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TER Sénégal: Une zone 3 en phase 2 De notre correspondant en France, Séga Fall MBODJI, Paris

Le TER a été inauguré et mis en circulation officiellement le lundi 27 décembre 2021 par le président de la république Macky Sall.

Un extrait de son allocution à la cérémonie inaugurale à Diamniadio :

« C’est une étape historique dans notre marche collective vers le Sénégal émergent. Il y a 5 ans, le 14 décembre 2016, nous lancions le chantier de la première phase sur un linéaire de 35 km… Une aube nouvelle se lève sur notre cher pays… Le TER ouvre une nouvelle perspective dans le transport de masse avec 15 trains. Chaque train pouvant accueillir jusqu’à 565 passagers pour un potentiel de 115 mille passagers par jour…».

L’inauguration du TER est suivie d’une gratuité du service pendant 15 jours, prorogée jusqu’au 17 janvier dernier. Passée cette date, les tarifs en vigueur ci-dessous sont appliqués :

On s’aperçoit du découpage de la ligne en zones :

Zone 1 : Dakar – Thiaroye

Zone 2 : Yeumbeul – Bargny

Zone 3 : Diamniadio

La zone 3 singulière comprend Diamniadio. Cette zone atypique n’aura du sens que si la phase 2 du projet, reliant ainsi Diamniadio à l’aéroport AIBD, est complètement achevée.

L’opération de gratuité du service a enregistré 501 485 passagers qui ont voyagé à bord du TER durant ces 19 jours, soit 26 394 voyageurs par jour en proportionnel. Cet effectif d’un service non payant reste loin de la potentialité des 115 000 voyageurs ciblés par jour. L’information qu’on peut en tirer est qu’il sera très difficile de franchir le seuil de 26 000 avec un service payant. La stratégie a été très mal définie au démarrage.

En effet, les premiers jours constituent une étape cruciale pour avoir une visibilité sur la stratégie de marketing à adopter. Sachant que les sénégalais sont de sacrés fêtards en période de fin d’année, l’inauguration devait se tenir le 31 décembre. Les festivités organisées dans la nuit du 31 et le jour de l’an, comme le grand bal de Youssou Ndour, auraient mis en évidence la gratuité des services pour 2 jours, du 31 à partir de 17h au 2 janvier à 8h. A compter du 2 janvier, le service devient payant. Cela aurait permis de constituer en 15 jours un jeu de données très pertinent ayant un impact significatif sur la stratégie de marketing. Une étude quantitative de ces données fournirait les informations essentielles à savoir le nombre journalier d’usagers, les recettes journalières, l’affluence des usagers dans chaque gare, les périodes de forte affluence et les itinéraires les plus fréquents. Ces informations sont capitales pour l’ajustement tarifaire, la révision des fréquences des trains et l’organisation du trafic.

L’affluence observée dans les gares permet de mesurer leur densité pouvant impliquer une réorganisation du trafic. Par exemple, si dans la direction Diamniadio vers Dakar les voyageurs quittent majoritairement Rufisque pour rejoindre Colobane aux heures de pointes, le train pourra desservir toutes les gares de Diamniadio à Rufisque, puis sans arrêt jusqu’à Colobane et enfin desservir Dakar. De plus, si le trajet Dakar – Diamniadio présente une très forte affluence, il va falloir mettre des trains directs (sans arrêt) entre ces 2 terminus. Cela fluidifierait davantage le trafic avec un gain de temps considérable pour les usagers.

Quant à la tarification, le zonage n’est profitable ni aux usagers, ni en termes de recettes qu’il génère. En effet, si le tronçon Dakar – Thiaroye de la zone 1 coûte 500 FCFA, le zonage oblige à payer 500 FCFA quelle que soit la destination intermédiaire entre les gares de Dakar et Thiaroye ; ce qui est aberrant. 500 FCFA pour le trajet Dakar – Colobane en TER équivaut à 2 aller-retour en car rapide pour ce même itinéraire. Rigoureusement, il doit exister une tarification pour chaque itinéraire qui n’est qu’une combinaison de 2 gares. Par exemple, si le tarif entre 2 gares consécutives est de 150 FCA, alors Dakar – Thiaroye va coûter 900 FCFA. Avec un tarif à 500 FCFA, l’usager voit clairement le rabais appliqué en sa faveur avec un tarif normal presque divisé par 2. Une tarification en fonction des différents trajets faciliterait l’accessibilité à ce joyau des populations et serait plus rentable en attirant plus de voyageurs qui paieront moins cher, contrairement au zonage qui nécessite des tarifs plus élevés et donc une accessibilité très réduite.

La Société d’Exploitation du TER (SETER) associe la SNCF et la RATP en leur confiant l’exploitation et la maintenance dudit train. Le zonage est différemment appliqué par ces sociétés en France, particulièrement dans la région Île-de-France. D’un point de vue géographique, cette région est divisée en 5 zones concentriques qui font même figure d’identité géographique, servant de base à la tarification. En supprimant ce zonage au profit d’un Pass unique, la majorité francilienne « casse la logique d’enclavement », a expliqué Manuel Valls. Désormais, il n’y a plus qu’une Île-de-France. Sur le plan économique, les « navetteurs » qui traversent la région de sa périphérie à son centre économiseraient 434€ par an, soit 1000€ pour un couple. De

plus, la tarification à l’intérieur d’une zone est variable selon l’itinéraire du voyageur. Les tarifs en vigueur en Île-de-France, dont une part remboursée par les employeurs, peuvent être supportés par les usagers grâce au niveau atteint par le smic. Aujourd’hui, le Pass navigo « classique » mensuel coûte 75,20€, hebdomadaire 22,80€ toutes zones comprises et le smic mensuel brut est de 1600€ sur la base de 35 heures par semaine (soit 1269€ net). Le transport à moitié remboursé par l’employeur représente 2,96% du salaire net du salarié. Or ceci n’est pas le cas à Dakar où les habitants vivent de l’informel en très grande majorité et le salaire moyen tourne autour de 70€. Pour un actif qui gagne 50 000 FCFA mensuel, le Pass mensuel pour une seule zone lui revient à 15 000 FCFA, soit 30% de son revenu. Donc l’applicabilité de la tarification par zone pose problème et ce modèle francilien ne peut être calqué, à moins qu’il soit sous-jacent à une tarification intra-zone, c’est-à-dire définir des tarifs variables entre les gares intermédiaires d’une même zone. Les tarifs doivent tenir compte des réalités socio-économiques de la région dakaroise.

Un peu de statistique

Il existe des modèles statistiques permettant d’estimer le nombre d’usagers du TER, d’avoir donc une vue sur la densification des gares pour une quelconque période.

Soit (𝑇𝑛) une suite de variables aléatoires indépendantes et identiquement distribuées (𝑖.𝑖.𝑑) de loi exponentielle de paramètre µ, représentant la durée séparant la (𝑛−1)è𝑚𝑒 arrivée de la 𝑛è𝑚𝑒.

On pose : {𝑆0=0 𝑆𝑛=∑𝑇𝑖𝑛𝑖=1

𝑆𝑛 est la date à laquelle survient l’arrivée du 𝑛è𝑚𝑒 voyageur et suit une loi gamma de paramètre (𝑛,µ).

On définit la variable aléatoire entière 𝑁𝑡≥0 par : 𝑁𝑡=𝑛 ⇔ 𝑆𝑛≤𝑡<𝑆𝑛+1

𝑁𝑡 est le nombre de voyageurs entre les instants 0 et 𝑡.

L’accroissement (𝑁𝑡−𝑁𝑠) est le nombre d’arrivées entre les instants 𝑠 et 𝑡, 0≤𝑠≤𝑡. Il suit une loi de Poisson de paramètre µ(𝑡−𝑠). (𝑁𝑡−𝑁𝑠) ↝ 𝒫(µ(𝑡−𝑠))

Le processus poissonnien vérifie le principe de superposition.

Autrement dit, dans chaque gare 𝑖, le nombre de voyageurs 𝑁𝑡𝑖 est un processus poissonnien de paramètre 𝜆𝑖.

Pour 𝑡≥0 et 𝑚 gares, 𝑁𝑡=∑𝑁𝑡𝑖𝑚𝑖=1 représente le nombre total de voyageurs dans les 𝑚 gares. C’est aussi un processus poissonnien de paramètre 𝜆=∑𝜆𝑖𝑚𝑖=1.

L’historique des données sur les tickets validés permet d’estimer l’intensité µ de la loi exponentielle.

Illustration :

Pendant les 19 jours de gratuité, on suppose qu’une des 13 gares ait accueilli 26 000 voyageurs. De façon simpliste et par linéarité, l’intensité du flux de voyageurs à la seconde est de µ=0,016. En 30 minutes, on estime le nombre de voyageurs à : 𝑁𝑡=30 𝑚𝑖𝑛=0,016×1800=29

Si le flux observé dans une autre gare a une intensité 𝜈=0,01, alors par superposition on estime le nombre total de voyageurs en 30 minutes dans ces 2 gares à : 𝑁𝑡=30 𝑚𝑖𝑛=(0,016+0,01)×1800=47