques années.

Aida Mbène Niasse est journaliste à Seneweb. Elle regrette les faits du 9 novembre dernier : “C’est une grosse tristesse pour moi de voir en 2022 des journalistes emprisonnés pour des délits d’opinion, malgré les nombreux efforts fournis par les différentes organisations de défense pour la liberté de la presse “.
La présentatrice de l’émission ” Ultimatum ” se rappelle l’année 2015 quand le président Macky Sall avait lui même dit qu’on ne verrait jamais durant sa gouvernance un journaliste mis en prison pour un délit de presse. “Alors aujourd’hui, je me demande même qu’en est-il de son engagement pour la dépénalisation des délits de presse ? ” s’interroge-t-elle.

Aïda Mbène Niasse n’est pas la seule jeune journaliste qui dénonce l’emprisonnement des journalistes. Son confrère Abdoulaye Diop tient le même langage. Le journaliste reporter présentateur à la radio Sud Fm ne mâche pas ses mots. Au regard de la situation des certains journalistes arrêtés dans l’exercice de leur fonction, il leur témoigne son soutien et sa compassion, particulièrement à Pape Alé Niang dans les liens de la détention actuellement. Il soutient : ” Nous ne pouvons que déplorer cette arrestation, un fait inédit d’autant plus qu’il a été arrêté dans l’exercice de ses fonctions. C’est dommage que cela se passe au Sénégal un pays où la démocratie est chantée partout, incarcéré un journaliste c’est un recul net de la démocratie. La liberté de la presse pour moi au Sénégal se limite seulement sur les textes ou les paroles “.
La crainte intervient quand il s’agit de foncer dans des dossiers touchant l’état et le régime en place : c’est pourquoi Aïda Mbène insiste sur la réforme du secteur : ” Pour moi, il faut impérativement penser à réformer le secteur des médias pour garantir la liberté de la presse en passant bien-sûr par la solidarité enfin de pouvoir faire en toute conscience notre travail au bénéfice du peuple sénégalais “.
Dans cette veine, Abdoulaye Diop souligne que cette situation porte des séquelles sur l’avenir du métier. ” C’est une situation qui peut changer la vision de la pratique journalistique au Sénégal, tellement pour nous le journalisme égale à liberté. Si donc aujourd’hui, un journaliste est emprisonné car ayant fait son travail, c’est-à-dire informer juste et vrai, les futurs confrères peuvent avoir peur ou  avoirune autre idée de cette profession “, prévient le présentateur du journal à la Sud FM. D’après Abdoulaye Diop, il y a de quoi avoir peur avec ce régime. Il y a une certaine intimidation que subissent les journalistes de la part de l’opposition comme du pouvoir. Ils sont attaqués, des organes de presse qui sont ciblés et attaqués, les exemples sont là et c’est très dangereux pour la profession.
Pour Aïda Mbène, le milieu des médias pourrait connaitre une désertification si l’intimidation persiste :” Face aux menaces surtout qui viennent du pouvoir, de l’opposition et des forces sociales, je pense que la jeune génération n’aura plus le courage de mener des enquêtes approfondies sur certaines questions d’intérêt public, chose qui pourrait nuire au secteur. Parfois, en voyant des journalistes marginalisés ou attaqués sur le terrain, je me dis franchement au Sénégal il reste beaucoup de travail à faire pour le respect de notre métier “.
Et pour y parvenir, les patrons de presse doivent aussi tout faire pour protéger les journalistes et les mettre dans de très bonnes conditions, surtout les reporters, en attendant également l’appui de l’État du Sénégal “.

Les journalistes marquent un temps d’arrêt au défouloir. L’injustice dont ils sont victimes n’a que trop duré. La pression du pouvoir et de l’opposition n’est qu’un parmi la liste. La précarité du secteur et le respect dû au professionnel de l’information sont aussi mis à quia.