Air Sénégal : Le neuf à la flotte
Air Sénégal et le mythe du neuf
À la flotte
Air Sénégal n’accueillera certainement plus les huit Airbus A220-300 “pour alimenter son expansion à long-terme”, en tout cas pas dans l’immédiat, comme écrit sur sa page : la réduction de son réseau due à des poursuites et menaces de saisie pose des problèmes d’amortissement de la flotte finalement tombée à l’eau ; quid alors des deux Airbus A330-900Neo, de l’AirbusA321, des deux AirbusA319 et des deux ATR72-600 ? Déjà, certains appareils sont cloués au sol du fait de dettes impayées. Le neuf a-t-il eu raison de la compagnie aérienne sénégalaise par son coût plus extravagant qu’exorbitant ?
“En novembre 2021, lors du Dubaï Airshow, Air Sénégal et le spécialiste des financements Macquarie AirFinance ont paraphé un contrat de fourniture de cinq avions A220-300. Air Sénégal devient la première compagnie de l’Afrique de l’Ouest à intégrer à sa flotte le nouvel Airbus A220-300 d’Airbus”–Wikipedia.
“Avec ses nouveaux avions, notre flotte ultra-moderne est parfaitement adaptée à toutes les destinations. Elle est composée de deux Airbus A330-900Neo, un Airbus A321, deux Airbus A319 et deux ATR 72-600. Air Sénégal prévoit d’accueillir prochainement 8 Airbus A220-300 pour alimenter son expansion à long-terme”-Flyair.
À la place de “destinations”, le spécialiste parlerait de “réseaux” ! Premier impair donc : la cartographie des intervenants n’adopte pas la symbolique technique adéquate. Ni alors ni aujourd’hui.
Cette affirmation sur le site de la compagnie laisse perplexe car le nombre exact d’appareils semble échapper à tout calcul.
Au 2 mars 2024, la composition de la flotte d’Air Sénégal était la suivante :
Nombre total d’appareils : 11
Nombre par types d’avions :
– 2 A 330 aménagement tri-classes, 290 sièges
– 2 A 321 aménagement bi-classes, 165 sièges
– 3 A220 aménagement bi-classes, 133 sièges
– 2 A319 aménagement bi-classes, 120 sièges
– 2 ATR72 aménagement, 70 sièges.
– 2 L 410 NG Aménagement, 19 sièges .
Sous réserve des changements intervenus récemment avec la menace brandie par Carlyle Aviation de saisie de quatre des avions de la compagnie ; le 22 août dernier en effet, la firme Carlyle Aviation a obtenu de la justice américaine une ordonnance immobilisant quatre des avions de la compagnie, pour une dette de quelque 6 Milliards CFA.
Du neuf ou de l’ancien ?
Apparemment, les Airbus et les ATR seraient des avions neufs à leur entrée dans la flotte de la compagnie ; les 2 Airbus A330 et les 2 ATR sont entrés dans la flotte de la compagnie à l’état neuf, ce qui n’est pas le cas des avions A320, A220 et A319 ; les Airbus A322, A320 et A319 seraient assez anciens et poseraient de sérieux problèmes de maintenance.
Choisir une flotte d’avions pour exploiter un réseau. Le bon critère du profane pour choisir un avion est son caractère neuf ! C’est une grave erreur : le caractère neuf de l’avion n’est pas cité parmi les critères ;
les coûts directs d’exploitation,
le potentiel restant avant la prochaine grande visite (check D),
les coûts de la maintenance,
la disponibilité des pièces de rechange et leurs coûts,
l’existence d’ateliers de maintenance capables de répondre aux besoins d’entretien de l’avion à des coûts raisonnables,
l’absence de restrictions quant à la circulation de l’avion relatives aux normes environnementales,
la possibilité de formations du personnel spécialisé dans l’exploitation de l’avion au sol (entretien et préparation des vols) et en vol (conduite et sécurité à bord)
et enfin des conditions financières d’acquisition compatibles avec la continuité de l’activité de l’exploitant.
Nous voyons que le caractère neuf de l’avion n’est pas cité parmi ces critères. Ce dernier est rarement compatible avec la viabilité économique d’une nouvelle compagnie aérienne. Il y’a aussi la nécessité de mener une étude technique et économique de l’exploitation de l’avion sur le réseau envisagé. Par rapport au contexte institutionnel, il est nécessaire de revoir la libéralisation introduite par la Déclaration de Yamoussoukro. Cette libéralisation a été mal préparée et tout à fait prématurée dans le contexte politico-économique des pays subsahariens. Tant que les dispositions de cette déclaration de Yamoussoukro perdureront, peu de compagnies véritablement africaines connaîtront le succès. Bien entendu, il peut y avoir l’illusion du pavillon de complaisance avec une façade grimée en compagnie africaine alors qu’il s’agit véritablement d’une succursale d’un grand exploitant étranger.
Ce qui fait mal, c’est la répétition de ces faillites dans lesquelles l’Etat et travailleurs subissent de très sévères pertes. Peut-être que les acteurs finiront par apprendre de leurs erreurs. En tous cas c’est vivement souhaité.
Ababacar Sadikhe DIAGNE
Ancien élève des classes préparatoires aux Grandes écoles;
Ingénieur diplômé de l’ENAC, Toulouse, France, et du MIT, Cambridge, USA.
Auteur de la thèse : ” The US Airlines industry seven years after Deregulation ” au Département Aeronautics and Astronautics du MIT.