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Waly Ba, éditeur : La trace d’un acteur culturel

Entretien

L’éditeur de ” La mâchoire Carrée “, Waly Bâ,

à cœur sur la maison d’édition ” Nuit et jour “

Par le biais du roman de Sadany Sow, Monsieur Waly Bâ, éditeur et acteur culturel, laisse ses traces. Ce fondateur de la maison d’édition “Nuit et jour” revient sur son parcours et qualifie l’auteure de La mâchoire Carrée” comme celle qui a osé représenter la douloureuse complexité des relations de couples. Pour Waly Bâ, Sadany Sow possède une plume particulière en ciblant des sujets rarement abordés.

Propos recueillis par Khadidiatou GUEYE Fall,

Cheffe du Desk Société

1/ Présentation
Je m’appelle Waly Bâ, professeur de Lettres de son état, et parallèlement, administrateur du journal « Expressions Littéraires » et critique littéraire. Je suis aussi auteur et fondateur des éditions ” Nuit et Jour” .

2/Quelles sont les œuvres et les auteurs qui ont boosté votre amour vers la littérature?

Comme tout lycéen, j’ai été d’abord marqué par quelques œuvres classiques inscrites au programme : Le monde s’effondre, L’aventure ambiguë, Les bouts de bois de Dieu…Mais à vrai dire, ma passion pour la littérature s’est amorcée en dehors de la sphère scolaire. J’ai très tôt commencé à fréquenter le Centre culturel de Diourbel où j’ai découvert plein d’auteurs de grand talent et qui avaient peu de place dans l’enseignement du français au collège. Je citerai entre autres Apollinaire, Charles Baudelaire, Yves Valentin Mudimbé, Jean Marie Adiaffi, Malcom de Chazal, Yambo Ouologuem, Amadou Lamine Sall, Paul Dakeyo, Patrice Kayo, Lamine Diakité.

3/Présentez-nous votre maison d’édition

Les éditions ” Nuit et Jour “, nous les avons créées en 2020, en pleine Covid. Comme la plupart des maisons d’édition, nous publions un peu de tout (roman, poésie, essai, nouvelles…) Mais l’existant (l’ensemble de nos publications, soit une trentaine de titres), au moment où nous parlons, est nettement dominé par la poésie. Cela peut être compréhensible, car moi-même je suis poète avant tout.

4/Pourquoi et comment êtes-vous devenu éditeur ?

Les éditions ” Nuit et Jour ” n’ont pas une prétention tout à fait particulière. Elles n’ont pas vocation de réinventer la roue. Elles procèdent seulement de ma conviction qu’en tant qu’acteur culturel et homme de Lettres ayant collaboré pendant un temps avec pas mal d’auteurs et de maisons d’édition, je disposais de suffisamment d’expérience pour tenter l’aventure dans le domaine de l’édition. Disons qu’en un moment, je me suis dit que cette activité, j’avais le potentiel pour l’exercer, et que mieux, que je pourrais même apporter une touche particulière dans la façon de faire naître un livre.

5/Qu’est-ce qui vous a incité à éditer ” La mâchoire carrée ” de Sadany Sow ?

Je crois que la toute première raison qui nous a décidé à publier ce roman, c’est la manière assez particulière dont Sadany représente la douloureuse complexité des relations de couple. La fragilité des couples modernes peut découler de nombreuses raisons, mais celles que Sadany met en relief dans son histoire sont très rarement abordées. Pour le reste, il faut dire qu’une maison d’édition a aussi comme autre vocation de donner aux auteurs qui n’ont jamais publié la chance de le faire, tout en leur faisant prendre conscience que la conquête d’une identité d’écrivain ne peut être que le fruit de la persévérance, d’un sacerdoce qui demande beaucoup de sacrifices, et surtout un grand sens de l’écoute.

6/ Un mot sur l’auteure de “La mâchoire carrée “.

Sadany Sow se révèle comme une auteure sympathique et qui a de fortes ambitions. Elle est aussi assez réceptive, et ce n’est pas la pire des qualités pour quelqu’un qui aspire à faire carrière dans la création littéraire.

7/Avez vous espoir que la jeunesse prenne la relève ?

Relève ? En fait, je pense qu’un écrivain n’a personne à relever. Un Jeune poète de 2023 est dans la même entreprise que Senghor, mais ils n’ont pas le même poste. Chaque poste en matière de création littéraire est unique, et donc, chacun doit être assez responsable pour comprendre que les actes qu’il pose à partir de son poste l’engagent totalement et déterminent sa place dans la postérité. S’il y a des écrivains d’aujourd’hui capables de faire mieux, de mieux marquer les esprits que Senghor, Cheikh Hamidou Kane, Mongo Béti ou Chinua Achebe, eh bien tant mieux. Mais ce qui est sûr est qu’on n’arrive jamais au sommet sans talent et sans travail. Malheureusement, beaucoup de jeunes écrivains ne comprennent pas cela, et parfois ne veulent même pas le comprendre. Raconter une histoire, aligner des vers, c’est facile. Même un singe bien entrainé pourrait le faire. Mais il faut beaucoup plus que ça pour faire un roman ou de la poésie, en un mot, pour créer une véritable littérature.
Il arrive qu’on rencontre ici et là, de temps à autre, de belles pépites dans la production romanesque et poétique sénégalaise contemporaine. Malheureusement, tout le reste demeure une création quelconque profondément marqué par un mimétisme ébouriffant.