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Mballo, « l’artiviste » : Signe tout particulier !

Samba Mballo, « l’artiviste »

 

Signe tout particulier !

Se promenant toujours avec son Fedora dans les rencontres cinématographiques, “l’artiviste » Samba Mballo est un jeune artiste pluri-expressions avec plus d’une dizaine d’années d’expériences dans la conception et la mise en œuvre de projets d’arts sociaux créatifs.

Diplômé de l’École nationale des Arts du Sénégal, Samba Mballo est le directeur artistique de la compagnie Scène-Égale.
À la base éducateur diplômé d’État, il a servi comme volontaire de la protection civile au Service civique national. En tant qu’animateur, Mballo a travaillé dans des projets de réinsertion de toxicomanes puis à l’Organisation nationale des Droits de l’Homme comme chargé culturel.

Entretien dirigé par Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW,

Cheffe du Desk Culture

Parlez-nous un peu de vos trois métiers et de leurs particularités.

Je me définis comme comédien, metteur en scène, dramaturge et animateur de communauté. Comédien et metteur en scène pour moi sont liés puisque dans ma formation initiale du théâtre social, la co-création et la co-construction sont deux éléments fondamentaux de la pratique artistique qui permettent à l’acteur de définir les bases de sa progression dans le théâtre en tant que profession, et de se projeter dans l’imaginaire collectif d’un théâtre en tant que vocation.

En soi, dramaturge est plus lié à ma capacité à mettre en perspective des histoires particulières en improvisation scénique ou en saynètes pour traduire des réalités. Cette écriture particulière se présente sous deux formes symboliques : de la proposition d’un écrit à la scène du corps et de l’esprit ou de la présence scénique au texte. La deuxième perspective étant plus réaliste, elle permet de créer un langage complet du corps qu’on ne retrouve pas dans les textes.

Enfin animateur de communautés par les études en animation culturelle et les interventions au sein de groupes sociaux (enfants, jeunes, femmes, communauté…) pour renforcer des dynamiques et proposer des axes de réflexion collective à travers les arts sociaux. Un travail que j’ai pu réaliser au Sénégal, en Afrique et en Europe à travers diverses expériences.
Ces métiers pour moi sont complémentaires car faisant tous appel à du pragmatisme artistique.

Zoom sur la compagnie Scène et la formation « Ndànk Ndànk  ». En quoi consistent-elles ?

La compagnie Scène Égale théâtre forum est un projet né en 2018 lors d’un atelier international que j’ai organisé sur le regard critique de l’artiste, sur les symboles de l’esclavage avec des participants venus de 6 pays européens, de la Gambie et du Sénégal. Cette expérience inédite m’a donné l’envie de poursuivre ces formations de collaboration et donc une telle structure s’imposait. La compagnie travaille avec de jeunes comédiennes sur des problématiques communautaires essentielles dans les dynamiques sociales au Sénégal. Elle s’engage aussi dans la multiplication des techniques des arts sociaux à travers différents ateliers pour professionnels et amateurs. « Ndànk Ndànk » est un atelier de formation destiné à tous les groupes artistiques qui désirent renforcer les capacités de leurs comédiens sur le réalisme de l’action dramatique.
La première session s’est déroulée à Casablanca où j’ai pu diriger une trentaine de comédiens marocains sur l’esthétique du théâtre africain en rapport avec l’intuition de l’acteur. « Ndànk Ndànk » est donc un voyage créatif dans l’intuition du jeu de l’acteur et une innovation artistique en termes de projet de contribution dans la formation des acteurs du théâtre et du cinéma sénégalais. En session courte ou longue, l’atelier reste disponible dans une forme itinérante pour tous les publics

Quels sont vos objectifs dans le cinéma ?

Faire du cinéma sénégalais un cinéma africain dans l’approche esthétique, c’est le contenu de mon engagement en faveur d’une politique culturelle cohérente.
À court terme, je compte terminer mon projet de court-métrage, ensuite mettre en place un Ciné club pour faire la promotion des films africains. Pour le reste, je m’investis en tant qu’acteur dans différents projets en fonction de leurs pertinences.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en exerçant les trois métiers du cinéma en même temps ?

Les difficultés majeures dans l’exercice de ces professions sont plus d’ordre structurel plus qu’il n’existe aucun arsenal juridique qui prend en compte le caractère contributif des professions artistiques. Nous n’avons pas une administration culturelle à la hauteur des enjeux ce qui explique le peu d’opportunités combinées à un manque d’infrastructures sur toute l’étendue du territoire. On peut aussi évoquer la faiblesse financière des structures artistiques locales qui, pour la plupart, ne sont pas en mesure de financer la formation de leurs acteurs. Enfin, un problème de référentiels et d’archives pour nourrir nos projets et créer un pont entre les pratiques fondamentales et contemporaines.

Quelles sont vos références filmiques et scénaristiques ?

J’ai travaillé longtemps comme fixeur dans :
– Les anges vagabonds (french connection), France, 2016
– La route des migrants (keo film, Londres), 2016
– Climat migration-guerres :les liaisons dangereuses, premier prix au festival de Deauville (Ushuaia Tv, France, 2017)
Et d’autres collaborations avec (journal Le Monde, France 2, …,entre 2016 et 2018.

En tant qu’acteur, j’ai tardé à me jeter dans le bain du passage à l’écran mais surtout de la popularité assez contraignante quand on doit continuer à être présent sur scène. J’ai par contre joué un rôle principal dans le film « Xeex bi du jeex » du réalisateur franco-allemand Raphaël Grisey, 2017, les catalogues photographiques de la photographe allemande Verena brochet à Berlin en 2019 et un rôle dans les saisons 2 et 3 de la série « Infidèles » de Even Prod, 2021/2022. Quant aux scénarios, pour l’instant, tous mes écrits sont à des stades primo-projets, hormis le court-métrage ​ ​« L’interrogatoire d’embauche » qui sera réalisé en fin d’année.

Quels sont, selon vous, les cinéastes que les jeunes passionnés doivent suivre pour persévérer dans le cinéma ?

En tant que spectateur, je suis beaucoup admiratif du travail du réalisateur Moussa Touré qui, à mon avis, est un modèle d’engagement et de dévouement dans la manière dont il conduit sa carrière ; ses films à mon avis sont très ancrés. Ailleurs, je peux rajouter le réalisateur marocain Hicham Lasri qui pour moi est un artiste hors normes, dans la pure définition du cinéma.

Quelles sont vos limites dans ce métier de comédien ? En tant que metteur en scène, avez-vous des limites dans certains sujets à mettre en scène ?

Pour moi, un acteur limité est un lion en cage. Le corps étant notre premier outil, je veille à garder une certaine flexibilité malgré le manque cruel de directeur d’acteur dans nos productions et qui ralentit tous les efforts des uns et des autres pour qui la variation est primordiale.

En tant que metteur en scène, je pense aujourd’hui avoir une expérience suffisante pour contourner ce que j’appelle les box et qui se postillonnent comme une censure culturo-religieuse. Avec le temps, j’ai donc pu comprendre ces mécanismes culturels très puissants et dangereux pour la création artistique et m’outiller en conséquence pour y faire face. La seule difficulté est le fait de ne pas pouvoir faire circuler nos produits et toucher toutes les communautés.

Avez-vous, pour finir, des choses à dénoncer, à éclaircir ou à annoncer concernant le cinéma ?

Peut-être terminer sur le théâtre. En fait, parler de théâtre au Sénégal, c’est mettre face à face le concept de théâtre et celui de société. Le théâtre sénégalais est consubstantiellement liée à notre parcours culturel en tant que peuple. Le théâtre est inscrit en nous, comme nous nous reflétons en permanence dans le théâtre. Toutes ces manifestations de la théâtralisation traditionnelle expliquent pourquoi les populations se sentent à l’aise toutes les fois qu’il est question de jouer, toutes les fois qu’il est question de faire comme si, toutes les fois qu’il est question d’amplifier pour signifier, toutes les fois qu’il est question d’utiliser des formes métaphoriques, ou métonymiques pour communiquer son statut, son état psychologique ou affectif.