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Contribution: Événements au Tchad (Par le Professeur Lat Soucabé Mbow)

Il est prématuré de situer ce qui vient de se passer au Tchad dans un autre cadre que celui d’une guerre civile opposant le régime de feu Idriss Déby Itno et la rébellion du FACT opposé à la confiscation d’un pouvoir exercé sans relâche avec un autoritarisme voué à se perpétuer à la faveur d’un sixième mandat très contesté.

Les conditions de la transition augurent d’un remake. Le Conseil militaire dirigé par le fils du défunt Président a annoncé la couleur en suspendant la Constitution pour dix huit mois. C’est la mise entre parenthèses du fonctionnement régulier de la démocratie et des institutions républicaines. Dopée par le coup qu’elle vient de réussir, la rébellion va sans nul doute poursuivre et accentuer sa pression sur la capitale. Qui tient Ndjamena le cœur du pouvoir prend le pouvoir, et, finit par contrôler à la longue tout le territoire tchadien. Dans l’histoire des innombrables guerres civiles, il n’y a jamais eu d’autres grandes batailles finales par Abéché ou Moundou ou une quelconque localité plus stratégique.

Les rébellions éclatent presque inéluctablement à partir du grand nord, et, au sein de l’ethnie gorane. Leurs protagonistes se connaissent. Ce sont des rivalités claniques qui les opposent fondamentalement. Les soutiens sont presque constamment les mêmes : les voisins libyens ou soudanais d’abord pour servir éventuellement de bases de repli et au transit des armements – possiblement aussi des renforts militaires – fournis par d’autres puissances. On cite dans les événements en cours la main de la Libye pro-tobroukienne et celle du Qatar. Pour quelles raisons et à quelles fins ?

Le Maréchal Aftar a dans le jeu tchadien son poulain, en l’occurrence Mahamat Mahdi Ali. Mais avec le processus de réconciliation nationale en cours en Libye appuyé par la communauté internationale, il se voit contraint de prendre des distances avec les supplétifs étrangers de son armée originaires de la frontière sud. On peut comprendre qu’avec le retour de ces soldats, le gouvernement de Ndjamena ait eu au cours des dernières semaines fort à faire avec la rébellion du FACT au point d’amener le Maréchal Déby à monter au front nord où il a été grièvement touché.

Il se dit que le Qatar aurait appuyé la rébellion, notamment au plan des moyens logistiques. Dans ce cas, l’émirat aurait joué un jeu double puisqu’après la brouille dans les relations diplomatiques – par suite d’un alignement zélé de Ndjamena sur le boycott de l’émirat par le Conseil du Golfe – les deux pays avaient procédé à une normalisation depuis 2018.

En tout état de cause lorsqu’on évoque l’ingérence probable du Qatar dans les crises en Afrique, on agite le spectre du jihadisme. La question est de savoir si le FACT est une franchise d’une internationale islamiste ?