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Sonko : Le choc des mots, les dieux lares

Sonko candidat à la Présidentielle

 

Esprit, es-tu là ?

Comme François Mitterrand, Ousmane Sonko croit aux forces de l’esprit. « Notre projet est même spirituel » a-t-il dit le 18 août dernier, lors de sa déclaration de candidature à la Présidentielle de 2024.

L’argutie, pour faire juridisme, n’est cependant pas un bon programme de campagne qui rejoint sa thématique préférée de la victimisation : la prestation du 18 août ressemble fort en effet à une fuite en avant au lendemain des Législatives pour contrecarrer le dessein de ses amis qui ne lui veulent pas que du bien et qui souhaiteraient le voir à l’ombre pour des raisons que le candidat n’évoque jamais, conformément à la loi quand une procédure est pendante devant la justice.
Ainsi, fidèle à une démarche adoptée depuis un an et demi dans ses déclarations publiques, Ousmane Sonko lance un énième appel à la vigilance, transition vers une résistance qui est elle-même un doux euphémisme pour désigner la désobéissance civile.
Ce combat par procuration se fera aussi à l’Assemblée nationale quand les députés du rang s’appuieront sur des éléments tapis derrière les rideaux pour défendre certaines idées propositions de loi. Le candidat dixit.

Deux principales formations mènent un combat pour le futur, les autres, comme lors de la dernière présidentielle de 2019, faisait plus vitrine démocratique avec des zéro sans fin  : l’Alliance pour la République et Pastef/les Patriotes ; une troisième, le Parti démocratique sénégalais de Me Wade, vit de ses rentes : les populations sénégalaises sont redevables au Pape du Sopi pour les avoir appuyées dans la longue traversée de la nuit pour aboutir au grand jour du renforcement des libertés individuelles et collectives au Sénégal et en Afrique ; le bassin électoral du Pds est ainsi resté pratiquement intact au cours de ces 50 dernières années qui assure aux Libéraux au moins une vingtaine de sièges à l’Assemblée nationale.
À l’inverse de Me Wade qui a pu échapper au syndrome islamiste après la douloureuse parenthèse avec les Moustarchidines, Ousmane Sonko n’a pas pu éviter le piège religieux qui a maintenu les liens avec le Parti de l’Unité et du Rassemblement, par exemple, et s’appesantit souvent sur un fétichisme magico-religieux contraire à la paix de l’Islam confrérique sénégalais.
Au surplus, là où Me Wade refusait de « marcher sur des cadavres » pour accéder au pouvoir, le chemin de Ousmane Sonko est jonché de jeunes victimes ayant répondu à l’appel à la mobilisation depuis une histoire de mœurs dans les tètes et qu’on évite d’évoquer. Au demeurant, les fréquentes invites à la mobilisation ont abouti le 17 juin à un phénomène nouveau avec l’apparition de forces nouvelles dont les principaux intervenants renvoient directement ou implicitement au leader de Pastef. L’instruction en cours, l’accalmie sur le front des mobilisations publiques et la aix en Casamance semblent ainsi brûler le terrain sous pieds d’un Sonko obligé de donner un signe vie pour ne pas se laisser noyer. Ayant mal apprécié le degré de…pénétration de son image dans la société, le candidat déclaré n’a pas su réfréner ses ardeurs et part du vrai qu’il interprète à sa façon.
En face, l’Apr de Macky Sall vit des moments difficiles dus moins aux résultats qu’à une désaffection des populations des grandes villes, importante réserve électorale. De plus, Macky Sall vit deux démons qui sapent son aura : l’absence d’honnêteté et de fiabilité des dirigeants trop souvent cités dans les affaires de prévarication et l’usure du pouvoir due à ces défauts et non à son bilan.
L’analyse électorale lui donne cependant ses chances : avec un taux d’abstention de 51% lors des Législatives du 31 juillet dernier, la coalition au pouvoir est parvenue à maintenir une majorité relative de 82 sièges, doublant ses principaux adversaires que sont Yewwi Askan Wi (56) et Wallu (24). Certains analystes arrivent à la conclusion qu’avec le même taux de participation et avec les mêmes rapports de force, Macky Sall pourrait encore une fois s’en sortir avec près de deux millions de voix : 7.036.466 inscrits ont été appelés à voter le 31 juillet 2022 ; le taux de participation a été de 46.60 %.
« Un homme à la rencontre de son peuple » dispose toujours du bonus du sortant qui le place devant sa formation ou coalition.
Si et seulement si les dieux lares et les mânes des ancêtres veillent sur le Sénégal.

P. MBODJE