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Législatives : Victoire de l’absence

Législatives : Un seul être vous manque

Se battre sur la distance

pour compenser l’absence

Les absents, l’absence dans sa valeur générique, ont imposé un pied de nez à Ousmane Sonko en l’invitant à se colleter à l’essentiel. L’immense majorité de Pastef acquise dimanche lors des Législatives rejette désormais tout dilatoire. Mais les résultats devraient prendre du temps, dans une bataille sur la durée et dans la distance du temps pour compenser la longue diète du peuple sénégalais : la faim justifie l’énorme score électoral.

Avec un score de près de 70 pour cent pour un nombre de sièges élargi aux trois-quarts, Pastef a gagné sans appel les Législatives du 17 novembre dernier. Le président Bassirou Diomaye Faye a donc gagné son pari de se donner plus d’air pour ses perspectives avec la dissolution de l’Assemblée nationale le 12 septembre dernier. Wade père et fils de même que Macky Sall sont sortis deuxième des Législatives du 17 novembre, bien qu’absents. Cette absence traduit à la fois le faible taux de participation d’un peuple qui affirme ses difficultés en tournant le dos au politique et l’absence d’alternative offerte au pouvoir dans son devoir de faire face aux Sénégalais. Cette absence se vérifie enfin avec la réserve de l’Afrique qui n’a pas succombé au charme de Ousmane Sonko et semble sonner comme un appel à la prudence devant la fougue de la nouvelle génération au pouvoir appelée à compenser l’absence dans la durée. D’où une marge de conduite réduite, surtout devant les révisions de prix annoncées pour sous peu.

Si cette victoire éclatante permet au pouvoir de se retourner vers les populations fatiguées, ce sera tout bénéfice. L’engagement de faire rendre gorge se mêle cependant aux frictions notées récemment au plus haut sommet de l’Etat pour faire craindre une dispersion des forces du pouvoir devant l’urgence. Cette urgence est d’autant plus pressante que des hausses de prix plus ou moins légales sont annoncées, voire appliquées déjà sur certains produits. Les populations avaient voulu couper court à toute argumentation tournant autour d’une absence de majorité en donnant au pouvoir une avance plus que confortable.

La victoire des absents et de l’absence, la rareté, se vérifie aussi au niveau du plus ancien continent qu’est l’Afrique qui a refusé de tomber aveuglément dans les bras de Sonko le tombeur : le vieux rassure l’électeur sénégalais et africain que le dénuement pourrait prendre fin bientôt mais dans la durée, et invite à la maturité contre la fougue des jeunes, non point tant pas seulement ceux du pouvoir que celle des moins jeunes de Samm sa Kaddu et de Jamm ak Jarin. Le vote des Législatives du 17 novembre consacre les partis traditionnels coalisés et Pastef soutenu par  la foule de la campagne qui n’est pas rentrée dans les bureaux de vote et l’isoloir ;  l’abstention mais aussi l’âge des votants avec la faible concentration de l’électorat âgé ont fait craindre une chute du taux de participation avant l’arrivée des jeunes l’après-midi. Avec cette majorité des absents qui ont fait bonne figure, la victoire de Pastef est donc une invitation à compenser ce qui manque le plus à l’électeur passablement lassé par un jeu politique qui ne l’amuse plus.

Comme en janvier et en juillet 2022 avec les Locales et les Législatives, Wade aura mis du sable dans le couscous de Sonko en empêchant le grand schlem, les 150 sièges, les autres étant la part congrue du scrutin ; son alliance avec Macky Sall tend à dire que les Sénégalais ne sont pas si rancuniers qu’on le dit et que leur présence à deux importe moins que l’estime qu’on leur porte. Un seul être vous manque,…

Comment, malgré les dérapages, les manquements et les coups de gueule dus au deuil sur l’essentiel ces derniers mois les Sénégalais ont quand même plébiscité Sonko ? Le génie de l’électeur est apparu dès le lendemain du scrutin dans les entretiens de rue lorsqu’il répond au candidat de Pastef : “Tu as voulu voir Paris, on a vu Paris”. Autrement dit, les plaintes et complaintes du Premier ministre sur les limites imposées par l’absence de majorité ont d’abord trouvé un début de réponse avec la dissolution de l’Assemblée mais une solution radicale le 17 novembre avec le raz-de-marée en faveur du candidat Ousmane Sonko, président et tête de liste  de la formation Pastef.

Le scrutin de dimanche dernier est donc un véritable pied de nez à Ousmane Sonko pris à son propre jeu : désormais, l’absence n’a plus sa raison d’être puisque le gouvernement a maintenant les coudées franches. Les rumeurs sur de nouvelles augmentations posent cependant problème.

 

Pathé MBODJE