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A Daara bénévole, mendicité interdite

Serigne Modou Kane, l’initiateur d’un Daara bénévole

Mendicité interdite

A l’entrée de la région de Saint Louis se situe un Daara. Dénommé Daara Modou Kane, presque tous les enfants de Pikine Guinaw Rail y apprennent le Coran. Dans le bénévolat, l’initiateur du Daara Modou Kane participe à l’éducation religieuse de la génération future. Contrairement à certaines Écoles coraniques, mendier est interdit dans cet institut bâti dans l’informel avec des conditions précaires.

Par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du desk Société

Saint-Louis, envoyée spéciale. Il est fréquent de voir des talibés dans les rues de Dakar qui quémandent de quoi manger. Parfois, ils sont contraints de verser au maître coranique une somme de 500 fr au quotidien. Dans ce petit Daara situé à l’entrée de la région de Saint-Louis, les données ne sont pas pareilles. Ici, les élèves ne sont contraints que de la mémorisation du Coran. Aucune charge ne pèse sur les élèves.
Mouhamadou Diop plus connu sous le nom Modou Kane, en est le maître des lieux. Né à Ndam-Ndam, un village situé à l’intérieur de la région de Louga, dans la commune de Ndande, Modou Kane a fréquenté plusieurs Daara pour y apprendre. ” J’ai appris le coran dans plusieurs Daara. J’ai grandi à Léona. Après Léona, je suis venu à Saint-Louis
pour continuer mes études. Je suis Oustaz et j’apprends le coran aux enfants. Mon premier maître coranique s’appelait Issa Diaw. Il m’a appris le coran et j’y suis resté pendant 15 ans” soutient-il.

Après des années passées entre les mains de Serigne Ababacar Dramé et Oustaz Thiaw, tous des maîtres coraniques de renom à Saint-Louis, Modou Kane a reçu l’autorisation de mettre en place son propre Daara : ” Quand je suis venu à Saint-Louis, c’était pour renforcer mes connaissances avant que je n’aie mon propre Daara “.

Avec un cursus brillant, Modou Kane a gagné la confiance de son entourage qui lui a confié sa progéniture : ” Tout a commencé quand mes frères m’ont confié leurs enfants pour que je leur apprenne le Coran. C’est ainsi que le Daara a vu le jour. Mes neveux venaient chez moi pour apprendre. Mais à un moment donné, la maison ne pouvait contenir le nombre d’élèves. Pour leur donner du savoir dans le confort, j’ai aménagé un lieu adéquat et cela fait presque 22 ans que nous recevons des enfants qui veulent apprendre le Coran “.

Mis sur pied depuis 2000, le Daara compte en son sein plus de 400 élèves, garçons et filles confondus. Notre interlocuteur s’estime satisfait de la présence majoritaire des filles au sein du Daara.
Le Daara compte au total plus de 400 élèves. Les filles dépassent les 250, ce qui est rare ” dit-il fièrement.
Pour la mémorisation, le temps qu’il faudrait ne peut être fixé,  selon le maître. Il précise que tout dépend de la capacité de l’enfant à mémoriser une telle sourate sur une telle durée car ” certains enfants font 7 ans pour assimiler tout le Coran, d’autres en font moins que ça. Il y a des enfants qui font des années et des années qui arrêtent qui ne parviennent pas à mémoriser tout le Coran “.
Le daara de Modou Kane constitue un internat et un externat. Certains parents souhaitent que leurs enfants descendent tous les soirs et passent la nuit chez eux. D’après Modou Kane, en général, ces enfants n’habitent pas loin du Daara. D’autres ne sont pas de Saint-Louis, ils viennent d’autres régions, parfois un peu éloignés. Dans ce cas de figure, ils internent au sein du daara. ” Il y a des parents qui acceptent que leurs enfants internent le Daara et qui envoient une somme symbolique chaque fin de mois “, déclare le maître coranique.

Ce dernier montre la particularité du Daara : ” Nous ne sommes pas de ceux qui prennent leur pot et demandent de l’aumône. Ici la stratégie est de voir dans les maisons environnantes qui peut assurer à l’enfant le repas de midi. Une fois ficelé, l’enfant va chez ceux qui ont accepté de lui servir le repas tous les jours après la prière de tisbar pour récupérer son bol. Mais ici aucun enfant ne traîne dans les rues pour quémander de quoi manger “.

Avec cette particularité, Modou Kane traîne pas mal de difficultés. L’un des problèmes principaux reste la tenue de promesse de certains parents à payer la scolarité de leurs enfants qui sont éduqués et logés par le propriétaire du Daara.Pour ceux qui doivent payer chaque fin de mois, certains parents restent des mois sans payer la scolarité des enfants. Tout en sachant que cela a un impact sur le propriétaire du Daara. Cet argent nous permet de réfectionner le daara. C’est pourquoi durant l’hivernage, les eaux de pluies encombrent le daara. Aussi, avec plus de 400 enfants, dans un daara, une seule personne ne suffit pour leur transmettre du savoir. Il va parfois falloir chercher des maîtres qui leur apprennent le coran. Pour se faire, il faut au minimum les payer à la fin du mois. Mais cela ne pourrait être possible si les parents qui ont interné leurs enfants ne payent pas “, regrette-il.

Très passionné par l’enseignement coranique, Mouhamadou Diop se tourne vers les bonnes volontés car son ambition est d’apprendre gratuitement le Coran aux enfants : ” Nous demandons de l’aide aux bonnes volontés. Le lieu où se situe actuellement le Daara ne nous appartient pas. On me l’avait prêté. Nous voulons avoir un daara qui sera au nom des enfants. Nous interpellons les responsables religieux du pays “.

Modou Kane interpelle également les autorités sur l’avenir des apprenants du Coran au Sénégal. ” C’est qu’apprendre dans les daaras n’a pas beaucoup de débouchés, si ce n’est l’enseignement. On a remarqué que certains de nos anciens élèves sont devenus des tailleurs. Pour maximiser les chances de nos élèves, nous réfléchissons sur comment insérer le français dans le programme pour qu’au moins ils aient la chance de saisir d’autres opportunités que d’enseigner le Coran “, signe-il.
L’avenir professionnel des apprenants du Coran reste le cœur des soucis de ce maître coranique œuvrant dans le bénévolat.