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Karim Wade Ministre de Macky Sall ? Équation impossible Par Habib KA, Bureau régional de Matam, Thilogne

L’amnistie, mauvais arrangement, vaudrait mieux qu’un bon procès révisionnel qui révélerait à la face de l’Onu la réalité de la justice sénégalaise. Macky Sall irait-il cependant jusqu’à un gouvernement élargi à Karim Wade et aux siens ?

Depuis un temps, une certaine presse fait état de conciliabules au plus haut niveau entre des envoyés du président Macky Sall et le plus restreint du premier cercle des fidèles de Karim Wade. Mieux, la source se dit être dans le secret des dieux, que Karim Wade est sur le point de rejoindre le gouvernement de Macky Sall. La source reste toutefois muette sur les conditions de mise en œuvre de ce plan ainsi que la procédure que cette entente pourrait emprunter. Cette information a tout d’un fake news tant son applicabilité relève du domaine de l’impossible.

Karim Wade, ministre de Macky Sall, une probabilité nulle, même si rétorquera-t-on qu’impossible n’est pas du domaine des logiques politiques, qui elles-mêmes n’obéissent pas au rationalisme de la science, des mathématiques.

Quel que soit le scénario envisagé, pour le simple retour de Karim Wade au Sénégal, que lui et certains de ses collaborateurs participent ou pas à un gouvernement élargi, Macky Sall serait le seul perdant. En sus de cela comme prix de la réconciliation, le fils de Abdoulaye Wade ne cracherait pas sur une mairie de Dakar dont les prérogatives de l’édile seraient renforcées, ses domaines de compétence élargis.

Il faudra aussi clarifier la nature des listes et la part belle qui seraient accordées aux jeunes nostalgiques de la Génération du Concret dont l’élan fut brisé par ce même Macky Sall, un soir de 27 mars 2012, la coalition du Pape du Sopi accusant moins d’un million d’électeurs.

Karim Meïssa Wade était condamné par la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite (CREI) à une peine de 6 ans de prison ferme, assortie d’une amende de 138 milliards de francs cfa. Permettre à Karim Wade de retrouver ses droits civiques, au nom d’une stratégie politique d’alliance, ne saurait être possible que par une loi d’amnistie générale. L’amnistie, elle, vise une infraction déterminée, elle ne saurait être personnelle ; en conséquence, elle ne peut être réduite au seul cas de Karim Wade et/ou de Khalifa Ababacar Sall. Pour vraiment être générale, beaucoup de détenus qui croupissent en prison pour des faits politiques ou analogues peuvent bénéficier de la loi d’amnistie qui absoudrait les crimes des 2 K.

Encore faudrait-il que le législateur spécifie dans la loi d’amnistie qu’en plus de l’effacement de la peine, les amendes qui s’ensuivaient sont annulées ; Karim Wade échapperait ainsi à une astreinte par corps, les 138 milliards passés au compte pertes diverses.

Macky Sall aura le problème de justifier toutes ces années déployées pour traquer des barons de l’ancien régime, des commissions rogatoires, des avocats de l’Etat du Sénégal, Mes Yérim Thiam, El Hadj Diouf, Aly Fall, Moussa Félix Sow, qui se sont gracieusement engraissés, même s’ils courent encore derrière le reliquat des 2% de leur commission. Même la notaire attitrée de Karim Wade, Tamara Seydi, s’en est bien tirée d’affaire avec une corde au cou du ministre apérien de l’Intérieur de l’époque, Abdoulaye Daouda Diallo.

Pour des opportunités propres à ses calculs personnels de maintien au pouvoir, puis de prolonger son mandat, Macky Sall ne doit en aucune façon transiger sur les ressources publiques : accepter cette alliance avec Karim Wade c’est donner enfin raison à l’opposition que le procès du fils du président fut un procès politique, un acharnement contre un rival qui fait peur.

Karim Wade et ses partisans réclament la révision de son procès, un choix politique de dire qu’il préfère une justice qui rétablit un citoyen dans son honneur que la magnanimité d’un chef d’État qui vous collera à la peau pour toute la vie.

Dans cette posture, le condamné n’a pas à se faire du souci sur le temps que la justice prendrait pour le procès et les calculs pour une participation à des compétitions électorales.

Macky Sall ne sera pas prêt à accepter cette voie dans la mesure où la justice sénégalaise se contredirait et donnerait raison au Comité des droits de l’homme de l’Organisation des Nations-Unies (ONU) considérait que “le droit de Karim Wade à un procès équitable a été violé par la justice sénégalaise” et qu’en conséquence sa déclaration de culpabilité et de condamnation doit être réexaminée.

Le Sénégal avait clos, en son temps, ce débat juridique par ce rappel : “Le Comité n’est pas une instance juridictionnelle mais plutôt un comité d’experts indépendants dont les décisions sont dénuées de toute force obligatoire”.

Outre de perdre la face à l’international, Macky Sall, accusé sans cesse par l’opposition d’instrumentaliser la justice à des fins politiciennes, de revanche contre un régime qui lui a tout offert, donnerait raison à ses adversaires politiques.

Un deuxième procès ? Le président aura contre lui tous ceux qui ont trempé dans ce dossier, les magistrats notamment qui n’avaient de raison que la raison d’État.

Les Sénégalais finiront de se faire une idée sur la justice de leur pays, sur la transparence et la gouvernance vertueuse, la justice sélective, les dossiers mis sous le coude du président.

De ce procès, les Sénégalais auront-ils enfin l’occasion de savoir tout ce qui tenait du protocole de Rebeuss, cette fameuse nuit à la Maison d’Arrêt et de Correction (MAC), l’exfiltration de Karim par jet privé vers Doha ?

Si l’actuel président de la République avait suivi les conseils du père, le Sénégal n’en serait pas arrivé là : “Surmonter les épreuves les plus difficiles, notamment celles qui résultent de la passion de l’adversité politique”.