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L’Éditorial de Pathé MBODJE – Pauvre démocratie qui fait fausse route

Nous sommes donc revenus en arrière, aux années de braise d’une société s’essayant à la démocratie. Deux alternances n’y ont pas suffi : nous revivons la dure opposition entre deux hommes, Abdou Diouf/Macky Sall-Abdoulaye Wade/Ousmane Sonko.

Le parallèle est en effet saisissant entre un maximaliste ne sachant pas jusqu’où il faut aller loin et qui se permettait donc tout, même le gouvernement parallèle, avec un Ousmane Sonko otage de groupuscules anarcho-maoïsto-communistes qui le poussent à la Résistance sur de prétendus droits qu’il a lui-même bafoués en jouant les sans domicile fixe. Le subsidiaire l’emporte ainsi sur le principal.

Le Sénégal n’est en effet pas une démocratie qui se bat autour d’une plainte qui a déjà coûté la vie à quatre jeunes, espoirs à jamais perdus qui continueront de se coucher sur le chemin des libertés. Le révolutionnaire Senghor nous aura aidés dans notre ouverture culturelle à l’autre et permis de vivre en paix dans nos dignités et sagesse africaine unifiées ; Abdou Diouf est revenu sous les traits de Macky Sall qui appelle à la prière mais ferme le lieu de culte. Pauvres de nous avec les assauts des institutions internationales et la reproduction induite des mécanismes de domination : libres, théoriquement, dominés culturellement, étranglés financièrement. Au nom du libre choix, de la liberté de concurrence pour la consommation d’un produit plutôt que la création et l’amélioration de ce produit. Éternels porteurs d’eau, soixante ans après 1960, qui tendons la main sur l’autoroute de la charité internationale.

On qualifie ceux qui cherchent à relever le front d’anti-coloniaux sans relever que les jeunes n’ont pas comme ancêtres des Gaulois mais des héros que l’autre nous a appris à détester, sans comprendre leur sagesse hellène quand ils compétissent et gagnent dans les plus grandes institutions du monde, quand ils vivent la prolongation de la Coupe du Monde 2002 et leur victoire sur la France, fruit défendu qu’il faut croquer, quitte à se faire chasser de l’Eden. Quand le politique voit le sentiment anti-français dans l’économique, le social continue d’exorciser son complexe longtemps intériorisé et qu’il exprime désormais sans haine ni crainte, sans passion mais aussi avec la même violence que la France à mise en Afrique depuis l’arrivée de André Brüe sur les côtes sénégalaises en 1444. Il ne faut pas se tromper de combat : la jeunesse se bat pour elle, et pour elle seulement, pour appeler les aînés à colleter à l’essentiel, la gestion du temps et de l’espace dans une société en deuil de son idéal.

La sédimentation des frustrations révèle une société affamée qui se réveille à intervalles plus ou moins réguliers, au nom de la démocratie, ce qui en atténue la force qui aurait dû s’imposer sui generis à Me Wade et à Macky Sall : le Black Lives Matter n’a pas pu rester digne dans la douleur ; le vandalisme est la preuve de la sécheresse de la démocratie sénégalaise qui ne nourrit pas son homme obligé de se battre pour dévaliser des caisses, des banques et des produits. Spectacle insoutenable sous les tropiques et ailleurs. La démocratie ne se nourrit pas de la pauvreté.

Fausse route

Ainsi tout, dans l’affaire Sonko, cherche à égarer la raison par la fausse route qu’emprunte le dossier : Ousmane Sonko a fait le mauvais choix d’un itinéraire qui prête à confusion ; Adji Sarr s’est trompée de chemin en allant déposer plainte après être longtemps tue sur les coups de boutoir présumés de son chevalier servant ; ceux qui ont espéré en tirer profit se sont égarés dans les fanges de la politique politicienne ; les populations ont symboliquement hurlé à mort leur mal-vivre de la domination étrangère et révélé le grand dénuement d’une société vivant de charité et d’entraide.

Et ces conseils qui pensent faire la leçon aux juges, au pouvoir et à leurs confrères à travers un dossier de simple police et qui imposent une épreuve de force pour jouer au paon ? Pauvre Maître Floriot transfiguré en Perrin Dandin voulant plaider devant une porte close.

Le Devoir