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Présidentielle : Le caractère du Droit

 Macky Sall-Conseil constitutionnel

Le caractère du Droit

Le Conseil constitutionnel est resté zen devant la crise d’autorité du président Macky Sall en fin de mandat et a dit le Droit, rien que le Droit qui humanise les relations entre les populations. À la force du caractère, il a opposé la force de la Loi.

Le bras de fer entre le président de la République et le Conseil constitutionnel a atteint le point de rupture avec le rejet, le 5 mars, des conclusions du Dialogue national remises la veille au chef de l’État : la Présidentielle aura bien lieu avant la fin du mandat, même si elle doit chevaucher entre mars et avril ; l’intérim prévu par la loi ne serait pas complet puisque le président de l’Assemblée nationale assurerait la transition entre une fin de mandat et un début. Cette perspective du Conseil constitutionnel n’a pas été prise en charge par le président de la République : pour ne pas perdre complètement la face avec ce second revers qui met de côté la proposition du dialogue national qui proposait le 2 juin et devant la position du Conseil constitutionnel qui fixait finalement l’élection au 31 mai, le président Macky Sall a eu un dernier sursaut d’orgueil en arrêtant la date du 24 mars ; le Conseil lui en donne acte.
La crise institutionnelle née le 3 février avec le coup d’arrêt inattendu infligé à la Présidentielle, à quelques encablures du début de la campagne électorale, a révélé à l’analyse la confrontation entre deux fiertés qui sont restées bloquées sur leur honneur et leur bon droit ; certes, le président de la République est au centre de toutes les audaces renforcées aujourd’hui par ce sentiment de culpabilité de celui qui se croit incompris avec les mesures d’autorité arrêtées pour sauver le Sénégal d’un danger que Macky Sall n’a pas voulu partager, se contentant d’un erratique “responsable du bon fonctionnement des institutions de la République” pour arrêter des mesures finalement jugées comme peu conformes à la Loi fondamentale le 15 ; on aurait pu croire qu’il lui suffisait d’un claquement des doigts pour soumettre toute institution née et prolongeant la légitimité du chef de l’Etat ; au demeurant, certains faucons avaient envisagé la dissolution impossible du Conseil constitutionnel pour prouver le primat de l’exécutif sur le judiciaire dans une République aussi organisée que le Sénégal sur le plan du Droit positif.
Moins que sur le plan de l’esthétique et de la morale, c’est en effet le déchirement de Macky Sall en fin de mandat qu’il faut essayer de comprendre et d’interpréter avec ce comportement rédhibitoire adopté depuis le 3 février et qui jure avec toute logique raisonnée : si le Sénégal risque de sombrer au-delà du 02 avril, le président de la République doit avoir cette hauteur de partager avec ceux qui lui ont fait confiance ces douze dernières années ; nager entre deux eaux ne peut que précipiter la noyade.

Les décisions issues du conseil des ministres de ce 6 mars permettent cependant d’espérer un prolongement de cette volonté d’apaisement manifestée par le président de la République avec cette loi d’amnistie controversée finalement votée ce même mercredi ; Macky Sall semble ainsi vouloir respecter son serment d’observer et de faire observer la Constitution : elle lui impose en effet d’attendre l’installation de son successeur à la fin de son mandat. Macky Sall ne saurait exciper de sa bonne foi d’une élection non tenue quand il aura tout faire pour ne pas agir “dans les meilleurs délais”.

Pathé MBODJE