GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

L’espoir, sous la cendre

L’espoir, sous les cendres

Les prières pour la paix ont accompagné la volonté gauche et tardive (juillet) de Macky Sall de favoriser la décrispation du champ politique. L’année qui s’achève, pour difficile qu’elle ait été pour les Sénégalais, a été meilleure que 2021 de triste mémoire avec la guerre d’indépendance des populations confinées, affamées.
Certes, l’affaire de mœurs qui a servi de détonateur est toujours là, lourde de sous-entendus et de non-dits ; la procédure en Cour, acceptée même sous réserve, aboutira sans doute à un mauvais arrangement qui préservera la paix. Sauf ramifications importantes apparues en mi-2022 avec l’affaire Mancabou et l’affaire dite « Force spéciale » du 17 juin ; surtout que l’affaire Pape Alé Niang fait allusion à une machination tendant vers la sécurité et la défense avec la disparition de Didier Badji et la mort non encore élucidée de Fulbert Sambou.

La fébrilité et l’empressement désordonnés de l’État à la suite du rapport de la Cour des Comptes démontre la légèreté d’un pouvoir incapable de réguler une société devenue plus exigeante après plus de quarante ans de restrictions et de diktats des institutions internationales.
Le refus des populations de se laisser tourner en bourrique est salvateur qui amène à l’administration à se ressaisir dans la gestion du temps et de l’espace sénégalais. Le vaudeville d’un ministre de l’Économie déclinant en direct à 20 heures à la télévision des « éléments de langage » disponibles sur les réseaux sociaux cinq heures plus tôt démontre la contrition d’un pouvoir surpris par la lame de fond d’un tsunami qui déferle depuis deux ans sur le pays.
Sincère dans sa communication extérieure et très peu pris en considération au niveau interne, Macky Sall a saisi sur le tard la construction de nouvelles réalités sociales qui justifie sa présence à la tête de l’État en 2012, bien qu’il veuille les combattre au niveau local, tout en appelant la communauté internationale à plus de considération, au fond culturelle quand l’économique semble déterminant en dernière instance, comme disaient naguère les communistes ; son discours de septembre aux Nations-Unies est par exemple sans ambages quant au fond lorsqu’il appelle, à la suite de l’instance internationale, à « soigner notre planète, réduire les inégalités persistantes Nord-Sud et redonner sens au multilatéralisme ». Toutes ses prestations internationales, soubassement Union africaine, ont épousé le même contour du Cassandre sénégalais devant le cheval de Troie appelant à la raison avant qu’il ne soit trop tard : les peuples naguère sous domination appellent à un New Deal culturel perçu comme un sentiment anti-européen.
Cet appel à l’ouverture ne s’est malheureusement pas concrétisé chez lui, tant il est vrai que

l’on ne saurait être prophète chez soi quand on verse dans une anthropophagie politique.

——-
Inquiétudes et appels à la raison

La situation du pays ne lasse d’inquiéter les intellectuels dont certains parmi les plus estimés et les leaders religieux de certains foyers religieux.
Assumant leurs responsabilités morales, ils se sont exprimés afin que notre pays ne suive les chemins de la perdition.
Voilà pourquoi beaucoup de voix s’élèvent maintenant pour inciter ceux dont les paroles sont écoutées et les recommandations suivies à appeler à la raison les acteurs politiques, notamment ceux qui détiennent le pouvoir d’État.
Ce serait une faillite morale de ces derniers s’ils laissaient faire ou, pire, cautionnaient les projets en perspective et qui risquent de plonger le pays dans l’instabilité.
La situation dans certains pays à travers le monde et notamment de la sous-région devrait éloigner tous les responsables politiques des ambitions anticonstitutionnelles.
On est tenté de rappeler l’adage wolof qui dit :
« Bopp bouye tékhé nopp youye dégg nio Thieye sakhe ».
Ce qui se dirait en français :
« Difficile de sauver celui qui n’écoute pas les conseils de prudence à lui prodigués ».
Un citoyen Lamda

——

Dans un de ses célèbres accès de colère des années 80, Me Abdoulaye Wade ulcéré avait menacé de transformer le Parti démocratique sénégalais (Pds) en mouvement de libération ; il n’avait cependant jamais envisagé de verser la moindre goutte de sang pour accéder au pouvoir. Il est comme on disait naguère l’homme le plus diplômé de Casablanca au Cap, en Afrique du Sud.
Ceux en lutte pour le pouvoir et ceux qui y sont n’ont peut-être pas la même stature intellectuelle du dernier combattant suprême. Ils sauraient quelle est la générosité du bois qui brûle pour assurer la chaleur qui est vie et qui sommeille sous la cendre, attendant le moindre souffle pour susciter l’espoir.

Depuis les agitations sociales et quelles qu’en soient l’ampleur et les conséquences tragiques, le drapeau reste le seul emblème agité. L’espoir est là, sous les cendres.

P. MBODJE