Fadilou Keïta : A Star Is Born
Fadilou Keïta
Le cave se rebiffe
Au contraire d’un Ousmane Sonko qui conteste tout en demandant le respect dû au président de la République, Fadilou Keïta veut un dû à l’esprit et à la philosophie Pastef. Une nouvelle étoile ?
Ni Diomaye, ni Sonko n’ont trouvé grâce à ses yeux, lui nommé directeur général de la puissante Caisse de Dépôt et de Consignation : Samba Ndiaye d’abord, en octobre, Aoua Ly ensuite, en début d’année, ont révélé un homme de caractère là où on se perdait en conjectures entre un exécutant ou un exécuteur. Certes, il n’y a ni épaisseur physique ou morale avec cet air de petit yankee new-yorkais quand la référence reste la mère, quand, comme naguère gauchissant, les enfants se référaient à Marx et à Coca Cola, quand « le fond de l’air (était encore) rouge ». Mais la conviction y est, forte, inébranlable, dans un lyrisme capable de faire naître une nouvelle étoile si le rêve du début anime toujours une frange importante des patriotes de Pastef.
S’il a émis sur la même longueur d’ondes que Sonko dans l’affaire Samba Ndiaye, il est resté droit dans ses convictions dans le dossier « Aoua Ly » : c’est non, au nom du Projet, quelle que soit la supplique du Premier ministre et au nom de tous les miens. Alors que Ousmane Sonko dit non tout en demandant le respect dû au président de la République seul apte à nommer aux fonctions, Fadilou Keïta renvoie à l’idéologie pour laquelle nombre d’individus ont cru et qui leur a été fatale. Pourtant tous deux arrivent au même résultat d’un recul qui ne dit pas son nom quand le parallélisme des formes n’est pas respecté, en tout cas pour Samba Ndiaye.
« Qui parlait de Projet ? Au-delà de nos erreurs, ce qui s’est passé hier me semble extrêmement grave pour la viabilité du «Projet » pour lequel nous nous battons. Ce «Projet» ne peut pas se résumer à la seule personne d’Ousmane Sonko même s’il en est le porte-étendard. Nous nous sommes tous battus avec la même dignité, la même ferveur et avec une implication parfaite ».
Une tentative de sauver la face serait la position rappelée en l’occasion par Ousmane Sonko himself, qui oublie cependant le parallélisme des formes :
À la mode du pays : « Personne ne peut sortir un papier signé par le président de la République Bassirou Diomaye Faye et contresigné par moi, Ousmane Sonko, en tant que Premier ministre concernant ce cas-là » 05-01-25
Voici comment tout a commencé :
On lui aurait donné le bon Dieu sans confession : son air chérubin le présente sous un look d’innocent que son aspect de voyou renforce avec un duvet plus prononcé, comme blanchi sous le harnais. S’il a connu le chemin de croix de la plupart des cadres de Pastef sous Macky Sall, la récompense sera au bout de l’effort, qui ne saurait cependant le compromettre ; il l’a en tout réaffirmé dans l’affaire Aoua Ly quand il donne la primauté à l’idéal pour lequel il s’est battu auprès de compagnons aujourd’hui disparus et pas aux sucettes.
Certes, avec cette allure de fier-à-bras durant la campagne électorale pour les Législatives du 17 novembre, Fadilou Keïta ressemblait plus à un simple exécutant qu’à une tête pensante : directeur de campagne, il semblait plus s’occuper de la sécurité de la tête de liste que de stratégie. Surtout quand, après les incidents de Koungheul, on le voit courir après les agitateurs, ce qui rappelle un peu l’affaire Benala sous Macron, en France.
Le choc des Législatives anticipées a resserré les rangs d’une meute séduite moins par une idéologie ou un Projet que par cet esprit boul Falé de contestation, de débrouillardise, de volonté de survie à tout prix, du struggle for life. La victoire achevée ne résout cependant pas les questions qui restent encore sans réponse dans l’utilisation à faire des moyens mis à disposition. Les contestations d’avant et d’après novembre s’accumulent devant un mal vivre devant lequel le pouvoir semble sans réaction. C’est là que des hommes comme Fadilou Keïta coulés dans un moule plus idéal-typique à la Weber peuvent légitimer leur activité politique. Une nouvelle étoile serait-elle née ?
Pathé MBODJE