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« Barça ou Barsak» : Le Nem Plus Ultra !

« Barça ou Barsak »

Pour une Nouvelle économie maritime

Quelle nouvelle politique publique d’économie maritime pour l’accessibilité à nos ressources halieutiques qui faisaient vivre 600.000 personnes dont ces jeunes qui partent chercher une meilleure vie ailleurs ?

Par Pathé NDIAYE,

Conseiller en Organisation de Classe exceptionnelle,

Président du Parti du Développement et de la Renaissance du Sénégal (PDRS).

Résultats de l’échec des politiques publiques

Depuis quelques semaines, le Sénégal enregistre de nombreux accidents en haute mer de pirogues remplies de jeunes Sénégalais et d’Africains cherchant à rejoindre les pays méditerranéens comme le Maroc, l’Espagne, le Portugal, avec l’espoir de trouver « l’Eldorado » ou, du moins, mieux que la situation qu’ils vivent dans leur pays d’origine.

Ces accidents que l’on découvre tous ces jours-ci se traduisent par de nombreux morts retrouvés sur les berges méditerranéennes, de nombreux disparus en haute mer qu’on ne retrouve pas jusqu’à présent, émeuvent les populations, notamment les parents des jeunes disparus partis souvent avec les sacrifices financiers consentis par ces derniers.

Toutes les villes côtières du Sénégal dont les populations notamment les jeunes vivent de la pèche sont touchées. Ma ville natale, Rufisque, particulièrement ! Peut-être le plus grand nombre de morts et de disparus !

Aussi je voudrais présenter mes condoléances à toute la nation sénégalaise, en particulier aux parents des disparus et aux concitoyens de cette Ville qui m’est si chère ! Que Dieu les accueille dans ses plus hauts paradis !

Que d’émotions, de pleurs, de révoltes contre ces situations, comme si elles nous arrivaient pour la première fois ; pourtant, ce phénomène d’immigration clandestine appelée Mbeukeumi existe depuis   deux à quatre décennies.

Tant que les pirogues arrivent à destination sans accident, les jeunes bien accueillis par les « demandeurs », tout se passe bien : aucune communication voire information sur ce phénomène tant qu’il n’y a pas d’accidents.

Si ce phénomène perdure, c’est qu’il correspond à un besoin de « main d’œuvre bon marché » exprimé par les pays européens d’accueil. Si les piroguiers transportent par centaines les jeunes africains, c’est qu’ils sont attendus de l’autre côté par des entrepreneurs locaux pour être acheminés vers des entreprises agricoles et industrielles qui les emploient dans des conditions qui frisent l’esclavage. Et cela sous les yeux bienveillants des autorités de police locales.

Ce n’est pas de gaité de cœur que ces milliers de jeunes africains bravent les océans pour accepter à l’arrivée des conditions de travail aussi dégradants.

Ont-ils le choix ?

Certains, comme les milieux gouvernementaux, pensent que les jeunes ne savent pas ce qui les attend de l’autre côté des berges méditerranéens, qu’ils sont mal informés ou même abusés par leurs amis qui y sont depuis un moment et qui leur font miroiter un eldorado fictif. C’est pourquoi les stratégies des gouvernements africains sont est de mettre en place des politiques de communication dont l’exécution est confiée à des organisations non gouvernementales et entreprises de communication, pour convaincre les jeunes de rester au pays.

D’autres stratégies et politiques publiques s’y ajoutent. Ce sont les offres de financement par les pays européens, de projets agricoles aux victimes ou bénéficiaires de cette migration (c’est selon), aux jeunes africains pour qu’ils reviennent et restent dans leurs terroirs.

L’exemple type récent est le programme « Gouvernance, Migration et Développement » financé par l’Union européenne. Ce programme logé et exécuté par la Direction générale d’Appui aux Sénégalais de l’Extérieur vise à convaincre les jeunes sénégalais émigrés à revenir et/ou rester dans leur terroir en leur proposant des financements de projets à hauteur de 60 millions FCFA par région. Ce programme, parait-il, a déjà touché 125 jeunes sénégalais vivant en Espagne et y travaillant comme saisonniers. C’est bien mince comme résultat !

Ces stratégies et politiques publiques développées par les pays africains peuvent produire les effets souhaités dans certains cas. En effet, il y a eu un certain nombre de retours et de désistements, mais en gros les jeunes restent insensibles à ces plaidoyers.

Ces plaidoyers sont certes utiles, notamment sur le plan psychologique, mais ils ne doivent empêcher de voir la réalité en face. Cette réalité que, par contre, voient bien les jeunes candidats à l’émigration : l’inaccessibilité aux ressources halieutiques !

Ces ressources, avant si proches, sont désormais, depuis des années, inaccessibles du fait de leur éloignement de la cote et sont la « chasse gardée » des gros navires industriels qui écument et dévastent nos mers.

Les pirogues des jeunes sénégalais ne peuvent évidemment pas concurrencer ces gros navires en termes d’équipements de capture et de traitement.

Ces jeunes vivant des produits de la mer restent sans activité durant toute l’année, sauf pour certains dont les familles disposent de terres cultivables durant les trois mois d’hivernage.

Ce manque d’activité est difficile à supporter pour ces jeunes qui souvent sont des soutiens de famille.

Ne pouvant satisfaire leurs besoins et les espoirs placés  en eux par toute une famille, il leur est difficile de ne pas chercher ailleurs où sont arrivés leurs amis qui vivent des conditions meilleures que dans leur pays.

Mon avis est que le gouvernement doit regarder cette réalité en face. Elle est la source de toutes les difficultés voire malheurs sociaux et drames que nous vivons sur nos côtes.

Comment faire pour retrouver l’accessibilité à nos ressources halieutiques qui faisaient vivre 600.000 personnes dont ces jeunes qui partent chercher une meilleure vie ailleurs ?

La même question se pose dans le secteur agricole où l’accessibilité des jeunes aux terres cultivables se pose aussi. C’est pourquoi nous trouvons de nombreux jeunes agriculteurs parmi les candidats à l’immigration clandestine.

Les terres cultivables sont de plus en plus cédées par l’État et les collectivités territoriales à des entreprises étrangères, privant les jeunes d’activité.

Là aussi une reforme foncière s’impose ! De même que de nouvelles politiques d’affectation ou de cession des terres en vue de résorber le chômage dans ce secteur.

Mon avis est que les politiques publiques menées  dans l’économie maritime  depuis l’indépendance  n’ont pas été efficaces et sont des échecs cuisants.

Exacerbés par le développement des moyens de communication et des réseaux sociaux, ces échecs sont plus visibles. Les catastrophes humanitaires qui en sont les conséquences ne peuvent plus être cachées.

L’Afrique est en train de perdre son capital humain le plus important qui s’investit à faible coût dans les pays européens. N’est-ce pas là de l’exploitation de nos ressources humaines par l’Occident ?

Or l’économie maritime du Sénégal dans les années 60 à 80 était le secteur le plus florissant devant le tourisme.

D’après des études récentes, elle  utilise  20.000 pirogues et 160 navires industriels bénéficiant de plus de 250 licences de pêche  sur 718 km de côtes.

Elle fournissait le plus grand nombre d’emplois et de recettes d’exportation .

Tous les spécialistes de la mer estiment que les cotes sénégalaises font partie des plus riches en Afrique mais qu’elles sont exploitées à une cadence infernale qui ne permet pas aux stocks de se renouveler.

Les eaux sénégalaises sont devenues le théâtre de nombreuses activités illicites dues à l’intrusion de navires industriels avec ou sans autorisation qui font perdre à l’État du Sénégal annuellement 150 milliards FCFA.

En plus des pertes économiques, ces activités illicites de pêche détruisent la biodiversité de la faune halieutique.

Ainsi la situation actuelle est catastrophique et s’aggrave de jour en jour :

  • Le Sénégal non seulement perd ses ressources halieutiques mais il n’a plus la maitrise ni souveraineté sur celles-ci.
  • Le chômage est quasi-général dans ce secteur, aussi bien dans la pêche artisanale que la pêche industrielle nationale qui ensemble faisaient vivre 600.000 personnes.

Ces difficultés économiques et sociales  sont le résultat de  la mise en œuvre des politiques  publiques suivantes :

  • l’octroi de licences de pêche tous azimuts à des étrangers, bien que battant pavillon sénégalais ; il y a une véritable omerta sur le nombre exact de licences attribuées.  Tous les spécialistes estiment que l’État a trop donné !

Omerta porte aussi sur l’utilisation des ressources financières tirées de ces licences de pêche. 

  • La surexploitation des ressources halieutiques par des navires industriels européens et chinois qui en plus ne transforment pas leurs captures au Sénégal ;
  • L’inefficacité voire l’absence de contrôle sur ces super navires usines qui surexploitent et dévastent nos ressources dépeuplent nos eaux territoriales, malgré la création d’une agence publique dédiée a la surveillance de nos eaux territoriales et au contrôle des navires industriels étrangers. Les moyens et les équipements de cette agence sont-ils suffisants et adéquats pour ce contrôle ?
  • Le contrôle de l’immigration a partir de nos côtes maritimes, s’il existe, est inefficace : les pirogues partent régulièrement sous le nez et la barbe des autorités de police, de gendarmerie et douanière. Un bon nombre de pirogues arrivent à destination sans problèmes ;
  • les politiques publiques d’aide au retour au pays menées depuis les années 1980 sous divers noms par les différents régimes sont les mêmes et ne donnent pas les résultats escomptés. Rien de nouveau  ni de différent dans le dernier programme mis en œuvre par la Direction générale des Sénégalais de l’Extérieur : propositions de financements de projets agricoles, maraichers ou de pêche, installation de magasins de commerce. Les bénéficiaires souvent ont émigré clandestinement et ont vécu dans une situation irrégulière pendant des dizaines d’années, dans des emplois clandestins  avec des niveaux de rémunération scandaleux. Après les avoir exploité et utilisé  toute leur force de travail, épuisés physiquement, c’est ce que leur offre le pays d’accueil pour finir leur vie dans leur terroir.

N’ayant plus de possibilités d’activités chez lui, il est difficile pour un jeune qui souvent est le principal soutien de famille ou l’espoir de la famille de rester les bras croisés pendant neuf mois, attendant la possibilité de faire des cultures agricoles pendant l’hivernage, si la famille détient un terrain à usage agricole.

Aucun programme de financement de projets financés par les pays européens ou l’État du Sénégal, souvent accompagné de programmes de communication, ne peut convaincre ces jeunes à rester là ou il n y a plus d’activités économiques, dans la pêche ou ailleurs.

Nécessité de Nouvelles politiques publiques

A mon avis, les solutions à ces problèmes existentiels passent par une révision  complète des politiques publiques de l’État  dans l’économie maritime.

  • Assurer une meilleure surveillance de nos côtes pour empêcher les départs des pirogues vers l’Europe. Les services de gendarmerie, des douanes, de la police ont les moyens d’être informés des préparatifs de départ des pirogues dans les zones qu’ils contrôlent. Les projets de départ doivent être réprimés à la source par des sanctions infligées aux promoteurs,
  1. L’annulation et le non-renouvellement de toutes les licences de pêche octroyées jusqu’à présent.

La question se pose de savoir ce que l’État gagne dans cette vente de licences qui ne profite pas aux  entrepreneurs nationaux ni aux travailleurs : piroguiers.

Nous savons que les nationaux détenteurs de licence sont en majorité des prête-noms d’entrepreneurs étrangers. Sinon, comment expliquer la faillite massive des entreprises de transformation et le marasme dans ce secteur au Sénégal ?

La vérité est que les ressources financières en contrepartie de ces licences n’ont pas servi et ne sauraient servir à compenser cette dévastation de nos ressources halieutiques, le chômage massif des jeunes et ces drames sociaux quotidiens.

  1. Imposer un repos biologique sur nos côtes maritimes pour permettre le renouvellement de la faune maritime et de nos ressources halieutiques.
  2. Recouvrer notre souveraineté sur nos ressources halieutiques et organiser l’exploitation de celles-ci au profit des entreprises totalement sénégalaises et de la pêche artisanale ;
  3. Élaborer des politiques de soutien à l’équipement conséquent à ces deux sous-secteurs (pêche industrielle et pêche artisanale) qui leur permettent de réutiliser en plein emploi les jeunes afin de les fixer dans leurs terroirs.
  4. Obliger désormais les navires et autres embarcations exploitant nos ressources à débarquer et transformer leurs produits au Sénégal.
  5. Assurer un contrôle plus efficace de nos côtes et de nos eaux territoriales en dotant l’Agence publique dédiée à cette mission de moyens et équipements nécessaires ;
  6. La mise en œuvre de ces nouvelles politiques publiques devrait entrainer sans doute la révision de certains accords passés avec l’Union européenne et d’autres pays  occidentaux et asiatiques  dont les navires industriels sont à l’origine des problèmes  sociaux rencontrés dans le secteur de l’économie maritime.

Il faudrait oser !