Livres-Saliou Gaye : “Au fil du temps”
ITINÉRAIRE ATYPIQUE D’UN WALO WALO,
DE MBILOR A DAKAR
Histoire de vie
Les Fagots De La Mémoire
Les histoires de vie sont comme les fagots de la mémoire du poète Birago Diop : elles sont parfaites, idéales, solides et solidaires.
C’est en effet parce qu’ils sont unis que les fagots représentent une force unique, indestructible. Birago le fabuliste se veut social : rien hors les individus dans leur force jaillissante qu’est la société. Les fagots ne sont sont ces simples brindilles : ils sont la société.
Les histoires de vie sont comme les fagots de la mémoire de Birago : elles représentent la grégarité de la vie sociale, unissent les individus entre eux, facilitent une morale de vie, prédisposent à une fin heureuse.
Le fagot symbolise la vie, de sa force à son déclin : sa consumation vive entretient la flamme du foyer qu’elle illumine de sa lumière, de sa chaleur, de sa nourriture, de son don de vie.
Saliou Gaye est plus proche désormais de la substance divine, son aîné ayant plus de 70 ans au moment où il met la dernière retouche à ces fagots de sa mémoire, en 2021. L’allusion à Abraham est sous-jacente, en cette veille de Tabaski 2025 : il tue son unique fils, lui-même, pour renaître de ses écrits ; son ange Gabriel qui substitue l’agneau du sacrifice, c’est ce roman que nous tenons entre nos mains ; car que comprendre de cet essai d’éternité, cette volonté de renaissance en son livre, lui le centenaire qui se moque du temps qui ne tient, au fond, qu’à un fil, comme la vérité, la vie elle-même ? Écrire, nous dit-on, c’est mourir un peu. Le Président Saliou Gaye meurt en lui, une fois son œuvre achevée, pour ressusciter en nous.
Parmi les tout-premiers cadres africains de l’administration policière coloniale, il fut l’exemple donné par ses pairs étrangers, la fierté de sa race : ses colères étaient de notoriété lorsque ses frères de race ne recevaient pas le traitement qui leur était dû. Il préfère les originaires aux ressortissants, météores qui ont transité, résidé puis transhumé, sans racines véritables, lui qui est une souche indéracinable.

AVANT-PROPOS

Faire un livre sur mon parcours professionnel ou sur ma vie tout court ne m’a jamais tenté ; mais les causeries avec des amis et membres de ma famille ont tellement intéressé ces derniers que nombre d’entre eux ont insisté pour que je restitue dans une forme d’ouvrage tous ces faits marquants ayant jalonné cet itinéraire.
Leurs sollicitations, disent-ils, répondent à leurs sentiments bien fondés qu’un tel récit pourrait générer beaucoup d’exemples en termes d’ambitions, d’émulations, de courage et d’initiatives.
Ainsi ai-je été amené à la production de cet ouvrage moyen avec le souhait premier que mes enfants en ce siècle de dénigrement systématique et de méchanceté gratuite puissent y trouver inspiration et connaitre mieux leur père, tout comme je connus le miens, intraitables dans ces valeurs sublimes de vaillance, de dignité, hérités de nos ancêtres qui nous ont laissé ce legs précieux encore chanté de nos jours : « WALO BAGNE NA KOULENE TOGNE ».
A mes pères et mères, large paix à leurs Âmes. Amen !
Saliou GAYE
INTRODUCTION
D’hésitation en hésitation, je tardais, ne sachant pas nager, à me jeter dans le marigot. C’est alors que me voyant tergiverser sans fin, une main invisible vint par dernière me pousser à l’eau. Puisant dans mes derniers ressorts, je me débattais quand dans mon dernier sursaut, je vis la forme d’une bouée qui s’est révélée être un homme, un poète ayant explication à tout. Je m’agrippais énergiquement à lui et, maître-nageur qu’il était, il me sauva d’une impasse que je pensais insurmontable.
Tel est mon cas, celui d’un semi-lettré ayant envie d’écrire et ne sachant par où commencer.
Pour entreprendre, me dit mon sauveteur, il faut bien débuter. Le jockey devenu célèbre n’avait-il pas commencé par mettre le pied à l’étrier ? Il ne s’agit ni d’audace ni de vanité, mais plutôt de volonté et d’humilité. Je guiderai tes premiers pas, me rassura-t-il. Sa proximité, sa pédagogie, chemin faisant, me conforta si bien que je me résolus à prendre timidement la plume.
De mon maître, conseil et sauveteur à la plume acérée, je n’avais hélas ni l’érudition, ni l’élégance de style, encore moins les emphases et envolées caractérisant ces gens du livre. Sachez donc, à l’entame de cet ouvrage, qu’il s’agit de l’essai aventureux d’un primairien, du self made man, bref du dilettante. Je sollicite du savant lecteur l’indulgence face à l’indigence lexicale ou rédactionnelle du néophyte téméraire que je suis. J’ai voulu simplement, modestement, au soir de ma vie, communiquer et faire partager sur un parcours au demeurant atypique et ce, de ma tendre enfance à aujourd’hui.
L’ouvrage sera donc subdivisé en plusieurs chapitres :
I – Des origines, du village Oualo-Oualo de Mbilor, de l’adolescence à la majorité civile.
II – Accès à l’administration, de la hiérarchie D à la hiérarchie A.
III – Les différents postes occupés et les faits marquants.
IV – La reconversion dans le privé et ses péripéties.
V – Les voyages extraordinaires
VI – Le Mouvement associatif : l’Union Nationale des Originaires du Oualo.
VII – Au contact des familles religieuses
VIII – Croyances et superstitions.
IX – Médecine traditionnelle de l’époque
X – Conclusions.
I – Mon enfance : des origines aux souvenirs
J’ai été déclaré né à Louga (Sénégal) le 5 Décembre 1930. Les lointains souvenirs puisés de ce qui me reste de mémoire me rappellent mon enfance dans cette ville, de la période la plus tendre à l’adolescent de 13 ans que je fus. De 1930 à 1943, j’ai donc connu à Louga, l’école coranique de 1934 à 1936, pour ensuite fréquenter l’école primaire de 1937 à 1943. Mon maître coranique était d’un caractère austère. Il été si prompte à manier la chicote. Notre « Daara » en plein air était au lieu-dit « Garage», non loin du Camp des Gardes, contigu à la résidence, demeure des Commandants de Cercle.
1937-1939 : débute l’École primaire rue du Commerce (CP1/CP2).
1940-1941 : le cours élémentaire à l’école Thiokhna non loin de l’usine Décomis, célèbre à l’époque dans la transformation de l’arachide.
1942-1943 : (CMI/CM2) Quartier Montagne, période marquée par les Instituteurs MM. Thiam, Diongue et Diégane Sène, les directeurs d’école Algor Dioum, Seck et Abdoulaye Sadji, auteur des romans “Nini” et “Maïmouna“.
Le seul centre d’examen au Sénégal pour le Certificat d’Études primaires élémentaires (CEPE), se trouvait à Saint-Louis, à l’école Blanchot. Tous les élèves candidats à l’échelon national rejoignaient Saint-Louis où l’on ne pouvait manquer d’avoir un parent pour l’hébergement.
Notre dictée en 1943 avait comme titre : « La prière du soir ».
Le CEPE était considéré comme un diplôme qui vous distinguait du lot. Il était tellement important que la famille en faisait un élément de fierté, a fortiori, l’école Blanchot dénommée École primaire supérieure à partir de laquelle vous accédiez à l’Ecole Normale William Ponty que l’on ne présente plus, ses récipiendaires étant pour la plupart les artisans et les pères des Indépendances en Afrique de l’Ouest. L’École des fils de chef ou des otages, l’École d’apprentissage étaient également des centres non moins respectables. Je laisse aux spécialistes, singulièrement mon cher frère Iba Der Thiam, le soin de nous faire l’historique de ces différents sanctuaires.
Le moins que l’on puisse dire est que le CEPE de l’époque était un sacre. Que dire dès lors des « Blanchotins » et des « Pontyns » qui, toutes proportions gardées, dépassent de loin tout au moins en Français nos universitaires d’aujourd’hui ?
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Livres-Saliou Gaye : “Au fil du temps”
ITINÉRAIRE ATYPIQUE D’UN WALO WALO,
DE MBILOR A DAKAR,
Publibook, France, 2021
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