Keur Marème Mbengue, l’épine de la Rose
Environnement & Société : Une vie loin de la Rose à Lac Rose
Keur Marème Mbengue, un quartier marginalisé à Dakar
Des zones enclavées difficiles d’accès, de routes non goudronnées et sans éclairage, un manque d’infrastructures sanitaires et scolaires, l’accès à l’eau potable et à l’électricité absents, un tas de problèmes que rencontrent les habitants de Keur Marème Mbengue, un quartier situé aux alentours du lac Rose. Vivre Keur Marème Mbengue constitue un vrai parcours de combattant.
Par Khadidiatou GUEYE Fall,
Cheffe du Desk Société
Lac Rose sonne comme un site touristique paradisiaque pour certains Sénégalais. Mais il faut être sur les lieux pour jauger la situation de cette zone située à l’autre bout de la région de Dakar. A 7 km du village artisanal, des citoyens y ont installé leur quartier dénommé Keur Marème Mbengue, du nom de la première personne à s’y être installée avec sa famille en 2000.
Le quartier de Keur Marème Mbengue se retrouve entre le Lac Rose, la mer et Deni Guedj.
Très proche de la mer, les habitants de Keur Marème Mbengue auraient pu avoir la facilité de se déplacer grâce à une sortie et le prolongement de la Voie de Dégagement Nord 3 qui tarde à reprendre les travaux depuis Tivaouane Peulh. Pour sortir de la localité, un seul itinéraire s’offre à l’unique ligne de transport en commun urbain , la ligne 85.
Les habitants de Keur Marème Mbengue peinent à se rendre à Deni, à Tivaouane Peulh ou à Bambilor. Pour ces localités, la marche à pied est le seul moyen pour s’y rendre.
Mami Seydi est une jeune fille en classe de troisième. Elle a failli abandonner les études à cause de son orientation au Cem de Deni, à plus de 5 km de Keur Marème Mbengue. Mami a du redoubler la troisième à cause d’un trajet insoutenable par son état de santé. “L’année passée, j’avais suspendu mes cours à cause du trajet. C’était nouveau pour moi qui habitais près d’une école privée à Keur Massar. Quand nous avons déménagé à Keur Marème Mbengue, le seul Centre d’Enseignement moyen (Cem) qui existait se trouvait à Deni. Après une semaine de cours avec 1h30mn de durée de trajet aller et retour, mon corps ne pouvait plus supporter“, nous raconte Mami qui finit par être hospitalisée à Fann. C’est ainsi qu’elle décida de suspendre ses cours de la classe de troisième en 2023.
Cette année, elle se fait un challenge de réussir après le décès de son père le seul soutien de sa famille : Mami se lève à 5h pour quitter à 6h30 afin d’arriver à l’école vers 08h15. “Nous sommes nombreux à vivre cela, aucune voiture ne veut se porter volontaire de transporter les élèves vers Deni parce qu’il y a pas de route praticable. Même les charretiers refusent nos offres d’abonnement“, affirme-elle.
Pour Mami, il faut être courageux et persévérant pour tenir ce trajet. Elle confie qu’à son retour à la maison, elle rencontre tous les problèmes du monde pour se concentrer sur ses cahiers à cause de la fatigue: “Dès que je prenne mon cahier pour apprendre mes leçons ou faire mes exercices, je commence à m’endormir”.
En grande partie, la cause de la situation de Mami comme celle de tant d’autres élèves de Keur Marème Mbengue, c’est le manque de routes et d’infrastructures scolaires. Ce quartier ne dispose que d’une seule école élémentaire qui n’est d’école que de nom : des salles de classes sans portes ni toitures, avec des élèves qui apprennent sous le soleil chaud.
Mère d’un élève en classe CI, cette dame sous couvert de l’anonymat fait savoir que la classe de CI dépasse le nombre acceptable d’élèves. “Ils sont plus de 120 élèves en classe de CI et il y a certaines classes qui n’ont pas encore d’enseignants”.
Notre interlocutrice souhaite amener son fils dans une école privée mais les moyens font défaut. Keur Marème Mbengue ne dispose qu’une seule école privée ; l’autre école privée se trouve à la sortie du Lac vers Niague.
Cette même situation est vécue par les femmes battantes qui, par manque d’entreprises pouvant les recruter, se lancent dans le commerce. “Il n’y a aucune structure ici, même avec plusieurs diplômes, si tu n’entreprends pas, tu risques de rester femme au foyer alors que les temps sont durs. C’est pourquoi, certaines parmi nous font le commerce. Elles se lèvent à 4 heures du matin et reviennent vers 10 heure pour pouvoir vendre leur produit, légumes et poisson“, atteste le parent d’élève. Cette dernière dénonce les conditions de transport : “Pour sortir ou entrer à Keur Marème Mbengue, il faut être fort : les routes sont tellement cahoteuses que beaucoup de femmes y ont perdu leur bébé avec des fausses couches dues aux secousses”.
L’accès difficile à Keur Marème Mbengue est sans doute l’un des facteurs ralentissant l’accès à l’eau potable et à l’électricité. Dans certaines zones comme une localité appelée Dalanda, la population souffre de l’absence de l’électricité et de l’eau ; les femmes utilisent l’eau des puits et des forages installés par des Ong.
A ces problèmes de manque de routes praticables, d’accès à l’eau potable, d’accès à l’électricité, s’ajoutent le manque de personnel suffisant pour le poste de Keur Marème Mbengue et l’absence d’un service pharmaceutique aux alentours. Ceci oblige les habitants à frôler 7 kilomètres pour arriver à la pharmacie de Niague et se procurer de médicaments.
Ces populations désespérées demandent aux autorités une prise en main urgente de cette situation difficile constatée dans une partie de la capitale Dakaroise.
Khadidiatou GUEYE Fall