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Contribution – Les jeunes et l’emploi: Pour une politique d’insertion locale Ibrahima Macodou FALL, Le Soleil du 06 mai 1991

Il y a trente ans, Ibrahima Macodou Fall, alors haut cadre à « Gamma International », signait une contribution dans le quotidien Le Soleil où il préconisait la localisation de l’emploi, avec comme soutien un pôle d’initiatives pour l’emploi, réceptacle pour les projets d’insertion pour l’emploi.

C’est ce que le président Macky Sall vient de lancer lui aussi, dans la foulée des douloureux événements de mars 2021.

Les jeunes, premières victimes de la crise, voient leur situation de plus en plus préoccupante au regard de l’impact sur l’emploi des mesures de restructurations successives mises en œuvre et de la complexité relative des mécanismes d’accès aux services qu’offrent les dispositifs d’insertion existant.

Le nombre des demandeurs d’emploi continuera de croître malgré les mesures énergiques prises par les pouvoirs publics pour l’insertion professionnelle. Le marché de l’emploi deviendra de plus en plus sélectif et les jeunes constitueront la proportion la plus importante.

Plusieurs stratégies d’insertion ont été mises en œuvre pour atténuer le chômage : opérations maîtrisards, réinsertion des « déflatés » des restructurations industrielles, réinsertion des rapatriés de Mauritanie, réinsertion des agents touchés par la restructuration du secteur bancaire… dans le cadre de la Délégation à l’Insertion, à la Réinsertion et à l’Emploi (DIRE), le projet de génération d’emplois de l’Agence d’Exécution des Travaux d’Intérêt public (AGETIP).

Ce dispositif est appuyé par des programmes de toutes sortes d’organismes d’aide au développement dans le cadre de la coopération bilatérale et multilatérale. Les ressources engagées sont importantes et s’il s’avère aisé d’en évaluer le niveau, il ne semble pas facile d’appréhender leur impact sur l’emploi.

Ainsi, en raison de l’ampleur du chômage des jeunes et de la volonté exprimée par les pouvoirs publics de faire de la lutte contre le chômage une priorité nationale, les efforts engagés en faveur de l’emploi vont être renforcés.

Dans ce cadre, l’élargissement des domaines d’intervention de la DIRE et de l’AGETIP, la multiplicité des programmes d’organismes d’aide au développement traduisent incontestablement la volonté des pouvoirs publics et de leurs partenaires de proposer aux jeunes des solutions concrètes.

Pour la poursuite ce tels efforts, il est essentiel de vérifier en permanence la pertinence des démarches adoptées e.t la cohérence des cadres d’exécution par rapport à la structuration des groupes cibles

Le contexte actuel marqué par l’émergence de nouvelles formes d’intervention des partenaires au développement et le processus de structuration engagé par lus jeunes à travers les groupements d’intérêt économique (GIE), les associations, les groupements villageois, etc… offrent l’occasion de promouvoir une véritable politique d’insertion professionnelle adaptée aux jeunes.

En effet, il apparaît nécessaire d’adapter le dispositif d’insertion pour les jeunes afin de tendre vers le développement de structures locales constituant de véritables réseaux permanents d’insertion.

Cette évolution repose sur des considérations opérationnelles, tient compte de la spécificité des groupes cibles, mais relève aussi d’une exigence à canaliser les efforts engagés au plan local par les différents partenaires dans une cohérence globale des actions de développement.

Ceci aurait l’avantage de substituer les dispositifs d’insertion professionnelle éphémères et difficiles à maîtriser dont le contrôle et le développement sont fortement liés à un programme d’intervention ponctuel d’un organisme à un dispositif stable qui serait entretenu par une structure permanente au plus près des jeunes

Fondé sur le partenariat entre les différents acteurs de l’insertion, il doit conduire à créer une dynamique locale et permettre le développement de pôles d’initiatives pour l’emploi. Il s’agira d’organiser les actions des partenaires au développement et les initiatives locales au sein de structures impliquées dans la mise en œuvre de politiques de création d’emplois et de promouvoir un mode d’organisation du «partenariat du développement » pour mobiliser au plan local tous les acteurs potentiels de l’insertion

Il se constituerait ainsi un cadre institutionnel de pilotage de tous les projets d’insertion qui serait un véritable outil au service de l’emploi pour la mise en œuvre d’une politique cohérente d’insertion professionnelle chargée d’être le pivot d’un dispositif d’animation au plus près des jeunes et de coordonner des efforts jusque-là dispersés.

L’approfondissement du processus de déconcentration décidé par le gouvernement est de nature à permettre leur émergence au plan régional.

D’ailleurs, il convient de faire remarquer qu’au-delà des actions qu’ils mènent séparément sur l’étendue du territoire, les partenaires recherchent une plus grande cohérence de leurs interventions. Le dispositif local pourrait ainsi constituer un «réceptacle» pour tous les projets d’insertion professionnelle de la région et permettre la coordination des actions des différents partenaires financiers qui gèrent eux-mêmes dans ce dispositif les fonds alloués à leurs projets.

En rassemblant les représentants de l’Etat, les collectivités locales, les partenaires financiers (organismes internationaux, donateurs ), ONG, la structure présente l’avantage d’agir au plus près des jeunes et, à travers les initiatives qu’elle suscite, contribue à une dynamique de développement local qui s’inscrirait fondamentalement dans une politique globale de développement définie. Le rapprochement ainsi créé des différents partenaires sur un territoire donne constitue aussi un facteur déterminant de mobilisation sociale entre le tissu local, les professionnels, les groupes de jeunes, et offre un cadre où la convergence de pratiques des diverses institutions permet que s’élaborent progressivement des représentations communes de la localité et une stratégie locale d’intervention cohérente.

Le dispositif d’insertion locale permettrait :

  • de gérer les dispositifs pour les jeunes au plan local et d’assurer la cohérence des différentes interventions.
  • d’impliquer les collectivités locales et les jeunes dans le processus d’insertion
  • de favoriser le développement d’outils d’insertion appropriés.
  • d’assurer le contact avec les jeunes, les accueillir, les informer, les aider à se structurer,
  • de disposer d’informations sur la demande et l’offre d’emplois locales.

Le développement de ces structures locales contribuerait à renforcer l’efficacité du dispositif d’insertion professionnelle au plan national et participe à une rationalisation exigeante de l’effort de développement entrepris par tous les partenaires économiques et sociaux.

A lui seul, l’Etat ne peut prétendre tout résoudre. Son rôle consiste à faciliter l’émergence d’une politique de participation et de responsabilisation collective, et au moment où le Sénégal entre dans une ère nouvelle pour la démocratie, il est non seulement le vecteur des changements qu’impose l’évolution du monde, mais aussi le partenaire des initiatives locales porteuses de développement

Ibrahima Macodou FALL,
Gamma International,
In Le Soleil du 06 mai 1991