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La Ligne du Devoir

Dossier-Diouf : Le bureau plutôt que le terrain

 

 

La marche politique du Sénégal

L’illusion de souveraineté…

Partie 2

 

Abdou Diouf

Gérer à partir

du bureau,

non du terrain social

Par El Hadji Ibrahima NDAW

Abdou Diouf qui succède à Senghor, est un fonctionnaire de métier. Après des études secondaires au Sénégal, il poursuit sa formation en France et sort major de l’Ecole nationale de magistrature de la France d’Outre-Mer. De retour au bercail il est nommé Gouverneur de la région du Sine Saloum, ensuite Ministre du Plan dans le gouvernement de Senghor, puis Premier Ministre. Voilà un homme qui n’a jamais chômé et qui a été toujours pris en charge par l’administration. On ne reprochera pas à un pareil homme de gérer les pulsions sociales à partir de son bureau et non à partir du terrain social, donc avec le cœur. Abdou Diouf n’a pas la même vision du monde rural que Senghor.

Il est intelligent, courtois–il répond toujours au courrier qu’on lui adresse–, discipliné. Abdou Diouf président de la République est décrit comme un homme de dossier, mais aussi comme un fin manœuvrier. La phobie du retour aux affaires de l’ancien président et de son entourage le hantera longtemps, au point qu’il entamera un processus de mise en place d’un gouvernement technocrate. Il y mettra fin dès sa seconde législature sous la pression de Jean Colin qui monte en puissance. Il prend des décisions sur le plan de la démocratie en favorisant la création de parti pour tout citoyen qui en fait la demande. Certains rapportent que c’est pour mieux diviser, en pensant amenuiser l’impact qu’avait sur le peuple Maître Abdoulaye Wade, secrétaire général du puissant Parti démocratique Sénégalais –PDS–. Pendant ce temps, le peuple vit de plus en plus mal. Toutes les attentes nourries envers le parti au pouvoir s’effritent progressivement, l’idéologie socialiste, mal définie, n’a pas réussi à endiguer le mal vivre sénégalais, la ” désenghorisation ’’ est visible partout, l’effervescence sur le front social est palpable.

Les plans d’ajustements structurels successifs et la dévaluation du franc CFA ont fini de laisser au peuple le goût amer d’une politique non pensée, même si par ailleurs le Sénégal fait figure de démocratie avancée.

De temps à autre, Abdou Diouf favorise ” l’entrisme ’’ dans son gouvernement des éléments du principal parti politique, le Parti démocratique sénégalais et d’autres opposants. Maître Wade accepte, non pas convaincu, mais pour deux raisons principales. La première des raisons est qu’il a besoin de liquidités pour assurer le fonctionnement de son parti. La deuxième raison est qu’il veut faire passer quelques idées sur la gestion du pays. Ces entrées de l’opposition se renouvelleront régulièrement entre les élections présidentielles, tout au long des mandats d’Abdou Diouf.

Le parcours d’Abdou Diouf sera parsemé aussi de nombreuses crises dont notamment : les multiples ajustements structurels, la dépréciation du franc CFA, la sanglante crise avec la Mauritanie entre autres.

Par contre, c’est en 1982, une année après sa première investiture, qu’Abdou Diouf sera confronté à sa plus grande crise identitaire, une crise mal gérée à l’origine : un groupe de Casamançais, prenant prétexte de revendications foncières, principalement, et de mépris culturel par l’autorité administrative locale, entre en fronde et installe la région dans une situation de rébellion armée. Bien plus tard, sur proposition de Maître Abdoulaye Wade, Abdou Diouf dépêchera en Casamance Marcel Bassène–Paix à son âme–, un responsable politique PDS, négocier les conditions d’un cessez-le-feu.

 Marcel Bassène est de l’ethnie diola. Il est né en Casamance, à Essyl, et y a fait ses études jusqu’au baccalauréat. Il intègre ensuite l’Université de Dakar pour des études en mathématiques, qu’il terminera en France. Diplôme en poche, il rentre enseigner comme professeur à Thiès, puis assistant à l’université de Dakar. Sollicité pour entrer en politique, il choisit, après beaucoup d’hésitations, la carte du PDS. C’est un homme doté d’un courage qui frise souvent la témérité : il avait toujours mené un combat pour la démocratie et la justice sociale, pour la paix et la concorde. Il avait une grande force, une force extraordinaire pour désamorcer les conflits et crises les plus aigus.

Ses qualités ont été déterminantes dans le choix porté sur lui par son parti et par la nation sénégalaise, pour entreprendre en Casamance une médiation en faveur de la paix. C’est lui qui, à travers forêts et rivières, malgré les mises en garde de ses parents et amis, avait bravé tous les dangers et était allé, au mépris de sa vie, à la rencontre des combattants du MFDC, jetant ainsi les premiers jalons de la paix au grand soulagement de toute la nation. Malheureusement, pour avoir été par la suite mal géré, le conflit ne s’éteindra pas et dure jusqu’à maintenant. Une crise qui a servi de lit à toutes les exactions meurtrières. Et le processus échappera progressivement à Abdou Diouf.

C’est également en 1988, au plus fort de la crise identitaire en Casamance, qu’Abdou Diouf sera confronté à la plus éprouvante agitation sociale et en 2000, il perdra la confiance des sénégalais qui voteront pour son grand rival de toujours, Maître Abdoulaye Wade.

Il faut également reconnaître à Abdou Diouf d’avoir ouvert le multipartisme intégral, dont les effets néfastes se font sentir aujourd’hui à travers une cacophonie sans nom. Le processus ne sera jamais remis en cause. En 2012 le Sénégal compte environ 206 partis politiques pour une population de quelques 12 millions d’habitants. Malgré ce succès et son image d’élève appliqué auprès des institutions internationales, il est contesté dans son parti et dans la société elle-même.

Les hommes d’Abdou Diouf :

Jean Collin qui, après avoir servi Senghor, s’est réellement affirmé sous Abdou Diouf. Il fait et défait les ministres. Il a une gestion de l’Etat qui rappelle quelque peu le bicéphalisme. Sa disgrâce le surprendra et l’anéantira.

Ousmane Tanor Dieng, le bras droit d’Abdou Diouf après Jean Colin. Il ne fera pas l’unanimité au sein de la formation PS. Djibo Leyti Ka se retire et crée son parti (URD), suivi de Moustapha Niasse (AFP). L’étoile de Diouf pâlira et sa défaite presque programmée.

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