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Education : Attention au nationalisme pédagogique

Système éducatif, langues nationales et étrangères

Attention à un nationalisme pédagogique

Séduisant à prime abord, il peut être inconsistant du point de vue résultats

Le nouveau pouvoir devrait être prudent et tempéré avec les initiatives pédagogiques à propos notamment des Daaras, l’enseignement de l’Anglais dès l’école primaire etc… Les erreurs dans l’Education peuvent avoir des conséquences dommageables et durables sur des générations. En la matière, le réalisme et le pragmatisme sont de loin préférables à un nationalisme pédagogique séduisant à prime à abord mais inconsistant du point de vue résultats.
Un jour, j’étais avec un Tanzanien, étudiant comme moi au Center for Advenced Engineering Studies du Massachusetts Instutute of Technology (MIT) à qui je disais mon admiration pour le président Julius Nyerere; lequel a eu à engager beaucoup de réformes nationalistes notamment dans l’enseignement et l’économie de la Tanzanie.

Sa réaction m’a surpris : il ne partageait pas du tout mon point de vue. Il m’a alors dit que ces initiatives ont abouti à des échecs avec des effets dramatiques sur des générations en ajoutant qu’un pays n’était pas un laboratoire d’expérimentation ni les élèves des cobayes pour des aventures pédagogiques. Sa remarque m’est restée dans les souvenirs et je m’interroge encore s’il avait réellement tort sans avoir de réponse définitive.
Madagascar a utilisé sa langue nationale pour l’enseignement cependant cette option s’est montrée limitative quant à la poursuite des études au niveau universitaire et notamment à l’étranger. Aussi une certaine modération a-t-elle fini par y être introduite.
La proposition du regretté professer Iba Der Thiam de s’appuyer sur les “arabisants” pour dispenser dans l’enseignement public primaire et secondaire des cours sur la religion musulmane avait soulevé l’ire de ces derniers. Pourtant, à y regarder de plus près, cette proposition répondait de manière pratique et avec bon sens à une préoccupation de la très forte majorité de parents d’élèves et serait un débouché pour l’emploi de ces compatriotes. Cette proposition serait à remettre à l’ordre du jour et semble être meilleure que l’introduction de l’enseignement de l’Anglais dès l’école primaire.
L’Etat peut et certainement doit s’impliquer dans la recherche de solutions aux multiples problèmes qui se posent dans ces centres de formation religieuse que sont les Daaras. Il faut reconnaître qu’ils ont joué et jouent encore un rôle important dans le calibrage moral de beaucoup de jeunes, outre les opportunités pour les plus doués auxquels ils offrent des débouchés vers l’érudition islamique, laquelle jouit d’une grande considération chez-nous.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue le caractère sensible et délicat de la problématique des Daaras. Certes, certaines questions comme l’hygiène, la protection contre les violences subies par nombre de talibés, la mendicité méritent une intervention de l’Etat pour leur trouver des solutions. Cependant, vouloir imposer la rigueur pédagogique en vigueur dans l’enseignement formel des écoles publiques de langue française serait une initiative qui ferait face à beaucoup de difficultés pouvant dériver vers des polémiques déstabilisatrices de notre paix sociale.
Les Daaras seraient à l’éducation ce qu’est le secteur informel au commerce et à l’industrie. Alors ce ne serait pas une perte de temps de bien analyser ces questions avant d’agir et de donner du temps au temps.

Ababacar Sadikhe DIAGNE,

Ancien élève des classes préparatoires aux Grandes écoles,
Ingénieur diplômé de l’ENAC-Toulouse, France, et du
MIT Cambridge, USA.