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Macky, un clair-obscur exprès

Troisième mandat

La clarté aveuglante

Pourquoi une position indéfinie sur le troisième mandat ?

 

Le troisième mandat est un sujet d’actualité. Dans les places publiques, dans les bureaux, tout le monde en parle. Lors d’un entretien accordé à L’express, un journal français, le chef de l’Etat Macky Sall a semé le doute sur sa prochaine présentation à la présidentielle 2024. La surprise n’étant pas du côté de l’opposition, certains citoyens refusaient de croire que la question du troisième mandat faisait partie du vocabulaire de Macky Sall. Mais son entretien avec le journal français semble réveiller les soupçons.

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

Plusieurs questions ont été abordées par le journal L’express, mais la question du troisième mandat a été le noyau de l’entretien. Le président Macky Sall n’a pas voulu être explicite sur le sujet : à la question de troisième mandat, le président Macky Sall a répondu : « Sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps. J’ai été élu en 2012 pour un mandat de sept ans. En 2016, j’ai proposé le passage au quinquennat et suggéré d’appliquer cette réduction à mon mandat en cours. Avant de soumettre ce choix au référendum, nous avons consulté le Conseil constitutionnel. Ce dernier a estimé que mon premier mandat était intangible et donc qu’il était hors de portée de la réforme. La question juridique est donc réglée. Maintenant, dois-je me porter candidat pour un troisième mandat ou non ? C’est un débat politique, je l’admets ».

Cette réponse implicite laisse penser que c’est à lui de décider ou non du troisième mandat. En effet, le chef de l’Etat s’appuie sur la Constitution révisée en 2016. D’après le texte, il est dit que nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs. Considérant son premier mandat de 7 ans comme exclu, il balaie tout blocage constitutionnel à se présenter à la présidentielle.

Les propos de Macky Sall n’ont pas surpris ceux qu’on appelle les râleurs de l’opposition. Mais pour ce partisan, tout est chamboulé dans sa tête à présent. Sous couvert de l’anonymat, cet homme de la quarantaine a toujours défendu les réalisations faites par son leader. Il précise qu’il n’a jamais cautionné le troisième mandat dans la mesure où la révision de la Constitution a tranché. Mais l’entretien que Macky Sall a accordé au journal L’express lui a fait perdre l’estime qu’il portait à ce dernier. « Je l’ai toujours défendu. Quoi qu’on puisse dire, il a fait énormément de réalisations dans le pays. Il s’est démenti lui-même quand il a dit dans une vidéo qu’il en était à son dernier mandat. Qu’est- ce qui s’est passé entre-temps pour qu’il change d’avis ? Personnellement, je ne le voyais pas s’exprimer de la sorte. Je m’attendais à ce qu’il soit précis et net dans ses propos afin d’édifier les Sénégalais et dissuader les jeunes à suivre la mouvance de l’opposition », souligne le désormais ex-partisan de Benno Bokk Yakaar.

Notre interlocuteur suppose que les conseillers du président Macky Sall veulent juste le noyer. Il ajoute que si le forcing est songé par le chef de l’Etat, qu’il s’attende à un Sénégal en feu car « les jeunes sont déjà décidés à lui barrer la route ».

Contactée sur Whatsapp, Khar Ndiaye donne son avis sur les propos de Macky Sall. Il cherche à se protéger et à protéger sa famille et ses alliés épinglés dans des rapports. « Je ne suis pas surprise par la position de Macky Sall. Les nombreuses arrestations, les dossiers juridiques qu’endosse son principal opposant ont montré qu’il voulait un troisième mandat. Bien que les juristes en tirent des conclusions opposées, la Constitution a été claire là-dessus : il ne doit pas se présenter à la présidentielle de 2024.Si lui, en tant que gardien de la Constitution, enfreint  l’ensemble de textes juridiques qui définissent les institutions de l’État et organisent leurs relations, alors nous aurons perdu la sacralité de nos textes. Et cela ne justifierait que ce que le leader de Pastef disait que ” la justice est instrumentalisée  », soutient Khar Ndiaye, une femme entrpreneure.

Pour Khar, le fait de vouloir coûte que coûte avoir un troisième mandat s’apparente à une stratégie d’effacer toute trace qui pourrait faire l’objet d’une poursuite après avoir quitté le pouvoir.

La femme entrepreneure craint que Macky soit victime du syndrome Wade : « Macky Sall a été témoin des événements de 2012, il a vu ce qui est arrivé à Wade. Qu’il sorte par la grande porte avant de subir ce que Wade a subi ».

De manière implicite, le président Macky Sall n’a pas rejeté le troisième mandat. A la place d’une réponse précise, il caresse le sujet par la durée de ses mandats, respectivement 7 et 5 ans. Durant l’entretien, Macky Sall laisse entendre que son premier mandat qui avait duré 7 ans n’ est pas pris en compte lors de la réforme de la Constitution. Pour nos interlocuteurs, l’histoire de Wade risque de se répéter pour Macky s’il met en avant le forcing.