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Mandat présidentiel : les têtes de turc

Mandat présidentiel

 

Le forcing des têtes de turc

 

Les têtes de turc Recep Tayyip Erdogan, Macky Sall et Emmanuel Macron vont solliciter un 

dernier mandat, respectivement après 20, 12 et 10 ans à la tête de leur pays. Au forceps, sur fond d’instabilité : terrorisme, en Turquie, menace institutionnelle en France et au Sénégal avec un président sans majorité obligé de toucher à la Loi fondamentale.

Un attentat pourrait encore avoir lieu en Turquie, comme le 22 novembre dernier, pour assurer la volonté du président de se présenter encore une fois, après 20 ans de présence mouvementée en Turquie mais avec une autorité internationale certaine : la Turquie de Erdogan est aussi sûre que la troisième voie qu’emprunte l’Afrique face au deux blocs, dans une guerre froide qui ne dit pas son nom en Ukraine et dans la lutte plus générique contre le terrorisme organisé ; au niveau local, comme l’Arabie saoudite, Oma et Israël, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan est une puissance locale régulant les tensions environnantes, de la Syrie au Kurdistan, au besoin en ouvrant le feu.

En France, ils veulent incriminer Jean-Pierre Raffarin ce 13 décembre alors que l’idée était avancée depuis la loi sur les retraites : Georges Malbrunot avait déjà allumé la mèche :  «Analyse d’un service de renseignements français : « En 2023, Macron fera passer la réforme des retraites en recourant au 49-3 puis il dissoudra l’assemblée. Il démissionnerait ensuite, faute de majorité. Ce qui lui permet de se représenter dans la foulée ou au scrutin suivant ». 2023, en ce mois de décembre, c’est aujourd’hui.

Alors quand Jean-Pierre Raffarin y ajoute ensuite une couche, on a l’impression d’assister à un scénario d’un film de série B que même l’Afrique hésiterait à imaginer : l’ancien Premier ministre des années 2000 a prôné une révision de la Constitution permettant d’éliminer la limite de deux mandats présidentiels consécutifs. Sérieux : on penserait au Sénégal, à Serigne Mbacké Ndiaye en particulier qui en a fait son dada depuis quelque temps.

Il en est en effet  de même au Sénégal où Macky Sall, depuis les États-Unis (14 décembre), trouve une légalité à une éventuelle candidature à la présidentielle de 2024 : les ballons de sonde se multiplient,  déjà depuis la Présidentielle de 2019 qui tournait définitivement et constitutionnellement la page Macky Sall avec deux mandats consécutifs. Aujourd’hui, le constitutionnaliste s’en mord d’autant les doigts devant la situation ubuesque que vit le Sénégal : l’irresponsabilité d’une opposition, qui étale chaque jour son incapacité à gouverner le Sénégal dans la démocratie, l’irresponsabilité d’un pouvoir faible aussi bien à l’interne que devant ses administrés.

Me Wade longtemps en guerre pour les libertés avait décrété au début des années 80 qu’un pouvoir affaibli devenait un danger pour lui et pour son pays : les populations enhardies pensent pouvoir en terminer et l’autorité en place se durcit et verse dans la fermeté. La Turquie en agitation perpétuelle en donne un exemple éloquent et le syndrome Morsi qui frappe Macky Sall et Emmanuel Macron les fait combattre à peine élus, comme avec la crise des Gilets jaunes, chez Marianne et le vaudeville de la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans et finalement maintenu en l’état, en attendant la révision constitutionnelle du 5 avril 2016 (Loi constitutionnelle No 2016-10).

De nombreuses zones d’ombre demeurent après l’attentat d’Istanbul du 13 novembre, arrivé opportunément à 6 mois de la Présidentielle, comme il en est souvent le cas d’ailleurs, notamment en 2015-2016 avec une longue séquence mélangeant attentats, terreur, attaques, massacres et assassinat politique et tentative de coup d’Etat.

Ailleurs, c’est toujours au moment où ils sont presque à terre que, tel le Sphinx, Macky Sall, Erdogan et Emmanuel Macron renaissent de leurs cendres. L’opinion sur laquelle Raffarin et les services de documentation et de renseignements s’appuient pour ramener le président français à la vie ferait rougir les populations des républiques bananières.

Pour le service « Politique et Perspectives » du Devoir, à la suite d’un brainstorming, « Les perspectives sont tracées : Future is not something to be predicted, future is something to be achieved… ».

 « Je crois moins à la réélection de Macron…après une hypothétique dissolution de l’Assemblée nationale ».

De nombreuses zones d’ombre existaient également avec la politique du ni oui ni non finalement devenue : « Ce serait légitime » ; depuis, la formation du président de la République a retrouvé une certaine vigueur avec la déclaration de politique générale du 12 décembre dernier : Amadou Ba a semblé lancer indirectement la campagne 2024 en divisant une opposition dont le tiers bloquant a démontré que, lors des enjeux fondamentaux, il se rangerait plus du côté du pouvoir : depuis son passage à l’Assemblée, la campagne est lancée, à Kaolack et à Ndioum notamment.

P. MBODJE