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Aéroport d’Ourossogui: 14 milliards annoncés, réception au plus tard octobre 2021 Habib KA, Bureau régional Matam, Thilogne

Depuis la remise du site par le préfet du département au Directeur général des aéroports en présence d’un représentant de la société tchèque, les choses sont restées là. C’était début-décembre 2020.

Moi j’ai repris le fait sous forme de nouvelle.

Soudain, je me surpris nager dans la joie, à l’entrée d’Ourossogui. Fier de mes origines, par ce que je vois. Le Fouta a changé, bien changé même.

La voiture continuait de glisser sur une route goudronnée toute noire, bien droite, avec des feux tricolores de signalisation sur tous les carrefours, des bornes kilométriques, des tracés et trottoirs impeccables, des garde-fous peints en rouge et blanc, des allées piétonnes où se déhanchaient des silhouettes de femmes de tous âges comme pour sublimer le décor de leurs rondeurs.

Difficile de faire admettre à un visiteur ou à un jeune que cette route, il y’a dix ans, était la croix et la bannière pour ceux qui venaient de Thilogne pour joindre Ourossogui. Il fallait trois bonnes heures de poussière rouge.

Que la vie a changé ! Que de vieux sinistres souvenirs !

Aliou, du coin de l’œil, me surprit entrain de m’émerveiller sur les rangées de rutilantes 4/4 garées dans les parkings des hôtels, de la verdure, du gazon, des ombragés taillés partout.

Comme pour me permettre de bien ajuster mon regard et de savourer longuement encore ces instants, il ralentit très doucement son Audi, au point de l’immobiliser.

Je distinguai alors un bureau vitré, une blanche svelte, habillée en jupe droite bleu de nuit, chemise blanche trop serrée au corps se déplacer vers la sortie. Mon regard fut attiré par l’écriteau Air France et le bleu-blanc-rouge du petit drapeau négligemment accroché au vent.

Aliou, devinant ma surprise, s’improvisa guide :

– C’est la représentation de Air France à Ourossogui. Chaque vol régulier international a une correspondance régionale pour Matam. Et de continuer les explications, comme s’il m’était trop compliqué pour comprendre tout ça.

Mon ami de repartir encore lentement, me laissant le soin de savourer plus longuement ces délices qui s’offrent à mes yeux, de part et d’autre du grand Boulevard baptisé au nom d’un ancien émigré, fils de la ville, qui avait fait fortune dans l’or et le diamant en Angola et qui était revenu investir dans son Sogui natal.

De part et d’autre donc du Boulevard, s’alignent des services, des commerces, des bureaux, des sièges d’ONG, des banques, des représentations.

De jeunes messieurs, impeccablement vêtus, tantôt sortaient des lieux, portable à l’oreille, gesticulaient. Certainement ils parlaient d’affaires ou de grosses sommes d’argent avec un partenaire situé de l’autre bout du monde.

L’émigration est en train d’étaler ses richesses, de montrer son faciès, la réussite. De belles villas au milieu de la poussière, à 44 degrés à l’ombre pour démontrer que l’on n’abandonne pas chez soi.

Arrivés au carrefour d’Ourossogui, la voiture prend la droite ; toujours à droite le grand marché qui symbolise et démontre que cette ville-carrefour n’a pas encore fini de prouver ses immenses potentialités. Carrefour où toutes les ethnies se croisent, échangent, se complètent. Des Peulhs venus du Ferlo Djolof, des Wolofs de Daara, Touba, des Maliens, Guinéens, de Bissau.

Puis mon regard se pose sur des camions 30, 40, 60 T qui déchargent le trop-plein de Dubai, de la Chine. Le voisin malien, fournisseur de céréales, de légumes, d’aliments de bétail, le grand marché de Diawbhe qui complète avec l’huile de palme, le pain de singe.

J’ai dépassé les rangs des Maures avec leur brouettes ou pousse-pousses, qui proposent des tranches de moutons bien dorés à des prix de 1.000 francs, 500 francs me rappelant ceux de Colobane, de la Médina ou de l’Angle Goumbo qui utilisaient une marmite sur un fourneau et vous servaient, en sus, une soupe bien chaude. C’est après que j’ai compris qu’on les appelait frox caaya. Mais les tranches qu’ils nous servaient étaient appétissantes, nourrissantes ; j’oubliais de dire qu’on se contentait des laxas, mélange de viscères et de tout, qui ne vous donne forcément pas droit à une cuillérée de soupe bien chaude.

Aliou me fit clin d’œil si on veut remettre ça. Volontiers dis-je

Nous descendîmes, commandâmes de gros morceaux pleins de graisse. Dans un endroit, sur la rue, tenu discret par un bout de pagne, nous festoyâmes.

Quelque cent mètres nous séparaient encore du Hall de l’Aéroport d’Ourossogui, des voitures en revenaient, nous dépassant à vive allure. De temps à autre des avions nous survolaient dans un grand bruit avant d’atterrir.

Je voyais aussi des avions décoller.

J’entendais entre les vrombissements des moteurs des avions et les murmures d’un Aliou qui certainement était comme moi, dans les bras de Morphée. Est-ce l’effet de la viande Naar forox caaya ?

Toujours est-il que j’entends bourdonner dans mes oreilles ceci : les passagers à destination de Dakar-Abidjan-Paris sont priés de se présenter au comptoir Air France pour les formalités d’enregistrement.

Aliou continuait de m’expliquer que la région de Matam a été honorée par le président Macky Sall, dans son Plan Sénégal émergent en finançant ce joyau à hauteur de 14 milliards de francs cfa. Puis j’entends Universités, routes, hôpitaux, énergie solaire, eau, irrigation, eau potable, banques de crédit agricole, des réalisations du coupés par un Votre Attention s’il vous plaît : les passagers à destination de Paris sont priés de se rendre en salle d’attente pour embarquement immédiat.

Je pris mes affaires, remerciant intérieurement le frère-président de ce que son rêve pour le Fouta est devenu réalité.

Puis, je semble distinctement entendre bruire “grand Bib’s, grand Bib’s”.

Je sors de ma sieste.

C’est la voix de Moussa, ancien émigré reconverti releveur de Asufor, venu couper l’eau parce que je dois, comme à mes habitudes, une facture d’arriérés, impayée.

Puis, un âne braire.