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La Ligne du Devoir

Premiers ministres : Caligula et son Consul

Primature-De Idrissa Seck à Boun Abdallah

Le Bon, La Brute Et Le Truand

La vie est un cinéma et il y a trop souvent sinon toujours des navets

Quatre des six Premiers ministres qui avaient fait acte de candidature pour la Présidentielle n’ont pas reçu la sanction populaire nécessaire au niveau du parrainage ; ceux qui sont passés au second tour ont dû recourir à des correctifs, ce qui atténue leur autorité. Ceci pose alors la question centrale du Primat de la politique sur l’efficacité sociale. Ces “cent actes divers dont la scène est l’univers” sont en fait un cinéma parfois de mauvais goût.

À eux deux, chacun en ce qui le concerne, ils ont rempli la station à ras le bord“, conclue une étude menée en octobre. Si Idrissa Seck a confondu la ruse à l’intelligence, Muhammad Boun Abdallah Dionne a été jugé un cran au-dessus, dans une élégance physique et morale sans conteste. Qu’est-ce qui explique alors l’élan impulsif de Macky Sall vers celui que les populations avaient rejeté pour ses yoyos et qui le lui ont encore fait sentir durant la période du parrainage pour la Présidentielle de février prochain ? Certes, le Sénégal d’un Macky Sall finissant ressemble à cette Rome de Caligula, “cet empereur romain qui nomma son cheval consul (quelque chose comme premier ministre). Cette désignation est restée le symbole ou la caricature de la suprématie de la politique sur la compétence” : on y baptise et débaptise à tour de bras, dans une flagornerie indigne d’une démocratie de la Révolution de 1789.

Reprenons par le début : Idrissa Seck, Cheikh Adjibou Soumaré, Souleymane Ndéné Ndiaye, Abdou Mbaye, Aminata Touré Mimi, Muhammad Boun Abdallah Dionne, Amadou Bâ. Il y a bien eu Moustapha Niass, Mame Madior Boye et Macky Sall lui-même. Ce sont les 10 depuis l’Alternance qui ont succédé dans l’ordre à Mamadou Lamine Loum du dernier gouvernement socialiste.
Il n’y avait souvent aucune logique dans le choix : par exemple, Cheikh Adjibou Soumaré, dernier de la liste protocolaire sous Macky Sall, deviendra primus inter pares pour remplacer son chef ; Abdou Mbaye inconnu du champ politique fut la surprise du chef en 2012 ; d’autres fois, c’est une cohabitation forcée imposée par une alliance de circonstance qui détermine la nomination d’un Premier ministre.
Dans tous les cas, dans la compréhension populaire, le Premier ministre est un paravent, un fusible qu’il faut faire sauter pour pour protéger un président légalement irresponsable dans l’exercice de ses fonctions : Mame Madior Boye payera pour la tragédie du Joola, Abdou Diouf et Macky Sall s’en passeront même un moment pour vérifier l’inutilité technique de la station en liquidant le poste avec Moustapha Niass et Muhammad Boun Abdallah Dionne : des scores timides leur imposaient le devoir de “regarder les Sénégalais dans le fond des yeux”, sans le paravent qu’était le Premier ministre. Le retour à l’architecture démocratique démontre cependant l’esthétique politique et le primat de la politique sur la compétence, dans la gestion de la Cité.
Ces erreurs de casting, fréquentes dans la formation du gouvernement, se vérifient encore aujourd’hui : l’échec des anciens Premiers ministres, plus pour les repêchés que pour les ajournés du premier tour, maintient la moue des populations envers ces Primus aujourd’hui dans leurs souliers. Même Amadou Bâ s’est méfié en favorisant plus le parrainage parlementaire que les trois millions d’appuis supposés : les doublons auraient atténué une valeur d’autant plus mal en point que le pouvoir a essayé depuis la Toussaint 2020 de déprécier tous les accusés auxquels on prêtait une ambition présidentielle alors que Macky Sall était encore dans les starting blocks pour une troisième candidature. Et l’Apr a la rancune tenace contre ce militant de la 25ème heure qui a essayé de tirer le marron du feu avec plusieurs fers dans un brasier politique et social né avec les ajustements structurels mal réussis, les pandémies et autres scandales.
Pathé MBODJE