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Idrissa Seck: Rêve brisé Dossier réalisé par Habib KÂ, Chef du bureau régional de Matam, Thilogne

Prophète factice, Idrissa Seck quitte la scène à 63 ans, pour verser dans l’ésotérisme ; il aura tout hérité de Wade sauf la témérité, la froideur, le stoïcisme, l’intelligence des négociations et concessions

Après une si longue absence du territoire, du climat de suspicion et de doute qui s’en est suivi, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait l’obligation d’expliquer aux citoyens la raison de son séjour et, s’il y’a lieu, éclairer leur lanterne comme il est de mise dans toute République démocratique du monde.

Président de la quatrième institution de la République, après trois mois d’absence, le  candidat arrivé deuxième à la Présidentielle de 2019 avait envers ses administrés et compatriotes le devoir d’informer ceux-ci des raisons de son absence, des frais qu’auraient coûté aux contribuables sa prise en charge médicale ainsi que son séjour à ce prestigieux hôtel Warwick de Paris, près de l’avenue des Champs Élysées, pour se soumettre à la transparence dont il avait fait un des thèmes majeurs de sa campagne.

De cela, que nenni : Idrissa Seck, comme à ses habitudes, a préféré centrer son speech sur sa personne pour déclarer urbi et orbi qu’il se retirerait définitivement de la scène politique dans dix mois.

Qu’Idrissa Seck veuille se retirer de la politique comme Senghor, c’est son choix. Le poète avait senti le souffle de l’insoumission et de la contestation suite aux effets annonciateurs d’une crise drastique. Et c’est contraint qu’il avait programmé de quitter le pouvoir et ses fastes, après avoir soigneusement préparé et armé son dauphin, et lui avoir fait bénéficier, par la magie de l’article 35 de la Constitution, une transition de trois ans.

Senghor l’avait fait en toute discrétion, sans tambour ni trompette, un 31 décembre 1980 dans son traditionnel discours de Nouvel An adressé à la Nation, à la surprise générale de ceux qui n’avaient pas le privilège de ouïr les indiscrétions qui émanaient des murs du palais de l’avenue Roume.

Idy a sa conception singulière de la communication faite de chiffres, de lettres, de symboles et autres signes ésotériques. Ainsi donc pour le président de Rewmi, c’en sera fini de la politique le 09 août 2022,  jour de son anniversaire, où il soufflera 63 bougies, âge de la disparition du prophète Mohammed (Bénédiction et salut soient sur Lui).

La comparaison est factice : Idy n’est pas prophète. Si 63 ans, ce sera son âge de retraite politique, 63 ans fut la fin de la mission sur terre de l’Envoyé d’Allah (SWT), l’Intercesseur des croyants le jour de la Résurrection. Lui, Idy, si Dieu lui accorde une bonne santé, il continuera de vivre une vie dorée en profitant des avantages générés par ses responsabilités politiques pour avoir géré les fonds de campagne de Me Wade, été élu député, maire, président de Conseil départemental de Thiès et nommé ministre du Commerce, secrétaire général de la présidence, Premier ministre, président  du CESE.

Dans dix petits mois, Idy ne sera plus candidat à un poste électif ni demandeur d’une nomination. Peut-il être cru sur parole, lui qui a habitué les Sénégalais aux reniements, aux négociations secrètes aux moments les plus inattendus. Dix mois, bien des choses pourraient advenir dans le champ politique et le “fassatouma yeene” hors-jeu.

Rêve brisé pour n’avoir pas eu l’endurance, la pugnacité, le courage et la détermination de son tuteur, protecteur et bienfaiteur, l’opposant intransigeant au socialisme senghorien et dioufiste. Le père du libéralisme, malgré son âge très très avancé, continue encore d’imprégner et d’impacter avec ses dernières énergies le cours politique. Pour ce guerrier intrépide, qui n’a aucune autre identité remarquable que la politique, qui jouit encore de toutes ses facultés, comme un jeune vert, la politique n’a pas de répit, de retraite. Idrissa Seck a tout hérité du père sauf la témérité, la froideur, le stoïcisme, l’intelligence des négociations et concessions.

L’avenir de Rewmi après les départs forts regrettables et qui ne sont pas sans conséquences de Thierno Bocoum, de Abdourahmane Diouf, de Déthie Fall pour ne citer que ceux-là, qu’il a fait quitter  du seul fait de ses choix unilatéralistes, discriminatoires, favoritistes se dessine désormais en pointillés, un navire qui prend chaque jour de l’eau, enregistre des démissions fréquentes.

Loin de consolider le parti et répartir équitablement les responsabilités, préparer la relève et céder la voie à la jeune génération, Idy a tout chamboulé, tout déconstruit, peut-être inconsciemment.

Il allait bien négocier sa sortie, ne pas laisser Rewmi se disloquer et le reste des membres échouer sur les berges marrons-beiges, à quelques encablures de trois rendez-vous électoraux déterminants auxquels toute organisation politique rêve d’y être présente pour redorer son blason et se refaire une santé politique.