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Diomaye Faye-AES : Cassandre et la guerre de trois

La 66e session ordinaire de la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la Cédéao qui s’est tenue ce dimanche à Abuja, au Nigéria, a félicité le président Bassirou Diomaye Faye du Sénégal pour ses efforts de médiation entre l’organisation communautaire et les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES). La Conférence des Chefs d’État l’encourage à pour poursuivre les négociations diplomatiques visant à réintégrer ces pays au sein de la Cédéao.

Médiation Bassirou Diomaye Faye-                    Alliance des États du Sahel

Cassandre et la guerre de trois

De notre correspondant au Gabon

Pourquoi tant de manœuvres pour contrer l’action panafricaine de réconciliation ou de rapprochement que le président Diomaye Faye entreprend sous l’égide de la Cedeao alors qu’il n’avait même pas officiellement décliné son agenda ? Partout, c’était des tirs de barrage nourris combinés des politiques comme Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères et la cohorte de présomptueux panafricanistes qui gèrent l’organisation panafricaine de la parlotte. Pour beaucoup d’entre eux, le président Diomaye devait rejoindre les présidents Sani, Traore et Goita. Le Sénégal ne rejoindra jamais l’AES : même s’il ne se positionne pas en concurrent, il n’a pas la même histoire politique que ces trois pays dirigés par des putschistes arrivés au pouvoir sans programme politique et tous sous assistance et protection russe. Il serait bien pour l’histoire que l’on sache un jour quelle est la contrepartie de cette relation bilatérale tripartite entre la Russie et ces pays du Sahel.

Ce qui n’est pas le cas du Sénégal où le niveau conséquent de la conscience politique des citoyens cumulé à un état d’esprit de sacrifice permanent permettent de toujours opérer des changements politiques qualitatifs afin d’incarner un leadership démocratique panafricain difficilement atteignable . Si les pays de l’AES ont acté une rupture qu’ils veulent irréversible comme le dit le ministre des Affaires étrangères du Mali, ils doivent savoir que celle-ci ne se limite pas à une simple déconnexion avec la puissance anciennement colonisatrice. Et sous ce rapport-là, beaucoup reste à faire, car il ne s’agit pas de rompre avec la France pour se jeter dans la gueule du cerbère russe et ensuite clamer partout sa souveraineté. De plus, gérer une transition politique et la question sécuritaire ne veut pas dire mettre en berne les libertés civiques, la liberté d’expression et d’association, piétiner les droits de l’homme par la négation de l’Etat de droit (Me Kam était arbitrairement dans les geôles de Ibrahim Traoré) et la gouvernance démocratique en gelant le calendrier électoral.

Au Sénégal nous avons un pouvoir politique issu d’une consultation électorale après dix jours de campagne sur un programme politique voté au premier tour à plus de 54%. Du jamais vu, certainement l’événement électoral du siècle en Afrique ;  donc la légitimité du président Bassirou Diomaye Faye qui dort du sommeil du juste n’a rien à envier à des pouvoirs où les présidents dorment d’un œil et se maintiennent encore au pouvoir au prix de la baïonnette. La cerise sur le gâteau : l’élection du président Diomaye Fauye n’est due à aucun lobby, aucune puissance économique ou politique interne ou externe et c’est la raison pour laquelle lui seul peut prendre langue avec les pays de l’AES, de la Cedeao et la France sans perdre la face. Personne ne peut dénier à des pays souverains le droit d’entreprendre, mais force est de reconnaître que la Cedeao sous sa forme actuelle subit son histoire qui est la résultante d’une géopolitique conflictuelle, et c’est sous cet angle qu’il faut comprendre la dynamique fractionniste de ces trois pays qui ont subi les foudres de l’organisation sous-régionale au lendemain de leurs coups d’État respectifs. Entre récuser la Cedeao dans sa configuration présente, former de fait une alliance tripartite et appeler à une réflexion plus large sur un nouveau protocole d’organisation sous-régionale ou vous vous désignez comme le centre de gravité pose problème. La Cedeao est formée par des pouvoirs hétéroclites avec de questions sur leur légalité ou leur légitimité, certains présidents sont légitimement élus, d’autres ont fait le tripatouillage constitutionnel, le clan des putschistes inféodés à Moscou et la Guinée qui est inclassable.

C’est dans ce contexte qu’il faut appréhender l’importance de la mission salvatrice du président Diomaye Faye au lieu de jouer au Cassandre en prédisant son échec diplomatique ; ce dernier, en acceptant sait surement que la donnée historico-géographique du voisinage ne suffira pas et qu’une approche politique totalement nouvelle non dictée par aucune puissance ou une organisation (la Cedeao, UA) seule permettra de faire s’asseoir tout le monde autour d’une table. Et l’acceptation de cette mission qu’il est le seul à pouvoir mener est dans la suite logique de son action diplomatique matinale entreprise sitôt élu dans les pays de l’AES et les pays de la Cedeao. Certes, on se souvient qu’au début de son sacerdoce un refus diplomatique politique poli lui avait été servi derrière un accueil très chaleureux des pays de l’AES. Aujourd’hui il s’agit d’une autre mission dés lors que l’acte constitutif de l’AES a été entériné à Niamey. Le président Diomaye est allé jusqu’au bout et sans coup d’oeil en arrière pour éviter l’atomisation mortelle de la Cedeao et obtenir le retour au bercail des frères de l’AES dans une organisation sous régionale recrédibilisée et conforme à la volonté de rupture générationnelle irréversible, à laquelle aspire telle une lame de fond socio-politique les peuples de ces pays. Enfin il est évident que cette mission sacerdotale permet de maintenir le dialogue car la rupture de celui-ci peut avoir des conséquences fatales sur la question sécuritaire dont les pays qui n’en font pas encore face ne doivent pas croire qu’ils en sont épargnés. Ainsi donc, on reconnaitra au moins au président Bassirou d’avoir fait de la diplomatie préventive pour donner une chance à la paix dans notre sous-région de l’Afrique de l’ouest. 

Le président Diomaye a fait une entrée fulgurante dans la scène politique communautaire, en consacrant ses premières visites à l’étranger aux pays voisins du Sénégal, contrairement à la tradition des anciens présidents sénégalais qui se précipitaient en France pour renouveler l’allégeance ou l’obligation de fidélité. Le choix du président Bassirou Diomaye Faye par ses pairs de la Cedeao pour préserver l’organisation communautaire de la désintégration définitive en ramenant les pays de l’AES critiqué par certains  est pourtant une pertinente initiative. D’abord choisi comme émissaire en juillet 2024, le président Diomaye Faye a accepté la mission au nom de l’idéal panafricaniste au cœur du projet de Pastef. Ensuite, il a mis en sellette le professeur Abdoulaye Bathily dont les talents de conciliateurs sont reconnus de tous. Il est donc heureux d’entendre le président Diomaye dire au sommet ordinaire d’Abuja qu’il a fait des avancées. Quoi donc de plus normal que de le voir mériter encore la confiance de ses pairs ? Il est alors étonnant d’entendre cette race bruyante de nouveaux panafricanistes se braquer contre cette mission salutaire de réunir des fils de l’Afrique !

Alioune SECK 

de Bargny