Législatives : Kramer Vs Kramer
Droits et libertés
Sonko vs Sonko
Confronté à lui-même à travers Cheikh Yérim Seck, Bougane Guèye Dani, Ahmet Suzanne Camara, le Commissaire Keïta et autres, le pouvoir a démontré ce qu’il a fait dans l’opposition et qu’il n’a pas su supporter : la critique, la réserve, la distance, la contradiction.
Le Sénégal s’est ainsi retrouvé une prison à ciel ouvert avec la convocation tous azimuts et parfois la mise sous dépôt pour délit d’opinion. Ahmet Suzane Camara et le commissaire Keïta ont eu moins de soutien populaire que ces journalistes et chroniqueurs auto-proclamés qui ont attiré l’attention internationale sur un pays déjà sous dérive autoritaire ; la résistance entre 2021et 2024 participait plus de la guérilla urbaine concrétisée par le double départ de Macky Sall qui renonce à briguer un mandat et négocie à sortie avec ses otages.
Le droit de résistance à l’oppression est un droit constitutionnel par le fait de son inclusion dans le préambule de la Constitution (CC 23 juin 1993). L’exercice de ce droit n’est pas organisé par la loi, encore moins par le règlement. Pourtant, Ousmane Sonko a résisté et appelé à la résistance parce que c’était constitutionnel…et avec succès, au-delà des dommages collatéraux et des mouvements Pastef qui veulent reprendre service sous le nom de “prisonniers politiques” -Force spéciale et Mouvement Pastef.
Le pouvoir s’est jugé lui-même avec le vaudeville de début octobre quand les incriminés ont été relaxés de toute poursuite.
Certains ont voulu présenter comme une désescalade ce recul sans en mesurer la portée sociale et les conséquences politiques probables, surtout en faisant semblant de croire à une volonté d’apaisement de celui qui s’est présenté avec le couteau entre les dents, jurant de faire payer jusqu’à ceux qui ont travaillé à sa radiation de la Fonction publique. Battu hier en Cour, Ousmane Sonko cherche sa revanche aujourd’hui. Et il aura beaucoup perdu : la société sénégalaise a semblé un moment se plaire au tour devis imposé et la presse elle-même semblait ployer sous la censure et l’auto-censure ; la distanciation sociale source de réification s’est réduite devant le comportement empesé de ceux qui n’avaient manifesté aucune considération pour une autorité, qu’elle soit temporelle, morale ou spirituelle… et qui révèlent, par des convocations intempestives à la Division des Investigations criminelles, que l’heure du rendez-vous à Ok Corral a sonné.
Ousmane Sonko a un sérieux problème de gestion du temps et de l’espace social depuis qu’il est apparu sur la scène publique à la faveur de l’affaire Tahibou Ndiaye. Les affaires de gorge profonde et “d’agenda” ont révélé un homme surdimensionné se voulant primus inter pares à tout prix dans une perspective manichéenne qui fait de l’homme le seul et unique Élu. D’oû la grosse faille dans son système de communication.
Il va aux élections, après s’être courageusement enfermé depuis la planète mars : il va vers la parole libérée d’une population sidérée par ces six mois d’alternance, laborieuse à force de privations et à l’esprit débordant d’imagination. Sonko fera face à Sonko, son principal challenger.
Pathé MBODJE