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Les vendeurs à la sauvette: Un travail rentable mais parsemé de dangers Par Khadidatou GUÈYE Fall

Le lieu et le moment de vente, un quotient important pour se frotter les mains

Le manque d’emploi au Sénégal est une situation criante. Le chômage des jeunes constitue un problème majeur. C’est pourquoi,  dans le discours des politiciens, une remédiation de ce phénomène revient très fréquemment. Mais il semble que l’ampleur de ce manque d’emploi n’est pas totalement saisie. Ce problème est facile à régler d’après certains jeunes vendeurs à la sauvette. Ces derniers se sont créés un emploi d’une autre manière.
Très proches des marchands ambulants, les vendeurs à la sauvette se frottent les mains autour du danger. Au rond-point Case-bi, les routes en construction déboussolent les voyageurs et les passagers. Le décor a complètement changé. En provenance du marché Gueule Tapée,  la route vers la droite qui mène vers les clandos Pikine-Corniche abrite des étalages. Il s’agit de vendeurs de chaussures, de produits antiseptiques, d’épices, de sachets d’eau, de pommades, de café…
À l’intersection, les voitures s’obligent de s’arrêter. Les embouteillages à ce niveau sont les occasions pour certains vendeurs de se rapprocher des voitures. Ils courent dans tous les sens  à la rencontre des voitures pour écouler leurs produits.
À CŒUR OUVERT
Un seau sur la tête, cette jeune fille slalome entre les voitures. Habillée en robe wax et la tête couverte par un voile, elle court d’une voiture à l’autre. La jeune fille dégage un sourire tout en abordant ses clients dans les moyens de transport. Interpellée, elle se confie à cœur ouvert. « Je suis une vendeuse d’eau. Cela fait trois ans que je travaille comme ça. Je cours après les voitures pour vendre mes sachets d’eau. C’est un travail assez différent des autres. Parce que là, il s’agit de pousser le client à acheter et de lui faciliter l’accès au produit. Le passager est dans le bus ou dans les clandos, tu vas vers lui pour lui vendre un sachet d’eau. C’est facile comme travail. Parfois les clients sont assoiffés mais ne veulent pas demander un conducteur de s’arrêter pour leur permettre d’acheter un sachet d’eau. On a compris ce système de vente », affirme la jeune fille en voile.
Elle dévoile les aléas de leur travail : « Notre travail, il n’est pas donné à n’importe qui de le faire. Il faut avoir le courage d’intercepter les voitures et savoir comment éviter les voitures. Celles-ci peuvent nous heurter et passer sur nos pieds sans le faire exprès. Quelquefois, un client reçoit un sachet d’eau et le chauffeur de bus fait la sourde oreille et fonce sans arrêter, empêchant le client d payer. Des fois, il n’y a pas de monnaie, j’interpelle de gauche à droite les vendeurs à côté pour rendre la monnaie à un client ».
Notre interlocutrice, sous couvert de l’anonymat, raconte qu’elle est restée un mois sans vendre des sachets d’eau à cause un choc qu’elle avait eu sur le pied droit. Néanmoins, cette vente à la sauvette est un vrai gagne-pain.
Samba ne dira pas le contraire : il vend des produits en fonction des besoins de la population et en fonction des tendances. Pour Samba, la vente à la sauvette offre une rentabilité satisfaisante, surtout pour lui qui n’a pas de zone fixe avec une variété de produits. « Je suis un vendeur à la sauvette et j’en suis fier. Depuis que j’ai commencé ce commerce, j’arrive à m’entretenir et à envoyer une grosse somme à mes parents au village. C’est un métier très difficile pour les femmes mais pour nous les hommes,  ce n’est pas un souci. On peut courir entre les voitures. Ce n’est pas comme les travaux de bureau mais cela ne lui remporte rien. Car on en sort bien avec nos revenus journaliers que je peux estimer à 20.000 de voire 30.000 par jour », soutient Samba.
Le plus souvent Samba, se positionne vers le rond-point 26 allant vers la station de Foire. D’après lui, les voitures des richards passent par cette route. Mais « l’heure pour écouler les produits est aussi importante à savoir », fait-il savoir sans révéler le moment opportun pour bien écouler ses produits. Selon Samba, il n’y a pas de secret pour la vente à la sauvette, il faut juste du courage et savoir jauger le moment et le lieu appropriés pour se frotter les mains.
Dans les pays de l’Europe, les Sénégalais se sont fait un nom dans le domaine de la vente à la sauvette. Sous la tour Eiffel en France, ils mènent leurs activités ayant un œil sur l’arrivée de la police. Au Sénégal, ce n’est peut-être pas le cas, mais les vendeurs à la sauvette courent énormément de dangers. Cela parce que le manque d’emploi est une cause principale du sillonnement des grandes rues de Dakar par ces vendeurs à la sauvette. Sans oublier que dans les régions, cette vente à la sauvette est faite par des femmes allant de village en village pour écouler leur produit.