A paraître : Entre la vague sauvage et l’anémone de mer…
A paraître: “Cri de détresse entre la vague sauvage et l’anémone de mer…” Roman de Tidiane Sène
Les bonnes feuilles autour d’un naufrage d’enfants de Bargny
Dédicace
A mon père, Serigne Bargny. Connu pour sa générosité et pour avoir raffermi les liens familiaux, où les plus petits sont à l’écoute de leurs aînés, mais aussi et surtout pour sa rigueur sans équivoque dans l’enseignement du Coran et du travail bien fait.
A ma mère, Yaye Doute,
-Pour sa douceur et son renoncement devant les rivalités familiales qu’elle ignora.
-Pour le sacrifice consenti et le dévouement devant l’appel au combat des champs de : «Ndewoo », de « Mboul », de « Xarnel », de « Jibal », de « Magassin » et de « Niay-malaka».
-Pour son obéissance indéfectible envers mon père.
A mes enfants Mouhamadou Ben Ahmed Tidiane et Maty Ba, qui ne me liront pas…
A Mouhamadou Moustapha, Thiaba Guèye, Bineta Diagne, Ndiémé, Ngoné, Maty et à Seynabou Bintou Yacine.
Préface
Je n’ai pas voulu donner une préface dans « Cri de détresse entre la vague sauvage et l’anémone de mer », une autre façon me diriez-vous de présenter un petit roman. Je n’aurais certainement pas écrit cette histoire si mon meilleur ami Guiro Samb de Ngouye Daga ne m’avait pas envoyé une lettre, m’informant de la disparition en mer de jeunes pêcheurs de mon terroir.
Je désirais que ce naufrage fût médité par tous ; aussi avais-je l’idée de titrer ce roman «Naufrage », puis « Les gens de la mer » dans un premier temps, avant de me contenter de ce dernier titre.
Il me semble que l’œuvre achevée déçoit en partie l’espérance contenu dans le titre. Au lecteur qui souhaite avec raison que toute œuvre littéraire marque les étapes d’une ascension spirituelle et qui peut être s’étonnera de peccadilles où je l’entraîne, il importe de rappeler que le héros et son aventure appartiennent assurément à une époque de ma vie, à Bargny.
Au vrai, ces pages ont été écrites, abandonnées puis déchirées : je n’y donnais pas beaucoup d’importance au début, mais le repos aidant, j’ai voulu consacrer le plus de mon temps dans l’Hexagone à l’écriture et à la lecture.
A Paris, j’ai compris qu’il fallait peut-être essayer.
Paris, le 30 Janvier 2021.
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Extrait « Ciusteye Mici Rewmi » :
Accroupi dans sa petite masure, hurlaient des tout-petits, attirés par un vendeur ambulant de bizarreries.
« Femmes, n’exhibez point le savoureux mets que vous cuisinez, si vous n’avez pas la générosité de cœur de vouloir le partager avec tout le monde ».
Ndième Coumba Yayi Doute
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Grincheuse et dissipée, elle m’empêcha de prendre avec aisance, mon petit déjeuner. Elle, Nabou Guèye, était la cadette. Avec insistance, elle finit par partager mon pain, sans pour autant se soucier outre mesure des récriminations de sa maman qui voulut l’empêcher d’y toucher. Elle tenait coûte que coûte à déjeuner une seconde fois. Le forfait accompli, elle s’en alla gaiement, en se caressant la bedaine avec fortes grimaces.
Arrivé à « Sambène », Budah, l’épouse de mon ami Guiro m’annonça que « Sa-way » était, comme à l’accoutumée, au bord de la mer. L’homme, après le « Duté », avait l’habitude d’aller prendre de l’air chaque matin, avant de revenir siroter son café.
Budah touilla son « kinkéliba » tout en essayant en vain de me retenir pour bambocher. Enfin, elle m’informa de l’absence de son mari d’un ton très doux, lasse de ne pouvoir me retenir. Maladroite dans ses gestes, elle renversa une calebasse contenant du lait. Visiblement, ce sera un déjeuner comme au bon vieux temps, me disais-je. Autrefois, nous ramenions des champs le lait que les bergers avaient fini de traire des vaches, en les mettant dans des citrouilles bien fermées. Et pour nous servir, nous aimions nous accroupir autour des calebasses qui exhibaient leur senteur veloutée. A moins que le petit-déjeuner ne soit qu’un morceau de pain avec peut-être du Kinkéliba ? Aujourd’hui, la famille Sambène devait déroger à la règle et je n’entendais pas rater un aliment aussi savoureux. L’occasion m’était donc donnée de lui signifier que j’irai bientôt lui ramener son mari, et que je serai aussi présent à la dégustation, surtout que je viens juste de France.
Moins de cinq minutes après, je foulais le sol sablonneux qui grinça sous les talons de mes souliers en cuir. En me voyant venir, Guiro vint à ma rencontre, un sourire se détachait de son visage séraphique.
– Depuis quand ?
– Tôt ce matin
– Passias va bien ? Pourquoi tu l’as laissée là-bas ?
– C’est elle-même qui m’a donné la permission de venir ! Et nous éclatons ensemble de rire.
– Saa-way regarde. La mer est belle comme disaient les philosophes du 18e siècle !
– Tu me plonges dans Diderot, Voltaire ou Rousseau ?
– Je suis plus branché sur le symbolisme de la fin du 19e que du siècle des lumières, me rétorqua-t-il, d’un ton docte.
– Ha ! Tu penses à Baudelaire, Voltaire ou Mallarmé !
– Il ne fallait pas réveiller Joachim du Bellay ou Pierre de Ronsard de la Pléiade pour un simple repas.
– Écoute ! Loin de 1949, je me bats aujourd’hui pour que la poésie antique soit l’égale de notre poésie africaine et tu le sais bien !
– A qui penses-tu vraiment ?
– Senghor, David Diop, Moustapha Wade… !
Je remarquais que Guiro avait relevé le bas de son pantalon. Et l’eau tiède lui caressait les chevilles. Le reflet du soleil sur son visage faisait resplendir son front nu. Il tenait dans sa main gauche une paire de spartiates neuves, tout en se délectant d’une vue imprenable sur la surface miroitante de l’océan. Puis, regardant la lune encore visible à cette heure du matin, il annonça que la vie est une grande inconnue, que nous nous évertuons à connaître chaque jour, avant de lancer :
– Il paraîtrait que le déversement et la marée dépendent de la position de la lune ?
– C’est un mariage cosmique dont seul Dieu a le souffle ! Partout, on voyait des coquillages aux circonvolutions extravagantes et aux couleurs insolites. Comme pour lire dans ses pensées, je lui dis :
– Bel endroit pour puiser l’inspiration ?
– Pourquoi pas, tu es journaliste non ?
Puis d’ajouter.
– Fais un papier.
– Journaleux oui… balbutiais-je. Mais j’ai tout de même un projet de roman. « Gens de la mer » par rapport à la lettre que tu m’as envoyée sur le naufrage de nos frères de Ngouye Daga.
– N’est ce pas là un beau titre ?, lança-t-il en continuant de rire de plus belle.
– D’accord fis-je, à la condition que tu me le corriges.
Sans daigner répondre, il éclata d’un rire radieux. Changeant complètement de discours, je récidivais en lui faisant de nouveau comprendre qu’un copieux petit déjeuner l’attendait chez lui.
– Et si on rentrait ?
– Et pourquoi ?
– Parce que je viens de renifler un bon petit déjeuner qui t’attend.
– Ha bon ?
– Bien sûr mon gars, et c’est du couscous au lait, bien chaud ! Surpris, il me rétorqua qu’un mets aussi délicieux, ne pouvait l’attendre sans qu’il ne soit au courant. Du coup, joignant le geste à la parole, il lança :
– « Sama-way », rentrons !
A suivre
NDLR : Cherche éditeur