GMT Pile à l'heure

La Ligne du Devoir

Bye bye covid-19 ! Le coronavirus démystifié au Sénégal Par Khadidiatou GUEYE Fall

L’après-Magal et  la baisse drastique des cas positifs déclarés ont eu raison de la phobie qui hantait le sommeil des personnes vivant avec des maladies chroniques.

Plus de gels hydro-alcooliques, plus de masques, on dirait la fin de la Covid-19 au Sénégal. Au moment où les pays européens enregistrent des milliers de cas positifs et de morts tout en respectant les mesures de prévention, le Sénégal se retrouve avec des neuf voire onze cas et zéro décès par jour. Malgré les rassemblements dans les lieux publics, les marchés, l’entassement dans les transports en commun, la tenue de certaines cérémonies familiales ou religieuses, le virus semble atteindre son rémittence. Dans la tête de certains Sénégalais, la Covid- 19 est une maladie comparable au paludisme qui fait partie de notre quotidien.

Au mois de mars 2020, la maladie à Coronavirus a franchi les frontières sénégalaises avec un cas importé de la France. La pandémie a touché le monde entier. D’après l’Organisation mondiale de la Santé, 50.493.472 personnes ont été infectées, le nombre de décès s’élève à 1.257.747, à compter du début de l’apparition du premier cas à Wuhan jusqu’au 9 novembre 2020.

Au Sénégal, dès le début, la psychose avait bouleversé le quotidien de certains. L’annonce du premier cas et de ses contacts avait plongé le Sénégal dans la panique totale. L’enregistrement du premier décès a été pour la population comme un coup de massue. Le ministre de l’intérieur de l’époque, Aly Ngouille Ndiaye, avait annoncé des mesures barrières pour contrer la propagation du virus. Chose que les Sénégalais avaient aussitôt adoptée. Il s’en est suivi l’annonce d’un état d’urgence avec un couvre-feu progressivement levé. Le port de masque était unanime au point qu’on aurait du mal à reconnaître son ami.

Dans les marchés comme dans les lieux professionnels, le port de masque était obligatoire. Les transports en commun qui débordaient de passagers retrouvèrent leur caractère normal. Les places dans les autobus étaient limitées. Les fêtards qui passaient la nuit dans les boîtes de nuit et dans des restaurants se sont retrouvés dans un moment de congé furtif et péremptoire. Même les salles de sport avaient fermé leurs portes sur recommandations du ministre de l’intérieur.

Il y a neuf mois, recevoir en invité, un proche parent ou un ami était exclu de la téranga sénégalaise. Contrairement à cette norme sociale, ça réveillait une réticence vis à vis de l’hôte.

Les baptêmes et les mariages se fêtaient en une simplicité démesurée et surprenante. Et lors de ces cérémonies habituellement festives et animées, certains proches se précipitaient à recevoir les invités à l’intérieur des maisons de peur que les agents de police ne suspectent un rassemblement.

Au sein de la famille, les frères travaillant dans des entreprises différentes s’évitaient. A chacun sa bouteille et sa cuillère. Les personnes âgées vivant avec une quelconque maladie chronique devinrent casanières.

Les terrains de football retrouvèrent leur pelouse verdoyante. Les rues presque déguerpies. Dans les boutiques et les boulangeries, la distanciation magnifiait le décor. Partout, le respect des mesures barrières se faisait militairement. Ceci avait été boosté par la psychose qui avait gagné le terrain et  intimidé la population par la subite hausse du nombre de décès au quotidien

Depuis le 30 juin 2020, l’état d’urgence et le couvre-feu ont été levés. Dans le communiqué du ministère de l’intérieur, il était précisé “le respect des mesures barrières dont le port du masque reste cependant obligatoire dans tous les espaces publics, les lieux de travail, publics et privés, les transports et les commerces”. Aujourd’hui, c’est l’antonyme des mesures barrières qui est mis en exergue. Dans les bus, les passagers munis d’un masque se voient d’un autre œil: ridicule. Sur quarante passagers, seuls dix portent leur masque. Sur ces dix, combien le porte réglementairement ? C’est comme une démystification de la maladie qui, jusque-là, n’a pas de traitement universel approuvé par l’OMS.

Les restaurants et les salles de sport ont repris leurs activités, non sans adopter les gestes barrières pour certains. Mais pour la plupart, c’est l’anticonformisme qui se manifeste. Les boîtes de nuit accueillent de nouveau les fêtards. Les marchés comme marché Ndiarème et marché HLM reprennent leur ambiance d’autan.

Dans le milieu du travail, les mains se serrent sans méfiance et les accolades vont de bon train sans arrière-pensée. Ces faits sont encouragés par la levée des restrictions. Pourtant des rassemblements pouvant favoriser des cas communautaires et des cas contacts ont été organisés au Sénégal comme le grand magal de Touba.

Cet événement religieux a reçu plus de 4 millions de pèlerins musulmans au sein de la cité religieuse. Pour commémorer l’exil du fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké au Gabon,  une marrée humaine s’est déversée sur Touba. La forte affluence notée dans la cité religieuse avait installé les autorités dans une posture déconcertante. L’on murmurait en catimini une probable prochaine vague dans les semaines qui suivraient l’événement. Le constat est patent  et surréaliste, car deux semaines après le Magal, les cas confirmés de la Covid-19 semblent régresser.

La preuve : depuis quelques semaines, les communiqués du ministère de la Santé et de l’Action sociale révèlent une baisse drastique des cas de Covid-19. Récemment, en 24 heures, seuls 9 personnes ont été déclarées positives. D’après « Le Point.fr », des recherches épidémiologiques ont été faites sur les risques sanitaires de la tenue du Magal.  Ces recherches étaient menées par l’institut de recherche pour le développement (IRD) de Dakar et l’IHU-Méditerranée Infection de Marseille. Ces recherches sur la surveillance syndromique menées auprès des pèlerins du Grand Magal au cours des dernières années ont démontré que les infections des voies respiratoires sont parmi les causes les plus fréquentes de consultations dans les structures de soins lors de l’événement, selon Le Point.fr. Si on se fie à l’étude prospective, la prévalence des symptômes d’infection des voies respiratoires qui était de 42%,  faisait  le quintuple chez les pèlerins après le Magal de Touba. Seulement, le climat était favorable pour une contagion importante. Toutes les conditions étaient réunies pour une propagation fulgurante du virus. Les gares routières refusaient de pèlerins ; les facteurs de risques de transmission étaient au rendez-vous.

Du moins, l’analyse du Grand Magal de Touba et  la baisse drastique des cas positifs déclarés sont des facteurs responsables de la démystification de la maladie à coronavirus au Sénégal. La phobie qui hantait le sommeil de certaines personnes vivant avec des maladies chroniques s’amoindrit de plus en plus. Avec le nombre de décès qui, depuis quelque temps, reste invariable, d’aucuns promulguent la fin imminente du Coronavirus au Sénégal. Les mesures barrières qui permettraient d’échapper à la maladie sont passées aux oubliettes.

Récemment, cette accalmie des cas a provoqué la réaction de l’ancienne ministre de la Santé Awa Marie Coll Seck. Selon elle, « le Sénégal a tenu un Conseil présidentiel avant que le premier cas ne soit déclaré. Ça, c’est important pour un pays. Malgré le système de santé qui n’est pas au top, il y’a eu un bon leadership ». Elle a salué le travail remarquable du service des maladies infectieuses qui a prêté main forte pour le traitement des cas.  Quoi qu’il en soit, le professeur incite la population à rester sur ses gardes.

Dans un entretien accordé à « Mariane », le docteur Moussa Seydi, infectiologue au centre des maladies infectieuses de l’hôpital Fann à Dakar, malgré le résultat du traitement à base de la chloroquine, se prépare à une éventuelle catastrophe. « Le pire n’est pas encore arrivé et nous souhaitons que cela n’arrive jamais, mais nous devons continuer de nous préparer. A l’heure où nous sommes, le fait que la catastrophe ne soit pas arrivée ne veut pas dire que nous en sommes exemptés. C’est l’erreur fatale, c’est l’erreur monumentale, c’est l’erreur inacceptable à ne pas commettre. Nous devons considérer que le pire peut encore arriver sur le contient africain. Parce que c’est quand on se prépare au pire que l’on peut faire face en situation de difficulté » a-t-il exprimé.