Assemblée : En finir avec le système
Assemblée
En finir avec le système
avec la forme
Sous l’aile tutélaire de Talion, les militants Pastef ont appris à appliquer sa Loi. Arrivés aujourd’hui en masse à l’Assemblée nationale, ils veulent en finir avec un système qui sert pourtant de soubassement à leur projet. Œil pour œil avec un vote à tout va ?
Ils ne sont pas 1.500 “prisonniers politiques” sur la mémoire desquels plane l’ombre de 80 morts. Même s’ils n’en représentent qu’un dixième, les députés Pastef élus à l’issue des Législatives du 17 novembre dernier le doivent aux martyrs des folles années de braise 2021-2023 : la forte braise qui a embrasé le pays pour donner cette large victoire a d’autant fonctionné que celle qui couvait sous la cendre couvrait celle des cellules dormantes constituées de corps de valeur qui auraient dû garder leur grandeur et leur dignité ; la nouvelle majorité doit en effet obliger par proposition une loi visant à obliger le Sénégal à adopter un style de vie qui convainque la majorité de participer au jeu politique pour lui donner toute sa valeur sociale : voir par exemple un ancien Premier ministre à la solde d’un banquier, voir un ancien ministre des Finances à la solde de ce même banquier, voir un haut magistrat postuler pour un strapontin à l’Assemblée nationale doit donner à réfléchir sur la moralisation à apporter au secteur politique. La rupture souhaitée passera par là, et non vers cette loi du Talion, programme du candidat Premier ministre qui se veut faiseur de présidents de la République et de l’Assemblée mais aussi tombeur de président avec l’enfer qu’il promet au prédécesseur de Bassirou Diomaye Faye.
S’ils n’en sont pas tous morts, à tout le moins emprisonnés comme les martyrs dans la conception du don de soi, les députés Pastef n’en sont pas moins tous pénétrés par l’esprit, la philosophie qui en ont d’ailleurs consacré certains. L’Assemblée nationale issue des Législatives du 17 novembre dernier sera l’arène de lutte pour la reddition des comptes, leitmotiv essentiel de Pastef : le commando de 130 éléments y siégeant au nom de la formation se consacrera essentiellement à la rédaction et au vote de propositions de lois visant à instituer la Haute cour de Justice. Non seulement pour s’attaquer aux pilleurs mais aussi à tous ceux qui se sont dressés sur le chemin de Ousmane Sonko et de ses amis depuis 2016 et que le candidat a passé son temps à dénoncer sous le couvert de lanceur d’alertes. C’était en tout cas la thèse dominante du discours de la tête de liste, autoproclamé chef des poursuites, instruisant allègrement à charge.
Le discours sans ambiguïté du leader ne laisse aucun doute à ce sujet, quelle que soit la place qu’occupera Ousmane Sonko lui-même dans le dispositif institutionnel ; il restera probablement à la Primature. Son maintien ou pas à la Primature donnera une idée de l’intensité de la lutte et du rythme et la satisfaction d’avoir fait tomber ses contempteurs : dans le rôle du chef d’orchestre, il accélérera la cadence que ses amis députés sauront soutenir dans la conception de la problématique, même s’ils ont prouvé leur capacité de nuisance durant la crise socio-politique des années 2021 à 2023. A ce sujet, les voir délibérer sur l’annulation de la loi d’amnistie vaudra tous les détours.
D’autres dossiers devraient aussi les intéresser : qui, pour voter pour la constitution d’un groupe d’enquête parlementaire autour du dossier de l’Agence sénégalaise d’électrification rurale, sur le retour de la compagnie saoudienne Acwa Power et même sur la crise de l’Office national d’Assainissement avec l’affaire du Dr Cheikh Dieng limogé ? Il faudrait en effet éviter de vendre un “Sénégal2050” qui ne serait rien d’autre qu’une parodie du programme “Sénégal émergent”.
“Ousmane Sonko vient de nous démontrer avec quelle pertinence qu’il est l’homme qui tient le pays. Un passé récent nous fait comprendre que cet homme a fait des calculs qui jusque-là ont été couronnés de succès. Que va-t-il faire de son « écrasante victoire », je vous répète ? Anos ardoises et soyons tout ouïe. Il sera toujours possible d’analyser ses options mais anticiper sur les directions qu’il va prendre, c’est se perdre en conjectures. Just wait and see”, conclut un ancien spécialiste de la sécurité.
Pathé MBODJE