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Sagar, un drame de la vie

Pape Abdoulaye Seck, le cinéaste aux potentialités immenses

 

A la recherche de l’humain

L’échec chronique à l’enfantement rend une jeune mère mentalement dérangée au point de se fabriquer un bébé en tissu : « Sagar ».
Produit en 2014 par lEsav Marrakech, « Sagar » est un film de Pape Abdoulaye Seck, auteur, réalisateur titulaire d’un Master en études cinématographiques – filière réalisation, de l’ESAV Marrakech.

Critique cinématographique de « Sagar » par

Chérifa Sadany Ibou-Daba SOW,

Cheffe du Desk Culture

Le court métrage raconte l’histoire d’une épouse traumatisée vivant avec son époux et sa belle-mère. Cette dernière est la source du mal. La jeune épouse avec son faux bébé qu’elle s’est fait et qu’elle ne cesse de dorloter l’accuse d’être la responsable de tous ses avortements. Elle devient traumatisée par la perte répétitive de ses enfants. Tout le film se joue sur le traumatisme de la femme et sur l’impuissance de son époux piégé entre l’amour pour sa femme et les désirs de sa mère.

Lauréat du meilleur film fiction des écoles au FESPACO en 2015, Sagar condense des émotions à travers des séquences intelligemment établies, et tactiquement bien jouées. Ce n’est donc pas un hasard que le film fut choisi pour ses qualités artistiques et techniques. La force du film vient de la capacité de son réalisateur, Pape Abdoulaye Seck, auteur/ réalisateur/ producteur et entrepreneur. Pape Abdoulaye Seck, à travers Sagar, invite le téléspectateur à pratiquer son métier en le poussant à déduire d’autres possibilités de scénarios, à réfléchir sur le suspense, à décortiquer davantage les scènes quelque peu codées. Par exemple, la scène dans laquelle la belle-mère cogne le ventre de sa belle-fille, Rokhaya Thiaw (actrice principale qui a remporté le prix d’interprétation) et se retourne vers son fils pour lui dire avec hargne :

« Fils, débarrasse-toi de ta faiblesse ! Trouve une solution ou moi j’en trouve ».
Cette scène est interprétable de plusieurs manières possibles. Elle témoigne de l’influence et l’audace conséquentielle dont font preuve les belles-mères dans le ménage des jeunes.

« Sagar » fait ressortir la vie trépidante des belles filles incapables d’enfanter, les turpitudes des époux impuissants face aux situations, l’implication des belles-mères dans le ménage de leur fils. Une réalité africaine et même souvent occidentale. En soi, il ne faut pas oublier le plus important, la solidarité de l’époux illustrée entre les intervalles 2mn et 4mn.

Durant cette scène, l’époux aide sa femme (réveillée au milieu de la nuit, dorlotant un faux bébé) à retrouver le sommeil. A la 7e minute, une scène culte où l’époux prend la défense de sa femme devant sa mère. Dire qu’à travers ces séquences, Pape Abdoulaye Seck retrace l’importance du soutien de l’époux dans le ménage. Le talent du réalisateur n’est cependant plus à contester: arriver en 10mn à faire comprendre au public un sujet aussi sensible que l’absence d’un enfant dans le mariage, il faut être un génie dans la sphère du cinéma pour le réussir.

Œuvre simplement interprétée par des acteurs avec une tactique de jeu impressionnante, « Sagar » reste un drame intime touchant et énigmatique à la fois et à la fin…bon surtout à regarder avec des pickles.