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Coin d’Histoire – Mamadou Lamine Dramé, marabout et résistant anticolonial Par Mohamed Bachir DIOP, Rédaction centrale, Le Devoir

Il a entamé une djihad mais sera tué au combat

Mamadou Lamine Dramé, que l’on appelle aussi Demba Dibassi, est un marabout, homme politique et résistant contre la colonisation française. Il avait entrepris une sorte de djihad contre les colons mais ces derniers finiront par avoir le dessus sur lui grâce à l’aide précieuse d’un roi du Fouladou, Moussa Molo Baldé.

On situe la date de naissance de Mamadou Lamine Dramé vers 1840. Le nom Dramé est à l’origine un nom Soninké mais il est généralement classé dans la famille des Mandingues ou des Diakhankés. Les Dramé sont originaires du Mali mais eux-mêmes, surtout ceux d’entre eux qui sont des Soninkés, prétendent que leur ancêtre viendrait de la Syrie.

C’est dans la haute vallée du fleuve Sénégal, vers Bakel, qu’il entama sa lutte contre le colonisateur avant de finir vers la frontière gambienne.

Selon les archives coloniales, il aurait entamé sa guerre sainte en juillet 1885. Une djihad qui a lieu pendant une période trouble de la colonisation, où les populations autochtones de la Sénégambie connaissaient une récession économique qui avait fini par appauvrir davantage tous les paysans de la région.

Ainsi, en l’espace de deux ans, les achats d’arachide par la France sont presque divisés par trois : 12.000 tonnes en 1883 puis 4.650 tonnes en 1885. Entre janvier 1884 et juin 1886, la baisse de la valeur des produits locaux est estimée à 50 %. Face à cette paupérisation croissante, les Talibés de Mamadou Lamine Dramé acceptent de bonne grâce de le suivre dans sa guerre sainte.

Il attaque le fort de Bakel le 4 avril 1886, mais il est vaincu par le roi du Fouladou, Moussa Molo allié aux Français qui lui-même s’était rendu dans le Boundou en expédition et où il possédait aussi des guerriers acquis à sa cause. En décembre 1887, il est vaincu et tué par les Français à la bataille de Toubacouta, à la frontière avec la Gambie. À Ngoga-Soukouta, à 2 ou 3 km de la Gambie, ils s’arrêtent, mais le village est déjà cerné par les ennemis. Les habitants veulent aller prendre Mamadou Lamine Dramé pour le livrer à Moussa Molo, les Talibés s’interposent. Le chef de village met le feu aux cases… Molo et quelques guerriers du Boundou profitent de la confusion pour rentrer dans l’enceinte et massacrer tous les Talibés. Mamadou Lamine Dramé résiste tout seul, il est blessé à la jambe par un coup de sabre d’un guerrier de Ousmane Gassi ; mais Molo ne veut pas qu’on l’achève. Le marabout est placé sur une civière, il perd beaucoup de sang, mais le cortège prend la direction de Toubacouta.

A Couting, le marabout succombe à ses blessures. La foule s’agglutine et réclame sa dépouille à Moussa Molo qui refuse de la leur livrer. Il confie le corps à son griot pour l’amener à Toubakouta où il va lui-même annoncer la nouvelle. Le 12 décembre 1887, on est toujours en route avec le brancard, mais les porteurs prennent peur devant le corps décomposé du marabout. De concert, ils abandonnent le griot tout seul et s’enfuient dans la brousse… Le griot tranche la tête du marabout qu’il accroche à l’arçon de sa selle et abandonne le corps. Il rentre à Toubacouta le lendemain avec le cheval blanc de Mamadou Lamine Dramé portant ses armes. Ses épouses et les porteurs seront répartis comme d’habitude entre les tirailleurs et les soldats fidèles aux Français.

Mais son courage et sa ténacité sont chantés aujourd’hui encore par es griots Sarakhollés qui voient en lui un digne descendant du clan des Dramé.

On retrouve les Dramé au Mali, en Guinée, un peu en Mauritanie mais beaucoup entre le Sénégal et la Gambie.

Le Devoir