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La Ligne du Devoir

Tabaski : Coup de tête pour un bélier

La chronique de Tidiane Sène,
Correspondant en France

Le bélier et moi

Une affaire de coup de tête

Il m’a terrassé, l’inintelligent, par deux fois de suite en l’espace de quarante-huit heures. Et bizarrement, personne n’est intervenu pour nous séparer, la bête et moi.
La fête de la Tabaski n’est pas consommée au-delà du bonheur qu’elle procure pour certains ; elle peut aussi susciter des déboires que malheureusement on ne raconte jamais.
Voilà ! Comme tout le monde, je me suis évertué plus d’un mois durant à chercher à emmagasiner beaucoup d’argent pour acheter un mouton. Mais c’est peine perdue. Car, pour moi, c’est toujours la croix et la bannière de trouver un bélier à chaque période de cette année. Qu’on le veuille ou non, le bélier coûte cher, trop cher. Il m’arrive même de me demander comment se fait-il que mes compatriotes arrivent sans difficulté, en deux ou trois jours, à se trouver le mouton escompté.
C’est avec le mouton de Tabaski que j’ai pu donner un autre sens à la fameuse notion de famille, mieux, à l’intérêt de se souder pour former un groupe homogène.
Mes charmantes filles ont toutes accouru pour dénouer leurs « Gafagas » afin de participer à l’achat de l’animal trop prisé au lendemain d’«Arafat». La famille au Sénégal est sacrée, et cela se confirme chaque jour, surtout cette grande fête familiale.
C’est dire que la famille, c’est bien plus qu’un simple couple. La famille a une âme, c’est à dire qu’elle est un groupe d’individus aux rapports multiples évoluant dans un même espace physique ou psychologique commun. Dans cette communion, on y trouve des règles, des propriétés et des rôles bien définis pour chacun des membres du groupe et, ceci, dans un système de pouvoir structuré.
C’est justement autour de ce lien de parenté et de partage que surgit, du fond du cœur, cette grande envie de vouloir se dépenser pour tous ses autres parents.
L’essentiel, c’est que le bélier soit là, hautain, gros, debout, dressé, fier et tout blanc puis tacheté de noir.
Chez certains éprouvés, c’est à la veille de l’Aik-El-Kébir et du jour même de la Tabaski, que les déboires commencent véritablement.
La veille donc, la belle bête, certes non contente de notre compagnonnage aussi momentané, se cabre et  «sort des cornes » et même des « sabots ». Pour le détacher et l’immoler avant de le dépecer, le bélier semble jouer son va-tout avant de rendre son dernier souffle en essayant de m’écorner traitreusement, rendant ainsi votre festin malencontreux.
Et pour cause, quand bien même vous vous satisfassiez de ripaille, la nuit risque d’être mouvementée pour vos côtes et pour votre digestion !

Tidiane SÈNE,
Toulouse