GMT Pile à l'heure, Génération Média&Technologies,la ligne du Devoir.

« Une ligne éditoriale très soixante huitarde, une approche iconoclaste sur fond de culture humaniste ».

Le Maroc, entre l’Atlas et le Sahel

L’AES¹ se tourne vers le Maroc

Le passage par le Maroc pour les importations et exportations des pays de l’AES n’est pas réaliste ni politiquement ni économiquement, eu égard au différend algéro-marocain sur le Sahara occidental.

Dans un écrit récent, l’homme politique sénégalais Mamadou Diop Decroix a évoqué la rencontre entre le Roi du Maroc et les chefs des États de l’Alliance des États du Sahel au cours de laquelle l’accès à la mer pour ces pays enclavés a certainement été évoqué. Ce texte de M. Diop appelle des observations dont celles-ci.
Le passage par le Maroc pour les importations et exportations des pays de l’AES n’est pas réaliste ni politiquement ni économiquement.
La démarche du Maroc est à situer dans la stratégie des pays du Maghreb arabe qui, comme on le sait, est sans perspective eu égard au différend algéro-marocain sur le Sahara occidental ; ces pays du Maghreb arabe ont comme objectif commun d’enfoncer des coins entre les États membres des organisations d’intégration régionale et sous-régionale.
Par ailleurs, il serait irréaliste de ne pas prendre en considération la difficulté majeure que serait la traversée d’une partie du territoire mauritanien. En effet, on voit mal ce pays participer à une initiative qui, très certainement, serait contrée par l’Algérie.
Il faut considérer la situation actuelle comme conjoncturelle, due essentiellement à la maladresse diplomatique des autorités sénégalaises de l’époque qui ont ignoré un principe et une constante de la diplomatie : établir et préserver des relations paisibles et harmonieuses avec ses voisins et partenaires importants.
Comment est-ce qu’un dirigeant sénégalais pouvait-il envisager, ne serait-ce qu’un instant, la participation à une opération militaire contre son voisin malien avec lequel le Sénégal aurait pu constituer un seul et même pays si la conférence des États colonialistes européens ne les avait pas séparés lors de conférence de Berlin et surtout s’il n’y avait ce choix fait par la France pour administrer les territoires sous sa domination ?
La culture historique est importante pour tout dirigeant d’un pays. La condition sine qua non de création de courants d’échanges est, outre la paix et la sécurité, l’existence de voies de communications. Le choix le plus pertinent est certainement le chemin de fer.
A ce sujet, la Chine a mené à bien des projets en Angola et en Éthiopie. Pour ce dernier pays, la longueur de la voie est d’environ 1.300 km, soit pratiquement la distance Dakar-Bamako. Il s’agit de projets complets, de vrais systèmes ferroviaires avec les voies, les gares, le matériel roulant, les ateliers de maintenance, la formation technique et commerciale, etc… Et tout cela à des coûts très raisonnables à, à peu prés, 1.200 milliards fca des 35 km du TER sénégalais.
Les autres modes pourraient suivre, notamment les routes, les voies navigables et pourquoi pas les caravanes pour l’atteinte des zones où ces options ne seraient pas applicables. Ce genre de projets portés par le Sénégal et les États de l’AES pourrait être favorablement accueilli par un partenaire comme la Chine.
A propos de transport aérien, il n’y a pas d’avenir en dehors du regroupement, à l’instar de ce qui avait été fait avec Air Afrique.
Les compagnies qui semblent être des modèles ne sont en réalité que des pavillons de complaisance avec, dans chaque cas, un transporteur extérieur à la région, lequel est le véritable opérateur technique et commercial.
Au dirigeants sénégalais d’être proactifs et de ne pas laisser l’initiative aux Maghrébins. Il ne faut pas laisser des États, certes africains, nous diviser et compromettre nos relations de bon voisinage avec le Mali, le Burkina et le Niger, même si, avec ce dernier, nous n’avons pas de frontière commune.

Ababacar Sadikhe DIAGNE,

Ancien élève des classes préparatoires aux Grandes écoles;
Ingénieur diplômé de l’ENAC, École
nationale de l’Aviation civile, Toulouse, France, et du MIT Massachusetts Instutute of Technology, Cambridge, USA

1) AES : Alliance des États du Sahel