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La Ligne du Devoir

Wade, la paix dans la différence

Me Abdoulaye Wade

La bataille de la différence

En 2016, Philippe Chandezon lance l’idée d’un numéro spécial de la revue Géopolitique consacré au président Wade. Les contributions issues de la cartographie des intervenants ne seront jamais éditées. Exclusives et originales, elles ressortent des tiroirs à l’occasion de ce numéro spécial du Devoir consacré à ce dernier combattant de la liberté. Le long extrait d’une contribution inédite de Me Wade lui-même sur ses médiations est issu lui aussi d’un projet jamais réalisé et qui revient à la lumière avec cet hommage. Un baobab.

A lui seul, il symbolisait le Prix Houphouët-Boigny ; à lui seul, il représentait l’Unesco dans sa totalité, lui le guerrier de la différence. Le lieu était le seul digne d’abriter une cérémonie quand “c’est dans l’esprit des hommes” qu’il faut faire la guerre de la paix, l’esprit se voulant dans son acception culturelle, politique, cultuelle, économique, au fond matière sociale, matrice de socialisation, science molle, sensible, rationnelle, douée d’émotion et de raison. 

Son opposition à Senghor est d’abord culturelle : s’il a été au congrès de 1956, c’est le lauréat de MathsElem et MathsSup qui vient contester cette Négritude au rabais qui voulait que l’émotion fût nègre et la raison hellène : “l’Africain le plus diplômé de Casablanca au Cap” comme disait Me Ousmane Ngom ne comprenait pas cette conception du Nègre porteur d’eau, scieur de billots et toujours bon pour la cuisine, à tout le moins pour les égouts des régions parisiennes.
 
Commençons d’abord par l’éducation et la formation de nos enfants. Combattons, par la parole et l’acte, les idées préconçues reçues et les concepts simplificateurs. Entre hommes et femmes de bonne volonté condamnés à partager une même planète, accordons une priorité élevée à la résolution pacifique des différends si nous voulons éviter de retomber dans les pièges dévastateurs du siècle dernier“.
 
Le monstre froid de la Place Fontenoy voisine avec le Titan d’acier qu’est la Tour Montparnasse, hantée encore par l’esprit du regretté Albert Jacquard qui y avait ses habitudes. Et Me Wade est la synthèse de ces substrats sur lequel se repose l’humain dans sa recherche d’équilibre moral, appuyé sur l’homme, le remède de l’homme.
 
Abdoulaye Wade a chanté la différence, Abdoulaye Wade a prôné la différence dans une Afrique de l’obscurantisme où il a payé de sa personne la bataille qui a jalonné sa vie et consacré sa recherche de la paix par opposition et complémentarité; par solidarisme à la Durkheim. “La paix, c’est une vie faite d’harmonie, de respect réciproque, d’amour.A l’Unesco, en 2006, Abdoulaye Wade reçoit le prix de sa vie couronnée par la tempérance qui mène au Parnasse.
 
Et afin que ce prix fût plus frais et de meilleur débit, le récipiendaire se mue en fabuliste d’un environnement culturel accompagnant la manifestation dans un spectacle de sons, lumières et de couleurs, “avec la tenue d’une semaine sénégalaise dont nous vous invitons à visiter les salons à partir de demain : le salon du livre sénégalais avec les auteurs, le salon de la coiffure sénégalaise du XIXème siècle à la fin de la 2e guerre mondiale, le salon de l’habit sénégalais du XIXème siècle à nos jours, le salon de l’art, peinture et sculpture, le salon de l’artisanat, le salon de la musique, le salon du cinéma sénégalais, un défilé de mode”. Et se frappent le balafon, la kora, le khalam. En Anglais, en Français, dans l’idiome de l’autre, pour se rapprocher de l’autre, se faire comprendre et se faire accepter par l’autre rasséréné par un arbitraire du signe qui se décline dans une tour de Babel universelle réduite à l’unité qu’est l’humanité, au sens culturel.
 
Dès lors, il est reparti comme il était venu, non point tant “convaincu que le prix qui m’est décerné est, certes, une récompense et un encouragement, mais aussi une invite à persévérer dans la quête de la paix. Et c’est à cela que je m’engage solennellement, devant vous, en étant pleinement conscient que la recherche de la paix est un sacerdoce“, mais en portant son fardeau, tel Sisyphe et son rocher, tel Atlas : Abdoulaye Wade est la Paix.