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Le « rérou tamkharit» vide de sincérité

Achoura

Le « rérou tamkharit», une tradition de nulle part bien adoptée au Sénégal

L’acte est vide de sincérité, selon certaines femmes

La fête d’Achoura célébrée le 10ème jour du mois de Mouharam est une occasion pour les secondes épouses de réclamer leur “rérou tamkharit” aux premières dames. Loin des recommandations de l’Islam, cet acte repose sur la conservation de la tradition. Malgré son caractère traditionnel, le rérou tamkharit est vu d’une manière relative car certaines femmes l’adoptent du fait qu’il constitue un moyen d’instaurer la paix et une complicité entre la première et la deuxième femme. Pour d’autres, l’action manque de sincérité.

 

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

 

 

Le rérou Tamkharit est une tradition très ancienne ; elle a été perpétuée de génération en génération. Le rérou Tamkharit traduisant le dîner d’Achoura consiste pour la deuxième épouse à réclamer une somme, des légumes, du riz ou quelque chose pouvant server à la préparation du dîner d’Achoura.

La seconde épouse demande à sa coépouse qui n’est personne d’autre que la première femme de son mari de quoi préparer un bon couscous pour la famille. L’idée de cette tradition est de raffermir les relations existantes entre la première et la seconde épouse pour instaurer un climat de paix entre elles.

Tahirou Lam, une femme conservatrice, en dit plus. La quarantaine a grandi avec sa grand-mère originaire du Saloum. Tout ce qu’elle sait de cette tradition est un legs que sa grand-mère lui a laissé.

Pour le rérou Tamkharit,Tahirou Lam nous explique le procédé : “Le rérou est le fait que la niarel, deuxième épouse qui reçoit quelque chose, que ça soit de l’argent ou du mil, de la part de la Awo, la première femme. Si c’est de l’argent, la deuxième femme l’utilise pour acheter les éléments qui accompagnent le couscous de la Tamkharit” avance Madame Lam, une femme divorcée. Notre interlocutrice fait savoir que l’objectif de cet acte est de fluidifier les liens qui existent entre les deux épouses.

Son avis est confirmé par une deuxième femme du nom de Fama Bâ, Madame Sall. Fama est niarel depuis 8 ans. Elle entretient une belle complicité avec sa coépouse. Cette dernière, n’ayant pas d’enfants, est consolée par Fama qui a décidé de lui donner ses enfants. « je ne vis pas avec la première épouse de mon mari mais nous avons de bonnes relations c’est d’ailleurs elle qui a la garde de mes deux enfants ».

Fama explique que la tradition du rérou Tamkharit est venue consolider cette relation de paix qu’elle avait avec la première femme : « La tradition du rérou Tamkharit a encore solidifié nos liens de grande sœur et petite sœur. Pour moi, cette tradition est à maintenir. Il faut la perpétuer car c’est un moyen pour les coépouses de mettre la paix et l’harmonie en avant. Le fait juste de se taquiner et de rigoler ensemble fait beaucoup de bien à notre mari. Et ça le rassure ».

Contrairement à Fama, Myra une niarel juriste, pense que cette tradition de rérou Tamkharit n’est plus comme avant car elle est vide de franchise. « De nos jours, le rérou Tamkharit est truffé d’hypocrisie, elles le font à contrecœur. Parce que ça leur est imposé par la société et la famille conservatrice. Le fait que l’on dise que cela raffermit les liens n’est que superficiel dès lors dans le fond ; c’est un acte qui n’est pas sincère ». Pour Myra, il est hors de question d’aller chez la première épouse de son mari pour quémander le rérou Tamkharit. Elle est persuadée que l’acte aura la forme mais ne sera couvert que par des simulations.

Cette tradition du rérou Tamkharit avait un sens : sachant qu’un climat de paix entre les deux épouses n’était pas toujours évident, la tradition du rérou Tamkharit venait provoquer une situation qui les (épouses) obligeait à interagir. Même si cette tradition ne repose pas sur le farata ou la sunna, elle peut être accepter par la logique et le bon sens.

Khadidiatou GUEYE Fall