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Nouveau président : Urgences signalées

Nouveau président-La rupture de la solution

Djiby Ndao cible les points urgents

L’élection du nouveau président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, fait entrer le Sénégal dans une nouvelle ère de l’histoire du pays : l’actuel président porte un projet anti-système. La majorité de la population a adhéré au projet le soir du 24 mars 2024. Le projet de l’ex-secrétaire général du parti de Ousmane Sonko apporte du changement, certains diront la rupture. Pour un regard plus approfondi, Djiby Ndao, docteur en Économie et professeur à la faculté des Sciences économique et de gestion à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar expose les défis majeurs à relever

Synthèse de
Khadidiatou GUEYE Fall,
Cheffe du Desk Société

La population sénégalaise a voté pour la rupture du système. Cette rupture risque de faire mal. Mais il faudra à la population de s’armer de patience. Pour Djiby Ndao, analyste économique, le Sénégal traverse un tournant décisif sous l’ère de M. Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Plusieurs défis doivent être relevés dans les plus brefs délais sur le plan économique et social, sur le plan de la souveraineté monétaire, sur le plan juridique, sur le plan éducatif…

Sur le plan économique et social, Djiby Ndao pense que le renforcement des secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche et la création des entreprises de transformations dans le but de substituer les exportations de matières premières par des produits finis manufacturés sont à prendre en compte. Il propose au nouveau chef de l’État de mettre en place des projets de substitution aux importations pour relancer notre économie nationale tout en réduisant le déficit de la balance commerciale, de ⁠mettre en place une chaîne de valeur économique en mettant en corrélation les secteurs primaires, secondaires et tertiaires et inciter les populations à consommer nos produits locaux, de réduire les denrées alimentaires pour faciliter l’accès aux ménages pauvres, d’équiper les hôpitaux d’équipements sanitaires de qualité tout en réduisant les tarifs et recruter beaucoup de médecins. Le docteur en Économie suggère la suppression de la bourse sociale et de la remplacer par des PME, et le financement des GIE et le renforcement de la couverture maladie universelle en ciblant la couche pauvre.

Il faudrait également changer le système de tarification de l’eau et l’électricité pour faciliter l’accès aux ménages pauvres. « La tarification progressive qu’on utilise au Sénégal n’est pas conforme dans un pays en développement où la taille des ménages pauvres est très élevée », nous explique M. Ndao.

Sur le plan de la souveraineté monétaire, le professeur de la Faseg est contre la création de la monnaie unique nationale dans le court terme. Selon lui, « le pays est dans un tournant de relance économique et il faudrait d’abord renforcer notre compétitivité interne et externe. Je suis en phase avec les propositions du Professeur Babacar Sène. En effet, la réforme monétaire envisagée par les pays de la CEDEAO à travers l’Éco peut permettre d’aboutir à des consensus politique (souveraine monétaire africaine en lieu et place d’une souveraineté monétaire nationale) et économique (régime flottant encadré, solidarité des membres à travers la mutualisation des réserves de change). Toutefois, la pérennité d’un tel système dans les années à venir dépendra de la capacité des pays à entreprendre des réformes destinées à améliorer la compétitivité de leur économie (industrialisation, commercialisation de biens à haute valeur ajoutée technologique, délocalisation etc), approfondissement des marchés financiers à travers la diversification de la base des investisseurs, contrôle des flux spéculatifs pour éviter les phénomènes de sudden stop (arrêt soudain). Il est également fondamental de mener des réformes destinées à faire face à la concurrence des monnaies avec la percée de certaines cryptomonnaies ».

Le Docteur Djiby Ndao pense qu’il est important dans les programmes de développement économique de nos pays de tenir compte des caractéristiques qui ont contribué à la prospérité dans le passé, selon Dani Rodrik. « Ces caractéristiques comprennent un cadre macroéconomique stable, des incitations à la restructuration et à la diversification de l’économie (à la fois axées sur le marché et fournies par le gouvernement), des politiques sociales visant à lutter contre les inégalités et l’exclusion, des investissements continus dans le capital humain et les compétences, et un renforcement des institutions réglementaires, juridiques et politiques au fil du temps. Les pays qui font leurs devoirs dans ces domaines s’en sortiront mieux que ceux qui ne le font pas. La monnaie a un rôle important à jouer pour l’atteinte de ces objectifs », explique-t-il.

Avec peu d’expérience dans le domaine juridique, Djiby Ndao propose dans l’urgence la mise en place d’un nouveau gouvernement qui va dissoudre l’Assemblée et organiser les élections au plus tard en début 2025. Le gouvernement mis sur pied doit, d’après l’économiste, organiser un référendum pour compléter le vide juridique, supprimer l’amnistie et poursuivre les responsables des morts. Les renégociations des contrats déjà signés concernant le pétrole, le gaz, l’or et la phosphate sont à revoir. Le secteur de l’Education nécessite également une révision avec la suppression de certains chapitres qui datent depuis l’Antiquité.

Ainsi, notre interlocuteur, toujours dans la dynamique d’appuyer le projet antisystème, énumère les impératifs allant dans ce sens :

adapter les formations professionnelles par rapport aux besoins des entreprises et des institutions,

initier les élèves au Droit, à l’Économie, à l’Informatique et aux formations techniques,

équiper les universités pour qu’elles respectent les normes sociales et pédagogiques internationales,

doter en équipements et formations professionnelles de qualité les ISEP, de sorte que les élèves moyens (bac oral et moyenne inférieure ou égale à 10) soient tous orientés là-bas, la formation académique universitaire réservée aux meilleurs,

augmenter les enseignants à l’université en mettant en place un système de contrôle strict pour qu’ils respectent les horaires et changer le contenus des module, investir dans la recherche et développement pour permettre aux universitaires de définir nos politiques économiques et sociales.

Khadidiatou GUEYE Fall