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Espace politique en berne: Macky Sall tient-il son opposition ?

Cette incongruité consistant à supprimer le poste de Premier Ministre et à faire du titulaire à ce poste, le secrétaire général de la présidence expose davantage le Président de la République à la critique et à laisser place à une centralisation excessive et étouffante du pouvoir, débouchant sur des urgences sociales non résolues. Aussi paradoxale que cela puisse paraître, cette situation inédite n’a pas permis à l’opposition de se replacer dans le jeu politique et pire, Macky Sall est en première ligne et à toujours l’initiative politique. Cela s’explique par le fait que les partis traditionnels qui se disputaient le pouvoir sont dans des postures plus que difficiles. Certains alliés du camp présidentiel n’hésitent pas à mettre cela sous le compte du « génie politique de Macky Sall » vu que, aussi bien ses alliés que ses adversaires naturels les plus redoutables ont du mal à imprimer leurs empreintes sur la nouvelle configuration politique. Il faut dire que le génie politique existe dès lors qu’on parle d’art politique : on ne saurait, par conséquent, concevoir un homme politique qui accède au pouvoir sans aucun génie politique.

L’ « habileté politique » de Macky Sall aura consisté à exploiter sans état d’âme toutes les opportunités qui s’offrent à lui pour « tenir » son opposition : reddition des comptes avec la réactivation de la CREI, neutralisation de ses adversaires, diabolisation de son prédécesseur, infiltration de ses propres alliés, organisation d’un dialogue politique, une composante du dialogue national, mais qui, dans la pratique et dans son format semble à bien des égards une instance de manipulation de l’opinion permettant au pouvoir, critiqué par ses pratiques autoritaires et ses scandales ) répétition de reprendre son souffle à chaque fois qu’il en perd. Sous ce rapport, tout porte à croire que Macky Sall, s’est fixé des objectifs et a mobilisé la logistique politique requise pour anticiper et mettre en échec les coups fatals de la minorité. A l’inverse, cette situation s’est présentée à Wade qui, jouant dans la provocation et l’intimidation, est allé jusqu’à se demander s’il avait une opposition. Mais Wade n’avait pas intégré dans son schéma la mobilisation de la jeunesse et le réinvestissement de la scène politique par la société civile. A la différence de Wade, Macky Sall doit faire face au développement spectaculaire des réseaux sociaux qui sont, par excellence, aujourd’hui le lieu d’émergence d’un espace public où s’opèrent des échanges ouverts, à même d’engendrer une opinion publique qui devient un moyen de pression des citoyens face au pouvoir de l’État. Avec les réseaux sociaux, la dispersion du leadership politique et le discrédit qui frappe les politiciens professionnels font que tous les citoyens sont nantis du même art politique ; et qu’ils ont les mêmes chances d’influer sur la marche de la communauté.

 Baye Saliou THIAM